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Louis, rédac’ chef du journal lycéen "la Mouette Bâillonnée" : "Le prix Jets d’encre est une revanche face aux harceleurs"

"La Mouette Bâillonnée", le journal du lycée Marcelin-Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés, obtient le "coup de cœur" du jury au concours Kaleïdo'scoop 2015
"La Mouette Bâillonnée", le journal du lycée Marcelin-Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés, obtient le "coup de cœur" du jury au concours Kaleïdo'scoop 2015 © Isabelle Maradan
publié le 16 juin 2015
1 min

"La Mouette Bâillonnée" a reçu le 10 juin 2015 le prix "coup de cœur" des journaux lycéens dans le cadre du concours national de la presse jeune organisé par l'association Jets d'encre. Une revanche pour Louis Pasquier, 17 ans, rédacteur en chef du journal du lycée Marcelin-Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés (94), menacé de mort suite à la publication d'un numéro "Spécial Charlie" en janvier dernier.

Vous étiez très ému mercredi 10 juin, lorsque vous avez reçu le prix coup de cœur dans la catégorie lycée du concours national de la presse jeune. Que signifie ce prix ?   

Ce prix est, je pense, la plus belle chose qui soit arrivée à "La Mouette Bâillonnée" cette année. Après les difficiles moments passés (depuis janvier 2015, le lycéen a reçu des menaces de mort suite à la parution d'un numéro spécial Charlie, NDLR), ce prix est une revanche face aux harceleurs. C'est une sorte de soulagement. Je ne m'attendais pas à craquer devant tout le monde sur scène lors de la remise du prix, mais la pression est redescendue d'un coup. 

Comment avez-vous réagi face aux menaces de mort ?

Quand nous avons reçu la première menace, il ne fallait absolument pas en parler. "L'affaire" devait rester confidentielle pour les besoins de l'enquête de police. Je ne comprenais pas pourquoi on nous en voulait à ce point. Ensuite, les menaces ont continué. Elles sont devenues de plus en plus violentes. Il a fallu trouver des solutions pour garantir la sécurité de tous. L'Association Jets d'encre et Reporters Sans Frontières ont été extrêmement efficaces, de bons conseils et d'un grand soutien. Mais malgré cette aide, les menaces ont continué. Les mots avaient laissé place aux balles. Le temps s'est alors brusquement arrêté. Il fallait agir et que les menaces cessent. Mais il fallait aussi vivre, aller au lycée, continuer à faire semblant. Lorsque les professeurs ont su ce qui se passait, il y a immédiatement eu un mouvement de soutien. Jeudi 21 mai à 10 heures, ils ont usé de leur droit de retrait pour nous soutenir. À partir de là, les événements se sont enchaînés, et les soutiens se sont accumulés. On a été vraiment émus de voir tant de gens s'exprimer. Ça nous a peu à peu rassurés, même si l'équipe a toujours été solide, avec un sacré esprit de groupe.

Vous avez également dû faire face à la médiatisation de "l'affaire"...

Quand l'affaire a éclaté - entre guillemets - dans les médias, nous avons décidé d'accorder quelques interviews seulement parce que nous ne voulions pas que notre histoire soit surmédiatisée. Mais nous devions donner les bonnes informations pour éviter que des rumeurs ne circulent. Grâce à cette médiatisation, les différents services de l'État ont réagi et nous ont apporté l'aide que nous demandions depuis janvier. Et les moyens mis en place par l'Éducation nationale - bien que tardifs - ont été très efficaces.

Depuis janvier, avez-vous envisagé de laisser tomber votre poste de rédacteur en chef de "La Mouette" ?

Abandonner "La Mouette", c'était s'avouer vaincu. Je n'ai jamais voulu quitter mon poste de rédacteur en chef. Je ne voulais pas déplacer le problème sur une autre personne. Le dernier numéro que nous avons réalisé était une évidence et une promesse à nos lecteurs. Nous devions le faire pour eux ! On n'a jamais fabriqué un numéro en aussi peu de temps. Je dois la plus grande partie du travail à Pierre-Louis, qui a réussi à mettre en page le mensuel en si peu de jours. Je dois remercier sincèrement Candice, qui a créé une bannière magnifique en une du journal et enfin Coco, pour sa caricature.

Pensez-vous que la presse jeune a un bel avenir devant elle ?

J'en suis persuadé. Je pense que les récents événements ont permis de démontrer la nécessité de la presse libre. Si on veut que les choses évoluent dans le bon sens, nous devons prouver que les sujets de fonds nous intéressent. L'engagement à notre niveau peut déjà commencer par nos écrits. La presse jeune peut vraiment devenir un moyen de communication et de rassemblement qui permettrait à tous les jeunes de donner leurs avis sur l'actualité, de commenter le passé pour espérer un futur meilleur. Les jeunes n'ont pas la science infuse et c'est ce qu'il leur permet de rêver et de croire en ce qu'ils pensent être juste. L'Association Jets d'encre a pris conscience de cela. Elle mérite une reconnaissance exemplaire parce qu'elle réalise depuis 10 ans un travail gigantesque pour la promotion de la presse jeune ! Mais l'État a aussi un rôle à jouer. L'actuelle ministre de l'Éducation nationale a demandé à ce que chaque établissement ait son propre média. C'est une bonne chose. Cela va inciter les jeunes à s'exprimer et donner de la valeur à leurs idées.

Envisagez-vous de faire du journalisme votre métier ?

Paradoxalement oui. Cela peut paraître étrange mais je n'ai jamais autant rêvé d'être journaliste qu'aujourd'hui. C'est un métier passionnant et diversifié dont j'ai hâte de découvrir les multiples facettes. Mais avant cela je préfère rester lucide et me concentrer sur les différentes échéances à venir, à commencer par le bac (Louis est en classe de première, NDLR). Je ne veux brûler aucune étape et rester fidèle le plus longtemps possible à "ma" Mouette.

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