Témoignage

Nathanaël Molle, Singa : "Ouvrir les associations étudiantes aux réfugiés est une chose simple qui pourrait être géniale"

Nathanaël Molle SINGA
Nathanaël Molle : "Les étudiants peuvent agir en faisant des choses informelles avec les réfugiés comme du sport, des activités culturelles, des dîners…" © Photo fournie par le témoin
Par Isabelle Maradan, publié le 08 septembre 2015
1 min

La photo d'Aylan, enfant de 3 ans retrouvé mort sur une plage turque alors que sa famille fuyait la guerre, a créé une onde de choc et vous avez été nombreux à réagir sur les réseaux sociaux. Vous avez envie d'agir ? Donnez quelques heures pour discuter en français avec des réfugiés ou invitez-les à jouer au foot !

Voilà des idées simples – et  réalisables – préconisées par Nathanaël Molle, directeur général de Singa, association œuvrant pour l'insertion sociale et professionnelle des réfugiés. Interview.

Que peuvent faire les étudiants qui souhaitent agir pour l'accueil des réfugiés ?

Ce qui est top avec les étudiants, c'est le dynamisme. Les réfugiés sont plus habitués à rencontrer des gens plus posés, comme les assistants sociaux. Une chose toute simple qui pourrait être assez géniale – et c'est un projet sur lequel je veux travailler – c'est d'ouvrir les associations étudiantes aux réfugiés. J'ai fait une grande école, où il y avait 87 % de filles et où on galérait pour constituer une équipe de foot. Nous aurions pu inviter des réfugiés à jouer avec nous ! On peut agir en faisant des choses informelles comme du sport, des activités culturelles, des dîners, des soirées, ou plus formelles, comme des cours de soutien à l'apprentissage du français. Ce qui compte, c'est apprendre à se connaître, se côtoyer, car, comme la barrière de la langue, le regard des autres est un frein à l'insertion des réfugiés (lire l'article consacré à Nathanaël Molle en juin 2014).

Ne faut-il pas avoir des compétences en FLE (français langue étrangère) pour aider à l'apprentissage du français ?

Ce ne sont pas des cours de FLE mais des conversations que mènent les étudiants bénévoles avec les réfugiés. Des jeunes regroupés au sein de l'EPIC, une association étudiante de l'UPEC [Université Paris-Est Créteil, NDLR], accueillent des réfugiés et forment des binômes pour discuter en français pendant au moins une heure et demie par semaine. On peut débuter avec des petits groupes de 5 puis élargir quand cela se passe bien. Avec l'EPIC, nous avons commencé par ce tutorat et cela a abouti à des choses beaucoup plus informelles, comme des soirées culturelles, où étudiants et réfugiés regardent des films français ensemble, des repas où tout le monde discute, et il y a même eu une course de radeaux ! Singa accompagne les associations étudiantes qui souhaitent lancer une initiative pour renforcer l'accueil des réfugiés dans notre société.

Y a-t-il une maladresse fréquente que ceux qui s'apprêtent à ouvrir leur association étudiante à des réfugiés pourraient éviter ?

Les étudiants sont très curieux, ce n'est pas un défaut en soi, mais il ne faut pas demander à un réfugié "pourquoi vous êtes venu en France ?" ou "qu'est-ce qui vous est arrivé ?". Pendant 2 ans, le temps de sa demande d'asile, celui-ci a déjà dû expliquer, prouver qu'il a fui la persécution et il en a marre qu'on lui pose cette question ! D'autant qu'elle lui rappelle les raisons négatives pour lesquelles il a dû fuir son pays. Pour cette question-là et pour d'autres, Singa proposera bientôt un outil de formation à distance pour se préparer à travailler avec les réfugiés. Par ailleurs, nous ne sommes présents qu'en Île-de-France pour l'instant, mais nous allons développer notre présence en région, en commençant par Lyon, prochainement.

Vous souhaitez héberger des réfugiés ?

Singa a lancé le dispositif CALM (Comme à la maison) pour mettre en relation des personnes ayant un logement à offrir pour quelques jours, semaines ou mois, et des réfugiés en quête d'un toit et d'une "expérience humaine permettant de se familiariser avec la France", comme l'explique l'association sur le site du dispositif. En seulement 8 jours, plus de 5.000 solutions d'hébergement ont été proposées. Singa a pu ressentir l'effet Aylan", puisqu'il n'y avait que 400 offres avant la publication de la photo du corps sans vie du petit garçon syrien échoué sur la plage.

"Réfugiés", "migrants", de qui parle-t-on ? Nathanaël Molle fait le point
Beaucoup de gens sont des migrants. Toute personne qui va vivre en dehors de son pays d'origine est un migrant. Les Français à l'étrangers, expatriés, par exemple, sont des migrants. Quand on parle de réfugiés, on parle de gens qui ont fui la persécution dans leur pays d'origine, en raison de leurs opinions politiques, par exemple. Ces personnes sont d'abord demandeurs d'asile puis réfugiés statutaires. Derrière l'utilisation du terme "migrant", on cache la véritable raison pour laquelle ces gens partent de leur pays pour sous-entendre qu'ils sont des "migrants économiques". Or, la famille du petit garçon mort fuyait la guerre. Ce ne sont pas des masses de gens à nos frontières contre lesquelles il faut se protéger."

Lire aussi "Ne dites plus "migrants", mais réfugiés", l'éditorial de Jean Quatremer publié dans “Libération” le 6 septembre 2015.

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