Actu

Suicides de Françaises en médecine à Cluj : à la fac roumaine, l'heure est à la prévention

L'université de médecine et de pharmacie de Cluj-Napoca, en Roumanie // © Charlie Dupiot
L'université de médecine et de pharmacie de Cluj-Napoca, en Roumanie // © Charlie Dupiot © Charlie Dupiot
Par Sarah Hamdi, publié le 30 avril 2015
1 min

Connue pour offrir une seconde chance aux Français ayant échoué aux concours de la PACES (première année commune aux études de santé), l’université de Cluj-Napoca, en Roumanie, a récemment été confrontée à une vague de suicides d’étudiantes venues de l’Hexagone faire médecine. Aujourd’hui, les discussions se mettent en place pour trouver des solutions et éviter que le pire ne se reproduise.

En quatre semaines, la mort a côtoyé quatre fois l'université de Cluj-Napoca, en Roumanie. Deux jeunes femmes se sont suicidées et deux autres ont tenté de mettre fin à leurs jours. Ces étudiantes françaises étaient venues avec le même objectif : réussir leurs études de médecine. Une vague d'actes suicidaires qui inquiète sur place comme en France. Cluj compte près de 1.145 jeunes venus de l'Hexagone, soit la plus grande communauté d'étudiants français en Europe orientale.

Dimitri Moulu est en troisième année de médecine et préside la Corporation de médecine de Cluj, une association défendant les francophones de la ville roumaine. "La tension est retombée sur le campus, notamment grâce aux vacances. Avec une quarantaine d'étudiants volontaires, on a mis en place une ligne d'écoute disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre", explique-t-il. Sur les conseils d'un psychiatre, "des séances de travail sur soi ont également été proposées pour apprendre à gérer ses émotions".

Éloignement et incertitudes

Margaux Baudin, 24 ans, faisait partie de ces expatriés prêts à passer les frontières pour réaliser leur rêve. La jeune femme s'est pendue le 3 mars 2015. Dans une lettre qu'elle a laissée à sa famille, "elle explique qu'elle préfère vivre ailleurs plutôt que survivre ici et qu'elle ne voyait pas comment elle pourrait arriver à devenir médecin", a rapporté son père au Monde. Celui-ci a créé une association, Dr Margaux, pour aider les étudiants français à l'étranger.

Le 27 mars, une autre étudiante française se défenestre tandis que deux autres jeunes filles tentent de se donner la mort entre mars et avril. Autant d'événements dramatiques qui pousse la direction de l'Institut français – dont la mission est de promouvoir et de développer la culture et la langue française en Roumanie – à déployer une cellule psychologique. La pression serait-elle trop forte pour ces expatriés ? Selon Dimitri Moulu, qui reste prudent sur les éventuelles raisons de ces suicides, "l'éloignement de la famille peut être un facteur. L'intégration en Roumanie est susceptible d'être mal vécue : nous sommes dans un pays qui a une culture et des traditions très différentes de celles françaises."

Pour Benoît Bavouset, directeur de l'Institut français, il a fallu être réactif : "Nous avons reçu une centaine d'étudiants pendant le week-end de Pâques pour discuter avec eux. Nous avons doublé l'écoute psychologique d'une écoute culturelle. Et il est important de dire aux jeunes qu'on ne part pas étudier à l'étranger sans y être préparé. Il faut parler la langue, pratiquer des activités, s'intéresser à la société roumaine," rappelle-t-il. Et de confier qu'à cette occasion, "un mal-être est remonté autour de la difficulté et de l'incertitude du retour" au pays.

L'ECN au cœur des débats

En effet, si la formation est la même qu'en France selon Dimitri Moulu, "il y a une pression supplémentaire avec le passage de l'ECN [Examen classant national permettant d'accéder à un internat en France, NDLR]". Si les jeunes expatriés français se sentent pénalisés dans la préparation de cet examen, c'est la "faute" à la plate-forme en ligne SIDES, qui permet de s'entraîner à l'ECN avec un suivi personnalisé, mais qui est réservée aux élèves des facs de médecine de l'Hexagone. Résultat pour ceux qui en sont privés : l'augmentation de leur charge de travail, et de facto, leur stress, comme l'a expliqué le président de la corpo de médecine de Cluj aux ministères de la Santé et de l'Enseignement supérieur lors d'une réunion organisée à Paris lundi 27 avril. Et le futur médecin de dénoncer "une certaine hypocrisie des interlocuteurs en France et un anachronisme du monde médical" qui rechignerait à s'ouvrir à l'Union européenne.

Sébastien Foucher, président de l'ANEMF, nuance : "Il est vrai que le retour en France est difficile, mais il est quand même simplifié pour ces étudiants. Ils peuvent passer l'ECN, revenir faire leur internat et 'in fine', devenir médecin en France." En revanche, il reconnaît "la situation de précarité sociale de ces expatriés, coupés de tous liens. Ils ont peur de ne pas se réintégrer normalement au cursus français". Et d'ajouter qu' "un débat doit avoir lieu, déconnecté de ces événements tragiques pour que les bonnes décisions soient prises".

Vous aimerez aussi

Contenus supplémentaires

Partagez sur les réseaux sociaux !