Décryptage

Faire une licence générale en alternance à la fac, c'est possible !

Un pied à la fac, un pied en entreprise puis le grand saut dans le monde du travail !
Un pied à la fac, un pied en entreprise puis le grand saut dans le monde du travail ! © plainpicture/Lubitz + Dorner
Par Étienne Gless, publié le 23 octobre 2017
8 min

Économie, informatique et même lettres modernes… À l'université, l'alternance en licence générale est encore rare mais possible. Un dispositif qui correspond à la demande de professionnalisation plus précoce des étudiants et peut servir à conforter un choix de spécialisation en master. Tour d'horizon et témoignages.

Alterner fac de lettres et apprentissage en entreprise, c'est possible ! C'est même le quotidien d'Oksana, 21 ans, qui effectue ainsi sa troisième année de licence de lettres modernes appliquées à l'université Paris-Est Marne-la-Vallée, passant de Baudelaire, Sartre ou Corneille à la rédaction de cartons d'invitation pour des clients. "Le lundi et le mardi, je travaille sur mes missions de communication externe et interne pour RLF, une société de HLM à Paris : réalisation d'affiches pour informer les locataires d'un immeuble sur la répartition des frais de chauffage, rédaction d'un carton d'invitation pour l'inauguration d'une agence à Bordeaux, réalisation de devis de signalétique, etc. Et du mercredi au vendredi, je suis à la fac : cours magistraux sur l'autobiographie, la littérature du XXe siècle ou encore l'histoire de l'orthographe."

L'étudiante et apprentie en lettres a pris conscience de l'importance du français dans le monde professionnel à l'occasion d'un projet tutoré effectué en deuxième année de licence. "Nous étions trois et travaillions en L2 pour la société Air France sur sa marque employeur. Nous utilisions nos capacités littéraires afin de la rendre attractive pour des jeunes diplômés : quel discours tenir, quels outils utiliser ? Nous avons travaillé sur une affiche et imaginé des filtres Snapchat, jusqu'ici peu employés dans la communication de recrutement. Cette expérience m'a donné envie de faire ma L3 de lettres modernes en apprentissage, une possibilité offerte à la rentrée 2017-2018."

Des parcours encore assez rares

Oksana est une pionnière. Même si elle progresse, l'alternance dans les licences générales "classiques" est encore peu répandue dans les universités – en particulier dans les formations de lettres ! Si on exclut les licences professionnelles, qui s'y prêtent facilement, c'est au niveau du master que les possibilités sont les plus nombreuses, en contrat d'apprentissage ou en contrat de professionnalisation.

À l'université Paris 2 Panthéon-Assas, une seule des 32 formations ouvertes à l'apprentissage est une troisième année de licence générale : la L3 de droit… réservée aux sportifs de haut niveau ! Une situation symptomatique. L'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne n'affiche, de même, qu'une seule licence "classique" ouverte à l'alternance, le parcours MIAGE (méthodes informatiques appliquées à la gestion des entreprises).

Des disciplines plus adaptées que d'autres

Cependant, les formations permettant l'alternance dès la L3 grignotent du terrain. Par exemple, la licence sciences pour l'ingénieur peut se préparer de cette façon un peu partout en France. Pour l'expérience professionnelle, les traditionnelles sept à dix semaines de stage d'application sont remplacées par plus de vingt-cinq semaines en entreprise. Autres formations généralistes qui se prêtent bien à cette formule dès la troisième année de fac : l'économie, la gestion ou le commerce.

Certains parcours de licence sont tout entiers ouverts à l'alternance. À l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, la licence d'économie-gestion propose ainsi cette formule pour son parcours sciences et techniques du génie logistique. À l'université d'Évry-Val-d'Essonne, c'est le cas en licence AES (administration économique et sociale) mention gouvernance et encadrement des organisations.

On commence également à voir s'ouvrir à l'alternance des licences de sciences de l'éducation (à l'université Paris-Est Créteil-Val-de-Marne), des licences de cinéma-audiovisuel ou de communication (à l'université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle, en contrat de professionnalisation).

Confirmer un choix de spécialisation en master

"En 2016, j'ai effectué ma L3 de gestion en apprentissage à Paris-Dauphine pour avoir un réel aperçu de la vie en entreprise et une première expérience de salariée", explique Clara, 20 ans, actuellement en master 1 marketing et stratégie. "L'apprentissage devait aussi me permettre de consolider mon choix de faire du marketing stratégique en master. Je ne me voyais pas choisir cette orientation sans avoir d'expérience en entreprise."

La jeune femme a effectué son alternance chez Clear Chanel, un afficheur publicitaire. "J'étais intégrée à l'équipe commerciale, où je faisais l'interface avec le marketing. Concrètement, mes tâches consistaient à aider à la préparation des rendez-vous clients et au montage des propositions commerciales ou à assurer le suivi des campagnes… À la fin de l'année, j'étais complètement autonome sur certaines missions, se souvient Clara. J'ai adoré être en apprentissage, même s'il est difficile d'enchaîner la même quantité de cours que les camarades en formation initiale classique avec les missions en entreprise." Très impliquée dans son travail, l'étudiante en M1 confie avoir également gagné en maturité.

Surmonter les réticences des entreprises

Aujourd'hui, les entreprises embauchant en alternance privilégient encore les profils d'étudiants en master et en licence professionnelle. Ceux de L3 "classique" peinent donc parfois à décrocher un contrat : "Je n'avais pas réussi à trouver d'entreprise au forum de l'alternance organisé par l'université, se souvient Clara. Et parmi celles que j'avais contactées par moi-même, une seule m'a répondu – par la négative, en me précisant qu'elle ne recrutait des apprentis qu'à bac+4." Clara a fini par trouver son contrat chez Clear Channel grâce au réseau des anciens étudiants de sa formation.

De même, Oksana a dû jouer de ses relations afin de trouver une entreprise prête à l'accueillir pour sa L3 de lettres modernes appliquées : "J'ai envoyé beaucoup de CV et de lettres de motivation aux partenaires de l'université. J'ai décroché quelques entretiens mais rien de concluant. On cherche plutôt des jeunes en master qu'en L3." Les pionniers de l'alternance en licence ont du mérite : ouvrant une voie nouvelle, ils en essuient les plâtres !
Virginie Tahar, responsable du parcours lettres modernes appliquées à l'université de Paris-Est Marne-la-Vallée :
"Les étudiants en lettres veulent se professionnaliser plus tôt"

Pourquoi avoir ouvert à l'apprentissage votre licence de lettres modernes appliquées à la rentrée 2017 ?

Parce que les étudiants le demandent ! Le profil des étudiants en lettres a changé en dix ans. Beaucoup conservent le goût de la littérature, mais tous ne souhaitent pas devenir professeurs de lettres. Nous devons donc ouvrir ces études au monde professionnel, même si on ne forme pas encore à un métier précis en L3.

Quel est le contenu des enseignements, en quelques mots ?
Les étudiants apprentis continuent d'acquérir une culture approfondie en lettres et sciences humaines. Il y a toujours un tronc commun aux parcours littéraires : littérature du XVIe siècle, théâtre du XXe siècle, littérature comparée… Mais, dès le premier trimestre, ils s'initient à la PAO [publication assistée par ordinateur] sur des logiciels comme InDesign en parallèle de leurs travaux dirigés de création littéraire.

Combien de places sont ouvertes à l'apprentissage cette année ?
Nous offrons 17 places. Début octobre 2017, seuls trois apprentis avaient signé un contrat d'apprentissage ; quatre autres étudiants étaient en recherche active d'un contrat. La formation a été montée avec le CFA [centre de formation d'apprentis] Descartes de Marne-la-Vallée. Nous avons trouvé une dizaine d'entreprises partenaires qui soutiennent le projet et accueillent des apprentis, comme Danone, L'Oréal ou La Ferme du buisson.

Quel est le rythme de l'alternance ?
Le rythme est de deux jours en entreprise et trois jours à l'université chaque semaine pendant les vingt-quatre semaines de cours. Le reste du temps, les étudiants travaillent à temps plein en entreprise, à raison de cent quarante jours par an au minimum.

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