Interview

Comment aider vos enfants à réussir à l’école ?

Stéphane Clerget, pédopsychiatre
Stéphane Clerget, pédopsychiatre © Astrid di Crollalanza - Flammarion
Par Isabelle Maradan, publié le 17 février 2012
7 min

Les difficultés scolaires sont l’une des raisons les plus fréquentes de consultation des parents chez le "pédopsy". Stéphane Clerget, pédopsychiatre, y a consacré un ouvrage (1), en librairie depuis le 7 février 2011. Il vous donne les clés indispensables pour mener votre enfant vers la réussite scolaire.

"Réussir à l’école : une question d’amour ?" est le titre de votre dernier livre. Pourquoi avoir souhaité questionner ainsi le lien entre école et amour ?

 
Je recevais de plus en plus de demandes de consultations autour des difficultés scolaires. Et derrière elles, je retrouvais plus de problèmes d’ordre affectif que d’intelligence. Quand les enfants sont mal à l’école, on estime que c’est forcément un problème de mauvaise volonté. On leur dit "peut mieux faire" ou "travail insuffisant". Il y a aussi les avertissements, les reproches, les critiques parfois très personnalisées ou les punitions avec les devoirs. Je trouve incroyable qu’on soit puni en faisant du travail scolaire. Comme si ce travail était en soi une punition !

La pression scolaire est contreproductive. Il me semble que les enfants souffrent de méthodes pédagogiques qui m’apparaissent assez régressives, archaïques, basées sur le reproche, la dévalorisation, les colles et l’esprit de compétition, qui n’a jamais été aussi important. Cet esprit se rajoute à ces méthodes et dégoûte de l’école les enfants, les collégiens et les lycéens. Il me semble qu’on y repère surtout ce qui fonctionne mal et qu’on est peu dans l’encouragement et la valorisation. On nage dans un pessimisme généralisé. Et le climat global est à l’attaque des parents par les professeurs et des professeurs par les parents.

Pensez-vous que l’école soit trop au centre de la relation parent-enfant, surtout à l’adolescence ?

 
Avec les adolescents, c’est parfois caricatural. Comme on ne sait plus de quoi parler avec eux, on parle d’école ! Le temps consacré au travail scolaire est de plus en plus important dans la relation parent-enfant. Elle n’est plus perçue comme un lieu d’émancipation et maintient le lien de dépendance avec les parents, ce qui nuit à la performance scolaire. Les parents s’occupent de l’école en y mettant toute leur inquiétude, au dépend d’un temps essentiel dans la relation parent-enfant, basé sur des activités communes, des échanges informels, affectueux. Ce temps de partage de valeurs avec les parents est pourtant essentiel pour apprendre à être soi-même et à se construire.

Le parent ne doit pas être un prof particulier ou un coach. Ramener de bonnes notes pour faire plaisir à ses parents est une stratégie à court terme. Vers 12-13 ans, il ne voudra plus le faire. C’est ramener des mauvaises notes qui lui fera alors plaisir. De toute façon, il faut arrêter avec les notes. Ce qui est important, ce sont les acquisitions. De même, on insiste trop sur les devoirs scolaires. Il me semble qu’on devrait inciter son ado à participer aux tâches collectives, comme le ménage. Le conflit avec lui porterait alors sur le ménage, plutôt que sur les devoirs !

Dans votre livre, vous écrivez que la peur, de réussir ou d’échouer, est l’un des principaux obstacles à la réussite scolaire. Est-ce dû à la pression scolaire que vous évoquez ?

 
Un certains nombre de peurs sont favorisées par le climat actuel. Je n’ai jamais vu autant de stress que ces 15 dernières années. Avec l’apparition d’un stress nouveau chez les filles, puisque leur réussite est désormais aussi attendue. Ce stress est favorisé aussi par la crise économique et avant elle le chômage important, surtout chez les jeunes les moins diplômés puisque l’absence de diplôme favorise le chômage. Rentre également en ligne de compte le fait qu’on a moins d’enfants. La pression est ressentie par les parents eux-mêmes, dont la vie au travail devient de plus en plus difficile. Ils projettent cela aussi sur leur enfant.

Vous conseillez au parents de tenir bon entre 2 et 4 ans et entre 12 et 14 ans et proposez même des fiches conseils dans votre ouvrage. Pouvez-vous nous dire comment faire pour "tenir bon" face à un adolescent ?

 
Tenir bon face à un adolescent, c’est lui faire confiance et ne pas le considérer comme un monstre. Il faut savoir et se dire que c’est provisoire. Tout provoquant qu’il est, il a besoin d’être rassuré dans la reconnaissance qu’on a de lui. Même s’il se comporte mal, il faut continuer à le valoriser et se garder d’avoir un avis sur tout ce qu’il expérimente. Éviter de le traiter comme un petit, sinon il passera son temps à montrer le contraire. Mais savoir aussi que tout ado qu’il est, il reste un enfant qui n’est pas en âge de respecter totalement votre confiance.

Pas si simple…

 
Il faut avoir confiance en soi, tenir bon dans son discours, rester ferme, sans violence, en n’hésitant pas à se répéter. Et en se disant qu’après la pluie vient le beau temps ! Il faut intégrer que lui donner des règles, c’est de l’amour. C’est même essentiel si l’on veut que l’adolescent soit solide. On agit ainsi pour le bien de l’enfant et non pas pour lui faire du mal. C’est essentiel, car s’il n’entre pas dans les règles, il n’entrera pas dans les apprentissages.

Dans mon livre, les fiches conseils sont là pour illustrer l’idée que les parents ont un rôle actifs à jouer. Évidemment, plus tôt on apprend le respect de l’autre, par exemple, à son enfant, plus c’est facile. Mais on peut s’en servir avec un adolescent. Il n’y a pas d’âge pour bien s’intégrer socialement.

"Qui aime bien limite bien" est l’un des sous-chapitres de votre livre. Cette formule vient-elle remplacer le "qui aime bien châtie bien" ?

 
reussir-a-l-ecole-une-question-d-amourCelui qui est châtié réagira en châtiant l’autre. Un enfant doit d’abord apprendre à limiter l’autre, en intégrant les limites. Les limites, c’est d’abord ne pas se marier avec maman, respecter le corps d’autrui, la liberté de l’autre… Aujourd’hui, on développe l’enfant-roi, au dépend de la solidarité et d’autrui.

L’enfant-roi est celui qui ne s’intéresse qu’à lui-même parce qu’il est tout pour ses parents qui ne s’intéressent à rien d’autre. C’est très déculpabilisant pour les parents qui s’intéressent à beaucoup d’autres choses : leur travail, leurs loisirs, leurs amis, leurs amours…

Mon but n’est pas de culpabiliser ou de déculpabiliser les parents. Je ne tombe pas dans cette tyrannie-là ! Ce qui est certain, c’est qu’il est sain pour l’enfant de voir qu’il n’est pas l’unique centre d’attention des parents. Cela lui permet de grandir en se disant qu’en dehors de lui, il y a des choses intéressantes. Et qu’il pourra retrouver l’amour de ses parents dans tout ce qui est intéressant dans la vie. En regardant des peintures, il pourra penser à sa mère ou à son père…

(1) "Réussir à l’école : une question d’amour ? La réussite scolaire n’est pas qu’une question d’intelligence !", Larousse, 2012

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