2004-2009 : du mouvement des chercheurs à la crise dans les universités

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Certains enseignants grévistes de l'EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales) proposent des conférences alternatives dans le cadre de l'opération Changeons le programme. Alain Trautmann, ancien responsable de Sauvons la Recherche y a apporté sa pierre sur le thème : « Des Etats Généraux de la recherche de 2004 aux " réformes" actuelles pour l’enseignement supérieur et la recherche », le 17 février 2009. De quoi mettre en perspective les revendications des enseignants-chercheurs dans la crise qui secoue aujourd'hui les universités à l'aune de celles émises par les chercheurs il y a cinq ans.

« Que doit la recherche à la nation ? Et en retour, que doit la nation à sa recherche ? C’est dans ce va-et-vient, dans ce mouvement dialectique, que s’invente la relance de la recherche française que nous appelons tous de nos vœux. C’est un moment exceptionnel parce que la recherche relève de l’intérêt public supérieur : c’est une question nationale ».

C’est par ces mots que François Fillon, alors ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche avait débuté son discours le 28 octobre 2004 lors de la présentation des États généraux de la recherche . Aujourd'hui Premier Ministre, il parle de l'enseignement et de la recherche comme d'un "défi républicain" (voir l'article de Libération ) au moment où les universités sont en grève depuis trois semaines.

Certaines propositions des Etats généraux toujours d'actualité

En 2004, le moment avait alors été d’importance pour toute la communauté scientifique qui s’était prise à rêver de réformes. Que reste-t-il aujourd’hui de ce mouvement impulsé par les directeurs de recherche ? « Une série de propositions qui peuvent pour le moins servir de base aux revendications actuelles », assure Alain Trautmann, biologiste à l’Institut Cochin et ancien responsable du collectif Sauvons la recherche créé lors du mouvement.

De multiples doléances avaient alors été actées… et sont encore aujourd'hui d'actualité. Sur le plan des moyens d’abord, les Etats généraux demandaient la mise en place d’une programmation pluriannuelle du budget et de l’emploi associée à une augmentation du nombre d’emplois publics et une réforme du Crédit impôt recherche, dont SLR a toujours reproché le caractère dispendieux et inefficace.

Sur le plan de la réforme des structures ensuite, les propositions portaient à la fois sur la fusion de certains EPST (établissement public à caractère scientifique et technologique) et sur la création d’un Haut Conseil de la science indépendant censé réfléchir sur la politique nationale de recherche. Pour Alain Trautmann, cette mission a été dévoyée avec la création, en septembre 2006, d’un Haut conseil de la science et de la technologie dépendant du pouvoir politique.

Les revendications déplacées sur le terrain des universités

En revanche, dans ces Etats généraux de la recherche - pilotés à l’origine par des responsables de laboratoires dans un contexte où de sérieuses menaces planaient sur l’avenir du CNRS - la question de l’université et de son avenir n’occupaient pas une place centrale. Tout au plus était-il rappelé quelques grands principes comme l’importance de combler le fossé avec les grandes écoles et la nécessité de débloquer des moyens suffisants pour que l’université puisse jouer un rôle plus important dans le dispositif de recherche français.

Si en 2004, certaines voix* s’étaient quand même fait entendre pour que l’avenir de l’enseignement supérieur soit mieux pris en compte, cinq ans après, la contestation a changé de visage et prend directement racine dans les universités. Avec de nouvelles problématiques suite à l’adoption de la Loi sur l’autonomie des universités du 10 août 2007, notamment celle de l’évaluation des enseignants-chercheurs.

A cette question centrale, les Etats généraux n’apportaient finalement pas de propositions claires. Le document final rappelle simplement que l’évaluation doit intégrer l’ensemble des activités des chercheurs et enseignants-chercheurs, la composante recherche devant être évaluée au niveau national et l’enseignement au niveau local. A la question de savoir s’il faudrait aujourd’hui renouveler l’expérience d’une telle concertation, le temps semble plutôt à la résignation du côté des enseignants-chercheurs grévistes. Comme si le  temps des Grenelle avait déjà trop déçu.


* Appel publié par la revue Vingtième Siècle, en avril 2004, « Sauver aussi les sciences humaines et sociales », signé par plusieurs enseignants-chercheurs. 




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