À Polytechnique, la chasse aux grands donateurs est lancée

Céline Authemayou Publié le
À Polytechnique, la chasse aux grands donateurs est lancée
Les étudiants de grandes écoles se disent demandeurs d'un management plus collaboratif et d'un travail qui serve l'intérêt général // ©  École polytechnique
Alors qu'elle essuie depuis plusieurs mois des critiques, l'École polytechnique ne pouvait rêver mieux pour poursuivre sa stratégie de développement. L’établissement a reçu 7 millions d’euros de la part de Patrick Drahi. L’ancien de l’X, président du groupe Altice (propriétaire de l’Etudiant), a décidé de soutenir la politique entrepreneuriale de l’école. Jean-Bernard Lartigue, délégué général de la fondation Polytechnique, revient sur ce gros coup, auquel viennent s’ajouter les deux millions d’euros de Fabrice Brégier, directeur exécutif d’Airbus et ancien de l’X.

Jean-Bernard Lartigue, délégué général de la Fondation de l'Ecole polytechniqueSept millions d’euros, c’est, à ce jour, le plus gros don reçu par la Fondation de l’École polytechnique de la part d’un diplômé. Comment arrive-t-on à décrocher une telle enveloppe ?

Il y a pratiquement autant de schémas que de donateurs. Mais de manière générale, les liens se tissent au gré de plusieurs rencontres, des premiers contacts sont pris par des camarades déjà donateurs, nos équipes de campagne ou encore le président de l'école. Toutes les étapes sont importantes, il ne faut jamais aller trop vite dans les discussions, sous peine de rater des opportunités.

En ce qui concerne Patrick Drahi, nous l'avions rencontré à sa demande en 2008. Il avait entendu parler de la campagne de levée de fonds de Polytechnique. Il souhaitait donner 300.000 €. Après plusieurs rencontres, il s’est engagé à hauteur de 800.000 € sans que les fonds soient particulièrement fléchés.

Pour cette deuxième campagne, les choses ont été quelque peu différentes : nous avons rencontré, avec Jacques Biot, président exécutif de Polytechnique, le directeur général de la fondation Patrick et Lina Drahi. Le président d'Altice était prêt à donner beaucoup plus, mais il voulait pouvoir soutenir des projets ciblés. Nous lui avons donc fait des propositions.

Deux grands dossiers ont été retenus, quels sont-ils ?

Le premier concerne les Mooc. L'école bénéficiera d'une enveloppe globale de 1,2 million d'euros délivrée sur quatre ans, pour développer ses cours en ligne. (L'Institut Mines-Télécom a touché, dans les mêmes conditions, 10 millions d'euros en 2014, NDLR.)

Le second concerne un axe stratégique pour l'école : Polytechnique s'est lancée dans la construction d'un bâtiment dédié à l’entrepreneuriat, qui sera situé sur le campus de l'X. Conçu sur le modèle des accélérateurs, il réunira espaces de prototypage, d'incubation, d'enseignements, etc. Patrick Drahi s'est engagé à soutenir ce projet à hauteur de 5 millions d'euros.

Toutes les étapes sont importantes, il ne faut jamais aller trop vite dans les discussions, sous peine de rater des opportunités.

Le bâtiment prendra le nom du donateur pour devenir "La fibre entrepreneur - Drahi X-Novation Center". Cette politique de naming est très peu répandue en France et peut surprendre.

Il est vrai que le naming est très présent dans le monde anglo-saxon, moins en France. Mais la fondation réfléchit depuis quelques mois à la mise en place d’une telle politique et souhaite s’y ouvrir très largement. Cette stratégie, à l’image de ce qui se fait dans les universités anglo-saxonnes, répond à deux besoins : une reconnaissance légitime de la générosité des donateurs, et la mise en valeur de leur engagement financier. Elle devient de ce fait un outil d’incitation au don vis-à-vis d’autres anciens élèves, potentiels donateurs. On pourrait même imaginer apposer le nom d'un petit donateur sur le dossier d'un siège d'amphithéâtre. Ce n'est qu'un exemple, mais les possibilités sont nombreuses.

Vous ne pouviez rêver meilleure communication pour lancer votre deuxième campagne de levée de fonds...

Oui, d'autant que nous avons déjà un autre don conséquent, de 2 millions d'euros, octroyé par Fabrice Brégier, directeur exécutif d'Airbus. La campagne, qui sera officiellement lancée en fin d'année, s'engage donc bien. Nous pouvons déjà compter sur environ 25 millions d'euros consolidés, émanant de personnes physiques et d'entreprises. Une belle somme pour un objectif affiché, à ce jour, de 100 millions d'euros environ.

L'école d'ingénieurs de Harvard prend le nom de son donateur
7 millions d'euros en France... contre 400 millions de dollars aux États-Unis (360 millions d'euros). C'est la dotation record obtenue en juin 2015 par l'université de Harvard. Le prestigieux établissement de la Ivy League encaisse ainsi le plus gros don de son histoire, consenti par un ancien étudiant de Harvard Business School. John Paulson, 59 ans. À la tête d'un fonds d'investissement, il a décidé de soutenir l'école d'ingénieurs de l'université. Cette dernière, en guise de remerciements, a pris le nom de son bienfaiteur. La "Harvard John A. Paulson School of Engineering and Applied Sciences" va poursuivre son développement, avec la création d'un innovation lab et l'extension de son campus à Allston, qui pourrait devenir le nouveau cœur de l'innovation de l'université.
Céline Authemayou | Publié le