À Toulouse 2, l'élection kafkaïenne et contestée de Daniel Lacroix

De notre correspondant à Toulouse, Frédéric Dessort Publié le
À Toulouse 2, l'élection kafkaïenne et contestée de Daniel Lacroix
L'élection des personnalités extérieures au CA de l'université Toulouse 2 a viré au casse-tête. // ©  Mathieu Oui
L'élection de Daniel Lacroix à la présidence de Toulouse 2 Jean-Jaurès a pris le tour d'un véritable casse-tête chinois, afin de pouvoir respecter la parité inscrite dans la loi Fioraso. Contestant la régularité de la procédure, la liste opposée a saisi le tribunal administratif.

Kafka lui-même n'aurait pas eu l'audace d'imaginer une telle histoire. L'élection, le 10 mai 2016, de Daniel Lacroix à la présidence de l'université Toulouse 2 Jean-Jaurès, porté par la liste UT2J C'est vous, n'a pas été de tout repos. Une procédure contestée en justice par la liste concurrente, Ensemble Autrement. La commission consultative des opérations électorales s'est déjà déclarée incompétente et a transmis le dossier au tribunal administratif.

Marie-Christine Jaillet et Pierre-Yves Boisseau récusent le processus d'élection des cinq personnalités extérieures, outre les trois personnalités désignées par les collectivités et le CNRS. L'enjeu est en effet de taille : à une voix près, l'élection du président bascule dans un camp ou dans l'autre.

Le casse-tête de la parité

Point de départ de ce feuilleton le 13 avril 2016. Après l'élection des quatre premiers collèges (enseignants et administratifs) du CA vient la désignation et l'élection des personnalités extérieures. Les collectivités locales et le CNRS désignent trois hommes. Or, la loi Fioraso impose la parité dans la composition des huit personnalités extérieures : il reste donc quatre femmes et un homme à élire.

Quelle démarche adopter pour être sûr qu'in fine cet équilibre soit respecté, alors que ni les statuts de l'établissement ni la loi ne donnent de clé ? "Le CA a décidé de procéder en deux temps. Un premier vote indicatif sur la base de plusieurs candidats, hommes et femmes, collège par collège, a été acté pour dégager des tendances nettes", raconte Gabriela Pfeifle, présidente d'Ensemble Autrement.

un micmac de votes

S'ensuit un micmac de votes, voire de votes sur le fait de voter… Au final, ce sont les deux dernières étapes que contestent les membres d'Ensemble Autrement. "Nous mettons en cause le fait d'avoir eu à effectuer un deuxième vote sur le collège 2 (représentants des salariés) alors que la parité nécessitait de retenir la seule femme candidate sur ce collège. Nous rejetons également le tout dernier vote qui a consisté à ne retenir qu'un homme sur les deux qui avaient été élus dans les collèges 1 (direction d'entreprise) et 2", précise Gabriela Pfeifle.

L'élection du président, le 10 mai, a ensuite été perturbée par l'absence des élus de la liste Ensemble Autrement. Le premier tour est invalidé pour manque de voix : 13 pour Daniel Lacroix sur 36 membres du CA, alors qu'il lui en fallait au moins 19. Au second tour, Daniel Lacroix a finalement été élu avec 20 voix.

Sollicité par EducPros, Daniel Lacroix n'a pas souhaité répondre à nos questions. Mais les élus de sa liste se sont collectivement exprimés dans un communiqué. Ils considèrent notamment "inadmissibles" les accusations portées par la liste EA de manipulations faites "sur les uns et les autres". Le tribunal administratif se prononcera dans quelques mois.

L'élection des personnalités extérieures en six étapes
1. 30 mars : désignations sur les trois collèges des collectivités locales (Région, Toulouse Métropole) et du CNRS. Résultats : 3 hommes élus.

2. 13 avril : un premier vote est organisé. Sur chaque collège, plus de deux candidats pouvaient se présenter, avec une parité exigée dans les candidatures.
Résultats :
- Collège 1 (personne assumant des fonctions de direction générale au sein d'une entreprise) : candidate EA élue.
- Collège 2 (représentant des organisations représentatives des salariés) :
candidate EA/candidat UT2J CV à 50 %/50 %.
- Collège 3 (représentant d'une entreprise employant moins de 500 salariés) :
candidate EA/candidate UT2J CV à 50 %/50 %.
- Collège 4 (représentant d'un établissement d'enseignement secondaire) :
candidate EA/candidate UT2J CV à 50 %/50 %.
- Collège 5 (représentant des personnalités extérieures désigné à titre personnel) : candidate EA élue.

Les candidats EA sont donc réputés élus. Il reste à départager les candidats des collèges 2, 3 et 4. À ce stade, quatre hommes et une femme sont déjà élus, il est donc nécessaire d'élire trois femmes.

3. 4 mai.
Le CA décide, à 14 voix contre 13, de faire revoter les collèges 2, 3 et 4.

4. 4 mai.
Deuxième vote sur les collèges 2, 3 et 4.
- Collège 2 : candidat UT2J CV élu.
- Collège 3 : candidate UT2J CV élue.
- Collège 4 : candidate UT2J CV élue.
La parité n'est donc pas réalisée, avec cinq hommes élus et trois femmes. Nouveau débat au CA.

5. 4 mai.
La liste de Daniel Lacroix propose alors d'effectuer un nouveau vote, consistant à départager deux candidats masculins élus sur les collèges 1 et 2.
Résultat : le candidat d'UT2J CV du collège 2 est désigné, le candidat EA (collège 1) désigné comme "élu acquis mais non définitif".

6. 4 mai. Après de nombreux débats sur la manière de procéder, les membres de la liste EA quittent la séance. Une réunion décide de désigner la candidate UT2J CV. L'élection des personnalités extérieures est close.
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