Pour son premier « speech » dans un établissement français, David Willetts, le ministre britannique de l’Université et de la recherche, a été « bien reçu ». À l’entrée de l’amphithéâtre Chapsal de Sciences po , où devait avoir lieu la conférence « Putting students at the heart of the system », un comité d’accueil d’étudiants français (UNEF, PS, Front de gauche, Attac Sciences po et NPA) l’attendait aux sons de « When they say "cut back", we say "fight back" ! No cuts, no fees, education should be free ! No "ifs", no "buts", no education cuts ! ». Les Français se montrent solidaires avec les étudiants anglais qui, à la rentrée 2012, verront sûrement leurs droits d’inscription en licence passer de 3300 £ (3700 €) à 9000 £ (plus de 10 000 €) l’année .
L’autonomie : une tradition anglaise
David Willetts s’est justifié : l’Angleterre est en déficit. Il fallait trouver des solutions. On pouvait réduire le nombre d’étudiants (option écartée : « on ne peut pas faire machine arrière »), réduire les subventions de l’État au détriment de la qualité de l’enseignement (refusé aussi) ou supprimer les subventions et élever les droits d’inscription. « Je suis convaincu de mener la bonne réforme », a martelé le ministre. Puis de déclarer que « le grand succès des universités britanniques, c’est leur autonomie », rappelant l’historique d’établissements du pays non fondés par l’État. La nouvelle réforme va donc dans ce sens. L’idée consiste à laisser plus de liberté aux établissements pour améliorer la qualité de leur enseignement et de leur recherche. Donc d’être plus compétitives au niveau international, et même national.
Une réforme qui fait réagir
Les étudiants présents dans la salle n’ont pas hésité à aborder les questions qui fâchent sur l’accès aux études supérieures, « l’endettement » des jeunes (recourir à un prêt sera d’autant plus indispensable pour payer leurs études), les inégalités créées entre les établissements, le déclin annoncé des filières moins coûteuses mais aussi moins « rentables » comme les humanités et les sciences sociales, la concurrence des universités « gratuites » françaises ou allemandes...
Pas une dette, plutôt une taxe
David Willetts a rappelé que « les étudiants n’étaient pas obligés de payer au moment d’entrer à l’université ». Les remboursements seront indexés à leurs revenus annuels une fois qu’ils seront entrés sur le marché du travail et seulement s’ils gagnent plus de 21 000 £ (24 000 € environ), au lieu de 15 000 £ auparavant. Les dettes qui n’auront pu être honorées seront annulées au bout de trente ans. Le ministre a indiqué le prêt pour les études ne revenait pas à « l’équivalent d’un endettement pour un crédit à la consommation » mais plutôt à une taxe. Sur la compétition entre les établissements, il a assuré que le système profitera aux enseignements et à la recherche de grande qualité. Du reste, le ministre s’est montré plutôt confiant dans l’attrait des établissements britanniques... Enfin, interrogé sur le cas des universités écossaises qui vont augmenter leurs frais de scolarité uniquement pour les étudiants du Royaume-Uni non écossais, David Willetts a rappelé qu’il n’avait de pouvoir que sur le système anglais en matière d’éducation.
Un test pour le gouvernement
Effet pervers de la réforme, ces mesures pourraient finalement coûter cher à l’État anglais qui devra avancer l’argent. D’après les conclusions de l’Office of Budgetary Responsibility (Bureau de responsabilité budgétaire), les sommes consacrées par l’Angleterre aux prêts étudiants vont passer de 4,1 milliards de livres entre 2010 et 2011 à 10,7 milliards entre 2015 et 2016. « C’est un test. Nous serons jugés sur ce test », a conclu David Willetts.