APB dans le collimateur de la justice

Aurore Abdoul-Maninroudine Publié le
APB dans le collimateur de la justice
Bibliothèque de médecine, Université Paris Descartes © Photothèque Paris Descartes Huguette & Prosper // ©  université Paris Descartes-Paris 5 Huguette & Prosper
En obligeant l'université de Nantes à inscrire en Paces un étudiant en réorientation admis en Martinique, le tribunal administratif de Nantes met en lumière le décalage existant entre les textes officiels et les pratiques admises à l'entrée des universités.

Après la sélection en master, c'est au tour de la sélection à l'entrée de l'université d'être dans le collimateur de la justice. Le tribunal administratif de Nantes a en effet remis, le 23 août dernier, une ordonnance contraignant l'université à inscrire en Paces (Première année commune aux études de santé) un étudiant en réorientation qui avait pourtant obtenu une place dans cette filière à l'université des Antilles, en Martinique. Il s'agissait de son dernier vœu sur la plateforme APB quand l'université de Nantes avait été placée en première position dans ses choix.

une brèche ouverte dans l'opacité d'APB

La portée de cette décision est à relativiser : il ne s'agit pour l'instant que d'une décision provisoire devant être confirmée par un jugement "sur le fond" d'ici à quelques mois, et des jugements similaires ont déjà été rendus à Paris en juillet dernier ou à Nantes, il y a deux ans. Il n'empêche, le juge a estimé qu'il y avait un doute sérieux quant à la légalité de la décision de l'université de Nantes de refuser d'inscrire l'étudiant en premier lieu.

Interrogé par EducPros, Jean Merlet-Bonnan, l'avocat de l'étudiant, souligne la nouveauté dans cette décision : l'obligation faite à l'université de Nantes d'inscrire l'étudiant et non de simplement réexaminer son dossier alors même qu'il avait été accepté en Martinique. Toutefois, observe-t-il, "la multiplication des recours va aller de pair avec une multiplication de jurisprudences différentes allant dans un sens ou un autre. Il faudra attendre qu'une affaire remonte jusqu'au Conseil d'État pour que ce contentieux soit clarifié".

Pour Clément Baillon, président de Droits des lycéens, cette décision ouvre une brèche dans "l'opacité de la plate-forme APB" sur laquelle, depuis 2009, les lycéens de terminale et étudiants en réorientation classent les formations du supérieur dans lesquelles ils souhaitent s'inscrire.

Les étudiants en réorientation discriminés sur APB

Pour l'association, le cas de l'étudiant de Nantes, qui avait d'abord commencé des études d'orthophonie avant de s'inscrire en Paces, met également en avant "la discrimination" dont sont victimes sur APB les étudiants en réorientation. "Les bacheliers de l'année et de l'académie ayant placé une formation en vœu 1 sont prioritaires sur APB, explique Clément Baillon. Conséquence directe, dans les filières en tension, il ne reste plus de place pour les étudiants qui se réorientent. C'est injuste et eux vivent cela comme une double peine."

Enfin, ce jugement témoigne d'une évolution dans la manière dont les lycéens se saisissent de leurs droits. Clément Baillon fait les comptes : "Il n'y a jamais eu autant de recours que cette année. Une vingtaine d'étudiants n'ayant pas obtenu l'affectation souhaitée ont lancé une procédure judiciaire. C'est 20 fois plus que l'an dernier !"

Comme pour le master, faute de textes clairs, une multiplication des litiges se profile. La récente décision du tribunal administratif de Bordeaux en juin dernier en est la preuve.

Aurore Abdoul-Maninroudine | Publié le