Apprentissage dans le supérieur : bien mais peut mieux faire !

Danièle Licata Publié le
Si l'apprentissage dans l'enseignement supérieur tire les chiffres de l'alternance vers le haut, des freins puissants sont encore à lever pour atteindre l'objectif de 250.000 apprentis du supérieur d'ici à 2020. Le point avec le dernier rapport du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie.

Où en est l'apprentissage dans l'enseignement supérieur ? C'est la question à laquelle a répondu le ministère de l'Éducation nationale avec le CNFPTLV (Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie) dans un rapport paru en juin 2014. Premier constat à l'heure où sont annoncés des chiffres inquiétants sur le nombre de contrats signés : "La hausse des effectifs d'apprentis depuis plusieurs années est entièrement due à l'augmentation des niveaux supérieurs, dont la part est passé de 17% en 2004 à 31% fin 2012."

Le cap des 120.000 apprentis dans l'enseignement supérieur a été franchi en 2013. 18% des apprentis du supérieur préparent un DUT, 38% une licence professionnelle, 21% un master professionnel, 10% un master, et 9% sont en formation d'ingénieurs.

+111% en sept ans

La poussée la plus remarquable concerne les diplômes de niveau I et II (bac+2 à bac+4), le nombre de diplômés alternants étant passé de 23.531 en 2004-2005 à 55.693 en 2011-2012. Soit un bond de 111%. "L'engouement grimpe au rythme des diplômes", précisent les auteurs de l'étude. La palme revient au diplôme d'ingénieur avec ses 180 cursus différents (+6.930 apprentis, soit +97 %) et au master (+8.195 apprentis, soit +273 %).

L'apprentissage serait-il alors un ascenseur social ? "Certainement", assure le rapport. Il permet à des jeunes souvent issus de milieux modestes de poursuivre leurs études tout en travaillant. Ce mode de formation a permis à certains d'accéder à des diplômes auxquels ils auraient dû renoncer s'ils n'avaient pu bénéficier d'un salaire facilitant leur autonomie financière.

Mais ce dispositif de formation est aussi et surtout "un excellent tremplin pour un emploi durable dans l'entreprise". Selon la dernière note de la DEPP (Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance), 65% des jeunes apprentis ont trouvé un emploi sept mois après la fin de leur apprentissage. Pour les diplômés de BTS, ce chiffre atteint 78%, et 77% pour les diplômés alternants de niveau I et II.

Les systèmes scolaires sont encore peu enclins à inciter les jeunes à une orientation positive vers l'apprentissage

Les raisons ? D'abord, la loi Seguin du 23 juillet 1987, qui a ouvert la voie à l'apprentissage dans l'enseignement supérieur, a concouru sérieusement à l'amélioration de l'image de l'ensemble de l'apprentissage. Mais surtout, la formation s'est mieux adaptée aux besoins des entreprises au cours des dernières années. "L'ouverture de l'enseignement supérieur à l'apprentissage depuis 1990 a permis à la fois d'élargir la palette des métiers accessibles à l'apprentissage, de constituer de nouvelles formations adaptées au marché du travail mais également de contribuer à la performance du système universitaire", analysent les auteurs de l'étude.

Trouver une nouvelle manière d'enseigner

Reste des freins à faire sauter pour atteindre l'objectif fixé par le gouvernement de 250.000 apprentis dans le supérieur d'ici à 2020. Au-delà des obstacles financiers pour les entreprises (baisse des subventions des régions, baisse des fonds de la professionnalisation transférés par les OPCA...), d'autres résistances, pédagogiques, culturelles et organisationnelles, tout aussi puissantes, persistent.

"Malgré l'amélioration de son image, l'apprentissage reste encore, aussi bien dans les familles que dans certaines équipes pédagogiques, associé aux premiers niveaux de qualification", notent les auteurs. À cela s'ajoute la peur de la dévalorisation du diplôme. "Les savoirs académiques et ceux appliqués aux situations professionnelles sont bel et bien deux savoirs complémentaires et l'un ne nuit pas à l'autre, insiste l'étude, qui déplore le peu de visibilité de l'apprentissage dans le système d'orientation. Les systèmes scolaires sont encore peu enclins à inciter les jeunes à une orientation positive vers l'apprentissage."

Une "pédagogie de l'alternance" reste encore à mettre en œuvre pour répondre à la mixité des publics, même si de nombreuses expérimentations ont été menées. "L'apprentissage permet de former autrement, et ainsi de mieux répondre à la diversification des publics étudiants. Car tous les jeunes n'apprennent pas de la même manière. Ils présentent des profils diversifiés, tant dans leur style cognitif que dans leurs motivations et leurs ressources", analysent les auteurs.

Le chantier est donc loin d'être terminé. Pour les auteurs, les pistes sont nombreuses : dimensionner l'alternance à l'échelle européenne et internationale pour en faire un véritable atout, mais aussi diagnostiquer les besoins à venir afin de créer les filières pédagogiques adaptées.

Danièle Licata | Publié le