L'apprentissage, une voie d'élite ?

Étienne Gless Publié le
L'apprentissage, une voie d'élite ?
Les apprentis sont toujours plus nombreux, mais surtout dans les hauts niveaux de formation et dans les filières offrant le plus de débouchés, avertissent les auteurs de la note du Cereq de mai 2016. // © 
Niveau de formation plus élevé, classe sociale plus favorisée... Dans sa nouvelle note, le Cereq montre le nouveau visage des apprentis.

Le tableau général semble plus que flatteur. Selon la note du Cereq, publiée en mai 2016 et consacrée à l'insertion des apprentis, ceux-ci sont toujours plus nombreux : ils représentent aujourd'hui 20% des 700.000 jeunes ayant achevé leur formation initiale.

Leur niveau de formation est également toujours plus élevé : 41.500 sont diplômés de bac + 2 à bac + 5. Et conservent, malgré la crise, une insertion nettement plus favorable que ceux issus de la voie scolaire, quel que soit leur niveau de diplôme.

Pourtant, la tonalité a priori positive de ce tableau dissimule des écarts importants entre le niveau de diplôme et les filières et une sélectivité à l'entrée de cette voie de formation.

l'apprentissage en vogue dans le supérieur

"L'essor de l'apprentissage s'effectue principalement dans les hauts niveaux de formations – les moins exposés au chômage – et dans les filières offrant les débouchés les plus favorables", pointent Alberto Lopez et Emmanuel Selzer, les auteurs de la note du Cereq.

En 2014, sur 265.300 nouvelles entrées en apprentissage, 34% des jeunes préparaient une formation de niveau bac + 2 ou plus. Cinq ans plus tôt, en 2009, ils n'étaient que 24%.

De leur côté, les entrées pour préparer un CAP ou un BEP diminuent : de 48% des contrats d'apprentissage, elles représentent 41% cinq ans plus tard.

un rôle d'ascenseur social contrarié

"L'entrée en apprentissage est sélective", rappellent Alberto Lopez et Emmanuel Selzer. "De ce fait, certaines populations socialement défavorisées risquent de ne pas bénéficier des avantages procurés par cette voie de formation", avertissent-ils.

Cet accès plus restreint pour les jeunes d'origine extra-européenne aux formations en alternance les cantonnent vers la voie scolaire, où l'insertion professionnelle est moins aisée.

Autre inégalité pointée par les auteurs de la note du Cereq : les apprentis de licence professionnelle sont issus de catégories sociales plus favorisées que les autres étudiants en licence professionnelle.

L'apprentissage : une arme antichômage, mais...

Ces dernières années, l'insertion des apprentis, bien que toujours plus facile que pour les jeunes issus de la voie scolaire, s'est fortement détériorée sous l'effet de la conjoncture très défavorable du marché de l'emploi. Autre effet de la crise économique : la raréfaction de l'offre de contrats en alternance.

L'insertion reste très variable selon le niveau de diplôme. "Les anciens apprentis de niveau CAP en 2010 sont encore confrontés à un taux de chômage de 26% trois ans plus tard", relèvent les auteurs.

"Au total, les jeunes apprentis diplômés en 2010 ont souvent vu leur taux de chômage à trois ans doubler par rapport la génération précédente". C'est le cas des bacheliers professionnels, des titulaires de bacs + 2 et même des masters professionnels.

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