L'université sous pression

Céline Authemayou Publié le
L'université sous pression
En 2017, les professionnels de l'enseignement supérieur et de la recherche continuent d'être peu enthousiastes lorsqu'ils évoquent leurs conditions de travail. // ©  Julien Revenu
BAROMÈTRE EDUCPROS 2017. Frustrés, stressés, mais passionnés. Les personnels de l’ESR continuent d'exprimer leur désarroi quant à leurs conditions de travail. Retour sur les résultats du baromètre EducPros 2017 à quelques jours d'une rentrée universitaire qui s'annonce sous tension entre hausse des effectifs étudiants et difficultés financières.

Année après année, l'ambiance générale reste inchangée. Lorsqu'ils évoquent leurs conditions de travail, administratifs et enseignants-chercheurs continuent d'envisager avec bien peu d'enthousiasme leur avenir dans le secteur. C'est le cas d'un peu plus des deux tiers (69 %) des 1.540 répondants du baromètre 2017 EducPros, publié début avril.

Si leur travail reste une source de satisfaction (pour 76 % d'entre eux), les professionnels de l'enseignement supérieur estiment que celui-ci n'est pas reconnu à sa juste valeur. En cause : un rythme de travail effréné, qui ne leur permet pas de mener à bien l'ensemble de leurs missions. Et qui est source de frustration. Un contractuel dans un organisme de recherche en Île-de-France parle ainsi "d'injonction à la démultiplication de soi", quand une enseignante-chercheuse d'une université francilienne évoque "les urgences perpétuelles" et "un temps immense perdu dans une bureaucratie chronophage".

Des conditions de travail qui poussent au départ

Et cette cadence imposée a des effets directs sur la conciliation entre vie privée et vie professionnelle : 65 % des enseignants-chercheurs estiment ainsi que leur travail ne leur permet pas de garder un équilibre satisfaisant entre les deux. Au point qu'un tiers des répondants envisagent de quitter l'enseignement supérieur dans les cinq ans. Ce constat, motivé par de mauvaises conditions salariales et l'absence de postes, est particulièrement marqué chez les personnels en CDD.

C'est le cas de Nicolas, 32 ans, chercheur en sociologie et Ater à mi-temps dans un établissement parisien. En CDD d'un an renouvelé, il pourrait, s'il le souhaitait, repartir pour une troisième année, mais c'est non. "Je ne peux pas continuer à gagner 1.200 euros nets mensuels", témoigne-t-il. Il envisage de travailler comme consultant sur les questions d'organisation du travail pour des petites et moyennes entreprises.

Le souhait de voir les subventions de l'État augmenter

Au-delà des conditions de travail, le baromètre est, chaque année, l'occasion de sonder la communauté universitaire sur sa vision de l'enseignement supérieur. L'édition 2017 revêtait un ton particulier, du fait de l'élection présidentielle du 7 mai. À l'image de la population française, les professionnels de l'ESR ont fait part d'une forte indécision quant à leurs intentions de vote, à plusieurs semaines du scrutin. De quoi voir certaines lignes bouger par rapport aux classiques clivages droite-gauche ?

Exemple le plus emblématique, celui de la sélection à l'entrée de l'université, qui recueille les faveurs de 56 % des répondants, parmi lesquels une majorité d'enseignants-chercheurs. Les traditions propres à chaque UFR restent néanmoins vivaces sur ce sujet très politique : 70 % des membres du personnel des UFR de droit et de santé sont favorables à une sélection contre 39 % de ceux des UFR de sciences humaines et sociales.

Si la sélection semble faire son chemin, l'augmentation des droits d'inscription continue d'être rejetée par 72 % des personnels BIATSS et deux tiers des enseignants-chercheurs. Ces résultats sont cohérents avec les réponses obtenues sur le financement de l'enseignement supérieur : 14 % seulement de l'ensemble des personnels des universités pensent qu'une augmentation des moyens des établissements doit passer en priorité par l'augmentation des droits de scolarité. Plus de la moitié d'entre eux (56 %) privilégient l'augmentation des subventions de l'État.

De quoi créer une certaine tension autour du budget 2018 de l'enseignement supérieur. En juillet, le gouvernement annonçait une annulation de crédits pour la mission recherche et enseignement supérieur de 331 millions d'euros pour l'année 2017, quand Emmanuel Macron évoquait quelques jours plus tard prévoir une hausse des crédits pour le seul ministère de la Défense. De quoi donner quelques indices sur les résultats attendus pour le prochain baromètre 2018 et de l'humeur des professionnels de l'ESR à quelques jours de la rentrée...

Méthodologie
Entre le 1er février et le 8 mars 2017, 1.540 personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche ont répondu à un questionnaire en ligne, qui comprenait une vingtaine de questions sur leur moral, leurs conditions de travail et leurs aspirations pour le prochain quinquennat.

Il a été réalisé avec la collaboration de Romain Pierronnet, chercheur en gestion des ressources humaines, et François Sarfati, chercheur au Centre d'études de l'emploi.

Aller plus loin sur le baromètre EducPros 2017
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Consulter l'édition précédente
Baromètre EducPros 2016. À l'université, le malaise devient politique

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