Budget 2012 : l’équilibre, un exercice difficile pour les universités

Fabienne Guimont Publié le
Combien d’universités éprouvent aujourd’hui des difficultés à présenter un budget en équilibre pour 2012 ? À l’heure du plan de rigueur de l’État, certains se veulent alarmistes en donnant plus de la moitié des établissements en déficit, alors que d’autres estiment que les doigts d’une main suffisent à compter les universités en réelle difficulté budgétaire. Après celles de Pau et de Bretagne-Sud , Nantes et Bordeaux 3 tirent à leur tour la sonnette d’alarme. Explications sur les moyens qu’elles comptent dégager pour garder leur autonomie.

« Ce matin, le conseil d'administration de l’université de Nantes a voté, à l’unanimité moins une voix, le principe de la présentation d’un budget 2012 en déséquilibre. Ce geste politique fort de notre établissement délivre un message de fermeté à nos autorités de tutelle. Je rappelle que la dotation globale de fonctionnement que devait nous attribuer le ministère a été amputée de 9 millions d’euros. Cela s’ajoute à des engagements non tenus qui impactent très fortement la masse salariale de l’université. » Tel est le message envoyé par Yves Lecointe aux personnels de son université de Nantes.

Pour le président nantais, si le budget précédent était déficitaire à cause d’un changement de règles comptables auxquelles l’université a dû s’adapter en passant aux RCE, cette année, les causes du déficit tiennent au « dérapage de la masse salariale ». Au menu notamment : des effets de structure (GVT pour glissement, vieillesse, technicité) et des revalorisations de carrière des maîtres de conférences trop partiellement compensées par l’État. Le déficit de masse salariale atteint 4 millions sur un budget global de 280 millions.

Heures complémentaires et heures de formations visées à l’université de Nantes

L’université a présenté un « plan de rigueur » au recteur avec des économies qui passent par une réduction de 20% des heures complémentaires, la suppression de formations à faibles effectifs, la baisse des prestations de fonctionnement et le gel d’investissements ou de travaux. Les gels de postes seront l’étape suivante si cela ne suffit pas. En revanche, le président de Nantes se refuse à toucher au fonds de réserve de l’université.

Réserves et gels de postes à l’université Bordeaux 3

Une stratégie qui diffère de celle retenue à Bordeaux 3, en déséquilibre également pour la deuxième année consécutive. Son déficit de fonctionnement s’élève à 1,4 million d’euros, mais, pour cet établissement, le plan de rigueur puise des ressources à hauteur de 500.000 € sur ses 6 millions de réserve. L’an passé, l’université n’avait dû y puiser « que » 80.000 €.

Autres économies en prévision : geler le recrutement de 10 ATER et réduire les formations de 8.000 heures. Des campagnes de recrutement mal maîtrisées par les jeunes universités autonomes ? La question hérisse Thomas Rambaud, directeur général des services de Bordeaux 3 : « Toutes les universités ont requalifié leurs emplois administratifs au cours des dix ou quinze dernières années en embauchant des directeurs financiers, des directeurs des ressources humaines ou des contrôleurs de gestion. Ce ne sont pas nos RCE acquises depuis 2011 qui ont fait que notre budget se trouve en déficit. »

L’université cumule également l’inconvénient de ne pas bénéficier de la rallonge budgétaire compensant le GVT , qui concerne les universités passées aux RCE en 2009 et 2010.

« Cette rallonge concerne 44 de ces 56 universités et c’est une excellente nouvelle, car c’est à cette étape un effet mécanique indépendant de la volonté des établissements. Pour l’université de Bourgogne  par exemple, cela représente plus de 700 000 euros, essentiels pour nos actions envers les personnels et pour boucler un budget en équilibre  », explique Sophie Béjean, présidente de l’université et de la commission des moyens et des personnels à la Conférence des présidents d’université (CPU).

Pas seulement les petites universités

Certaines universités, comme celles de SHS sous-dotées en personnels et celles passées depuis plus longtemps à l’autonomie, éprouvent davantage de difficultés financières, mais les petites universités pluridisciplinaires ne sont pas les seules touchées. À Paris 4, une part du budget recherche sera rabotée pour financer des prestations sociales. L’effet du GVT est, lui, plus sensible dans les universités en régions que dans les établissements franciliens.

« Pour l’ensemble du territoire, un millier d’emplois pourraient être gelés pour 2012, avance Stéphane Tassel, secrétaire général du Snesup-FSU. Avec la LRU, on a transféré la possibilité aux universités de gérer la pénurie et on a perdu la lisibilité sur la gestion de la masse salariale. » Pour les présidents d'université, cette marge de manoeuvre budgétaire en berne a aussi la saveur amère d'une autonomie acquise depuis peu et qui pourrait s'éloigner dans la pratique. D'autant que les recteurs sont de plus en plus présents en coulisse. "L'année dernière, on ne l'a rencontré que deux fois, cette année, on l'a toutes les semaines au téléphone", témoignait un président d'université francilienne.

Les universités ont jusqu'à décembre 2011 pour voter leur budget. Celle de Pau a d'ores et déjà annoncé qu'elle reportait le vote au début de l'année 2012. Le temps de trouver quatre millions d'euros...

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