Comment les universités économisent en temps de crise

Camille Stromboni Publié le
Comment les universités économisent en temps de crise
Université d'Aix-Marseille - bibliothèque - Site de la fac de droit à Aix-en-Provence- janvier 2011 - ©C.Stromboni // © 
Les universités ont des difficultés à boucler leurs fins de mois. Comment font-elles pour économiser tout en continuant à assurer leurs missions ? Panorama des mesures prises.

Double déficits consécutifs, fond de roulement en dessous du seuil prudentiel, trésorerie négative… La santé financière des universités autonomes reste fragile.

"Toutes les universités sont, ou vont être en difficulté, ce n'est qu'une question de délai, assure Anne Fraïsse, présidente de l'université Montpellier 3. Nous faisons tout pour faire des économies, mais cela ne résoudra pas le problème, qui est structurel."

Le ton est donné du côté des présidents, où domine un sentiment d'impuissance. "Fondamentalement, nous sommes tout simplement sous-dotées", résume le vice-président moyens de Paris 1, Bernard Tallet. "Nous gérons une situation de pénurie, estime même Alain Beretz, président de l'université de Strasbourg. Nous sommes contraints de prendre des mesures de réduction drastique de notre train de vie, au point que la situation devient dangereuse pour remplir nos missions."

Des gels de postes aux baisses de crédits, en passant par la diminution du nombre d'heures complémentaires, la panoplie d'économies mises en place est diverse.

Geler des postes

C'est d'abord la masse salariale, premier poste de dépense, qui est visé. Avec une action classique : ne pas pourvoir un certain nombre de postes inscrits dans leurs plafonds d'emplois. Autrement dit : geler des postes. Plus de 1.500 le seraient selon le Snesup.

Avec une sorte de double-peine. "Plus on sature l'occupation d'emplois [c'est-à-dire plus on remplit son plafond d'emplois], plus les coûts automatiques qui s'ajoutent [du fait de l'ancienneté, ou des promotions par exemple] augmentent", explique Guy Cathelineau, président de l'université Rennes 1, où une quinzaine de postes sont gelés en 2012.

Un choix auquel se refuse la présidente de Montpellier 3. "J'afficherai s'il le faut un budget en déficit en 2013, pour redonner la main au recteur. Nous avons déjà fait l'inventaire, il n'y a plus de marges, tous mes postes sont indispensables. L'Etat ne doit pas nous faire faire ses basses œuvres : s'il veut supprimer des postes, qu'il l'assume directement", s'énerve Anne Fraïsse, qui a signé une lettre, avec 13 confrères présidents, demandant à l'Etat de reprendre la gestion de la masse salariale.

Côté ministère, on rappelle que, s'il est incontestable que certaines universités ont d'importantes difficultés, au niveau global le rapport annuel de performances montre que le nombre d'emplois occupés est de 97%. Soit un taux frictionnel [de roulement] assez classique de 3%, estime-t-on. Sans oublier de noter que le budget 2013 des universités est … en augmentation.

Réduire le nombre d'heures complémentaires

La présidente montpelliéraine assure également avoir fortement diminué le nombre d'heures complémentaires dans son université, "même s'il a fallu les remonter quelque peu pour appliquer l'arrêté des 1.500 heures en licence", explique-t-elle.

"Nous vivions sur ce point au-dessus de nos moyens, reconnait Alain Beretz, qui a supprimé l'an dernier 10.000 heures d'enseignement, et vise une économie de deux millions d'euros l'année à venir [via cette réduction d'heures complémentaires et le gel de postes]. Nos maquettes de formations n'étaient viables que grâce à ces heures, c'était une erreur que j'assume et leur diminution est en discussion avec chacune des composantes." Pas question pour autant de fermer de formations, assure-t-il.

Fermer des options

Ce qui n'est pas le cas des matières optionnelles, que plusieurs facs ont commencé à réduire. "Nous fermerons peut-être certaines options, et nous allons voir s'il est possible encore de rassembler certains parcours", décrit Alain Beretz.

Une décision déjà mise en place à Rouen, concernant les langues vivantes, déplore le vice-président étudiant Simon Lahure. "En troisième année de sociologie, chaque étudiant devait prendre 4 options parmi 9 proposées. Il n'a désormais plus le choix qu'entre 5 options ! Il faut absolument maintenir l'offre de formation la plus complète possible", regrette le jeune homme, qui s'alarme également de la suppression du système de tutorat.

Regrouper les formations qui comptent peu d'étudiants

Outre les options, les formations à faibles effectifs font partie des premiers efforts de mutualisation des universités. "Nous avons réduit les coûts des petits départements, par exemple en comptabilisant certains cours magistraux en TD lorsqu'il y a très peu d'élèves. Egalement en développant les enseignements à distance dans les formations à très petits effectifs. Ce qui sauve par exemple les lettres classiques de mon université", raconte Anne Fraïsse (Montpellier 3).

"Nous avons fait de l'optimisation interne, ajoute Guy Cathelineau (Rennes 1). Par exemple en mutualisant un poste sur deux laboratoires. Ou en réorganisant l'offre de formation, en regroupant, dans la mesure du possible, les formations à faible effectif."

La fusion n'est pas du tout la baguette magique pour économiser
(Alain Beretz)

Stopper les investissements

"Je diminue les allocations de recherche, le nombre de contrats doctoraux, les appels d'offres pour des post-docs ou pour des innovations pédagogiques… tous les services centraux [hormis sur certains postes comme le chauffage ou l'électricité] ont diminué leur budget de 4% cette année. Rien de tout ça n'était pourtant du luxe", explique Alain Beretz. Le président strasbourgeois a également stoppé les investissements immobiliers ou sur le numérique et l'informatique. "Nous avons juste conservé un investissement sur un logiciel de gestion de la scolarité et la vie étudiante", explique-t-il.

Fusionner ?

Et la fusion, a-t-elle été un vrai facteur d'économies ? Non plus, répond le strasbourgeois. "Et ce n'était pas le but ! L'intérêt est d'abord celui qui touche à nos missions d'enseignement et de recherche, précisément sur la pluridisciplinarité. Evidemment, nous avons fait de petites économies d'échelle mais c'est limité. Ce n'est pas du tout la baguette magique pour économiser."

Et Jean-Loup Salzmann, président de Paris 13, candidat à la tête de la CPU, de conclure : "les économies que nous faisons ne suffiront pas. La question des moyens restent donc la priorité des universités". A bon entendeur...


Camille Stromboni | Publié le