Ce que les entreprises attendent des business schools en 2014

Étienne Gless Publié le
Intensification des liens entre recherche et enseignement, simplification de la relation écoles-entreprises, création d'un statut spécifique pour enseignants-chercheurs... Rendue publique en avril 2014, la dernière étude de la Fnege (Fondation nationale pour l'enseignement de la gestion des entreprises), consacrée aux business schools et aux entreprises, suggère quatre propositions clés pour vivifier les relations notamment en matière de recherche.

Etude Fnege - Comment construire une relation féconde entre les écoles de management et les entreprises"Les entreprises valorisent la recherche en gestion mais celle-ci reste abstraite pour elles." C'est le diagnostic que dresse Xavier Lecocq, professeur à l'université Lille 1 et coauteur avec Frédérique Alexandre-Bailly, professeure à l'ESCP Europe, de l'étude pour la Fnege "Comment construire une relation féconde entre les écoles de management et les entreprises", rendue publique en avril 2014. "Il ressort de nos entretiens que la plupart des dirigeants n'ont pas une bonne compréhension de ce qu'est la recherche en gestion, des formes qu'elle prend et de ses processus", avance l'enseignant.

Pourtant, aux yeux des entreprises, c'est bien la recherche qui fait l'identité et la valeur ajoutée des business schools. Mais attention : elle n'est perçue comme créatrice de valeur que si elle a des retombées sur les activités pédagogiques. "La recherche ne vaut rien seule. Elle doit se traduire dans l'enseignement, estime la directrice formation des dirigeants d'un groupe de grande distribution citée par la Fnege. Quand l'executive education devient séparée de la business school et organisée par des consultants, c'est négatif, on ne voit pas la valeur ajoutée de la business school."

ne plus séparer recherche et enseignement

D'où un premier hiatus pointé par l'étude : "Les entreprises réclament un meilleur couplage entre recherche et enseignement alors que les enseignants-chercheurs tendent paradoxalement à les découpler pour que l'enseignement réponde mieux à ce qu'ils imaginent être les attentes des entreprises : un savoir actionnable à court terme."                                                                                                                                   

Les entreprises ne goûtent guère la stratégie de certaines écoles consistant à se doter d'un double corps professoral avec, d'un côté, des professeurs-chercheurs qui enseignent très peu, restent dans leur monde mais tirent vers le haut les écoles dans leur course aux accréditations. Et de l'autre, des enseignants très tournés vers le terrain qui assurent les cours. "Les entreprises s'en rendent compte et n'en veulent pas !, pointe Xavier Lecocq. Elles estiment que la recherche doit infuser l'enseignement et refusent toute déconnexion."

Offrir des partenariats plutôt qu'une relation commerciale

En fait, les entreprises attendent des écoles de management une relation partenariale, et non une relation commerciale.  "Or, au cours des dernières années, les écoles ont créé et renforcé leurs équipes commerciales pour prospecter ou gérer les relations avec les entreprises", note Xavier Lecocq. Une relation partenariale exigerait aussi  un minimum de stabilité, alors que le monde des business schools est encore en plein tourbillon.  "Les écoles de management fusionnent, se développent, changent leurs marques. Cela crée un manque de repères. Le paysage est de moins en moins lisible et l'on ne sait vraiment plus à qui s'adresser", déplore le DRH d'une banque.

Autre souci, plus classique : le discours des enseignants-chercheurs, jugé parfois inadapté. "Aussi brillant soit-il, le professeur reste souvent dans son champ d'expertise", déclare un responsable formation d'une université d'entreprise.

Des écoles de management qui consacrent des fortunes à une recherche dont les entreprises perçoivent peu les apports, et des salaires exorbitants payés à des chercheurs qui ont du mal à descendre de leur tour d'ivoire ? L'image d'Épinal conserve un fond de vérité en 2014 aux yeux des entreprises. Ces dernières attendent des business schools qu'elles leur proposent des enseignants-chercheurs capables de comprendre leurs problématiques et de parler leur langage.

Il faut mobiliser plus systématiquement les "passeurs", tous ceux qui peuvent faciliter le lien entre les deux mondes et assurer la diffusion de la recherche dans les entreprises

faire preuve de pédagogie de part et d'autre

Pour améliorer les relations écoles-entreprises, l'étude de la Fnege préconise d'abord aux premières de faire la pédagogie de la recherche en gestion, en expliquant comment les secondes peuvent y contribuer. Elle recommande ensuite d'apprendre à l'enseignant-chercheur à se positionner plus clairement vis-à-vis de ses interlocuteurs en entreprise.

"Il serait bon de penser à socialiser différemment les jeunes enseignants-chercheurs pour que certains ne considèrent pas l'entreprise comme un 'client' difficile mais comme un lieu naturel de création et de diffusion des savoirs", plaident les auteurs. Autre suggestion, réfléchir à un statut permettant aux enseignants-chercheurs de passer plus de temps en entreprise en s'inspirant de celui des praticiens hospitaliers.

Construire l'image de marque de la recherche

Les écoles de management sont également invitées à revoir leur communication en l'orientant aussi sur les enseignants-chercheurs : "C'est à l'établissement de construire l'image de ses enseignants en communiquant sur eux comme il communique sur sa marque en général."

L'étude de la Fnege invite notamment le service de valorisation de la recherche des écoles à cesser de singer les méthodes des consultants et des centres de formation : mieux vaut valoriser les conséquences positives pour tous de la recherche, plutôt que de céder à la tentation de mettre en avant dans les communications l'application pratique et la professionnalisation immédiate.

De leur côté, les entreprises devraient mieux sérier leurs demandes pour savoir si elles ont besoin d'une étude faite par un chercheur d'école ou un consultant, d'une formation standard ou à la pointe de l'innovation sur un thème donné... La Fnege recommande enfin de mobiliser plus systématiquement ceux qu'elle appelle les  "passeurs" : DRH, anciens élèves, campus-managers, journalistes… Tous ceux qui peuvent faciliter le lien entre les deux mondes et assurer la diffusion de la recherche dans les entreprises. Pour l'heure, "il n'existe pas d'interlocuteur naturel en entreprise pour discuter et diffuser les résultas de la recherche des écoles de management partenaires". Un métier à inventer.

Étienne Gless | Publié le