CNRS : les chercheurs bloquent le conseil d'administration

Frédérique Letourneux Publié le

Les chercheurs ont répondu massivement à l'appel des coordinations Sauvons la recherche (SLR) et Sauvons l'université (SLU) et de l'intersyndicale le 19 juin 2008. Dans la cour intérieure du siège parisien du CNRS rue Michel-Ange, ils étaient en effet environ 1500 chercheurs à être venus manifester jeudi matin leur colère face à ce qu'ils dénoncent comme le futur « démantèlement » du CNRS, à savoir sa refonte en différents instituts (dont on ne sait pas bien encore lesquels auront le statut de « national » et lesquels ne l'auront pas). Face à cette mobilisation, le conseil d'administration (CA) qui devait voter le plan stratégique 2020 - fixant dans les grandes lignes l'évolution de l'organisme de recherche pour les années à venir - ne s'est donc pas tenu. Après les deux votes négatifs du conseil scientifique sur le texte (les 10 et 16 juin) et celui du comité technique paritaire (le 18 juin), cette nouvelle mobilisation porte un coup certain à la réforme voulue par le ministère de la recherche et défendue par la direction du CNRS. D'après cette dernière, un tel blocage du CA n'avait d'ailleurs qu'un seul antécédent, sous l'occupation allemande.

"Le CNRS est un symbole"

La guerre est-elle ouverte entre la direction et les chercheurs ? En tous cas, la communauté scientifique est désormais bien en ordre de bataille. Comme aux grandes heures de la mobilisation des États généraux de la recherche en novembre 2004, elle semble à nouveau ressoudée autour de la défense du CNRS : « C'est un symbole, assure Claire Lemercier, historienne et statutaire du CNRS depuis 2003. Son démantèlement est représentatif de la disparition de beaucoup de fondamentaux dans la recherche française actuelle. Certaines disciplines ne sont pas enseignées dans les universités et seule une politique nationale coordonnée par le CNRS peut permettre de continuer les recherches dans ces domaines ». Pour Laurence Walch, chercheuse du CNRS dans un laboratoire INSERM à l'hôpital Bichat, une même inquiétude sourd : « C'est ma particularité CNRS qui me permet de faire de la recherche fondamentale sur les thématiques cardio-vasculaires au sein de mon laboratoire ».

« Il faut que cette maison bouge"

Lors d'un point presse improvisé, Catherine Bréchignac, présidente du CNRS a tenu à répéter que le « CNRS était un et indivisible », en assurant qu'il était désormais acquis que les budgets seraient accordés au niveau de la direction – celle-ci se chargeant ensuite des répartitions entre les différents instituts. Reste en suspens les découpages disciplinaires de ces instituts, les syndicats dénonçant le fait que toutes les disciplines ne seraient pas logées à la même enseigne. Mais du côté de la direction, le ton reste très déterminé : « Il faut que cette maison bouge, c'est une demande du président de la République, a assuré Catherine Bréchignac. Je vais donc reprendre les discussions avec la communauté scientifique et mon objectif est de faire adopter un nouveau texte avant l'été ». Un calendrier qui n'est pas du tout du goût des syndicats qui réclament l'ouverture de négociations avec le ministère. Une chose est sûre pour l'instant, c'est que d'un point de vue statuaire le CA doit à nouveau se réunir dans un délai de 20 jours maximum, avec le même ordre du jour. Le texte qui sera soumis au vote aura-t-il évolué d'ici là ? Affaire à suivre.    

Frédérique Letourneux | Publié le