La Conférence des présidents d'université en quête d'autonomie

Aurore Abdoul-Maninroudine Publié le
La Conférence des présidents d'université en quête d'autonomie
La CPU se réunit à Reims pour son colloque annuel. // ©  Delphine Dauvergne
Alors que la CPU réfléchit à l'avenir de l'université lors de son colloque annuel à Reims le 28 février et le 1er mars, elle s'interroge également sur son rôle et souhaite monter en compétences face au ministère. Une évolution dans la lignée de l'autonomie des universités qui n'est pas sans interroger les syndicats.

Autonomie. Si dans ses propositions pour l'élection présidentielle de 2017, la CPU demande plus d'autonomie pour les universités, elle en souhaiterait également davantage pour elle-même. Gilles Roussel, son président depuis décembre 2016, assume aujourd'hui la nécessité "d’une montée en compétences par rapport à la DGRH (direction générale des ressources humaines) et à la Dgesip (direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle)".

"Nous aimerions pouvoir chiffrer nous-mêmes certaines mesures, ne pas être en réaction mais au contraire force de proposition dans notre relation avec le ministère. D'une manière générale, la répartition actuelle des tâches n’est pas optimale ; il serait pertinent de définir plus précisément qui fait quoi. L’animation de la communauté, les enjeux de formation pourraient être menés par la CPU", détaille-t-il.

Une montée en compétences

Un renforcement de l'expertise de la CPU, qui soulève la question des moyens qui lui sont alloués. Avec un budget d'environ 3,5 millions d'euros annuels et une trentaine de chargés de mission, il lui est pour l'instant difficile de développer des chiffrages indépendants. Même si, estime Romain Pierronnet, doctorant en sciences de gestion, "il ne faut pas sous-estimer les compétences de la Conférence, déjà importantes et qui partent du terrain."

La professionnalisation de certains métiers s'est aussi traduite par la création de réseaux nationaux – à l'image de l'Association des directeurs généraux des services dans le supérieur – et a entraîné "une remontée d'informations et de savoir-faire à haute valeur ajoutée vers les présidents d'université", développe le doctorant.

Les nouveaux présidents sont moins dans l'attente de détails techniques que d'une réflexion stratégique et politique commune.
(G. Roussel)

un syndicat d'employeurs ?

Le rôle de la CPU fait déjà régulièrement débat chez les syndicats. La loi LRU, en 2007, a fait de la Conférence une association loi 1901, mais sans définir précisément ses missions. Le texte de loi précise seulement qu'elle a vocation "à représenter auprès de l'État, de l'Union européenne et des autres instances internationales compétentes en matière d'enseignement supérieur et de recherche les intérêts communs des établissements qu'elles regroupent."

Or elle est aujourd'hui de toutes les négociations entre le ministère et les partenaires sociaux. Dans un récent courrier, Sup’Recherche Unsa, le Sgen-CFDT et le SNPTES dénonçaient ainsi "l'immixtion systématique et intolérable" de la CPU dans la négociation sur le projet de décret portant sur le statut des enseignants-chercheurs.

Franck Loureiro, secrétaire général adjoint du Sgen-CFDT regrettait alors que "la CPU se comporte comme un syndicat d'employeurs sans en être un". Et d'ajouter : "Quand la Conférence des présidents d'université signe un accord, cela engage-t-il vraiment tous les présidents d'université qui sont, dans les faits, toujours plus autonomes ?"

Des questions qui n'étonnent pas Patrick Fridenson, historien à l'EHESS : "Comment voudriez-vous que les présidents d'université, qui ne sont pas seulement les porte-parole de l'autonomie, ferment les yeux sur l'évolution des métiers, des recrutements et des carrières ? Les enseignants-chercheurs ont toujours eu un statut national, dont l'évolution peut faire l'objet de négociations avec les syndicats. Depuis 1968, ils sont aussi sous la responsabilité de présidents élus dans des universités autonomes. Le curseur entre les deux s'est déplacé au cours du temps vers les établissements."

une doctrine commune à élaborer

Gilles Roussel revendique la représentativité des présidents d'université : "Les excellents taux de participation aux élections des conseils centraux n'ont rien à envier à ceux des élections des représentants syndicaux." Néanmoins, admet-il, "la CPU doit encore travailler à l'élaboration d'une doctrine commune à l'ensemble de ses membres et qui ne se résume pas au plus petit dénominateur commun."

C’est dans cette perspective, explique-t-il, que "des moments de débats ont été systématisés lors des séances plénières" mensuelles. Jusqu’à présent, ces séances étaient trop souvent "un lieu d’information, souvent descendante". À cet égard, poursuit-il, les nouveaux présidents lui semblent "moins en attente de détails techniques que d'une réflexion stratégique et politique commune".

La création de la nouvelle commission "regroupements et politiques de sites" témoigne également de la volonté d’être au plus près du terrain. "Pour établir une doctrine commune au niveau national, il faut avoir conscience des conditions locales de mise en œuvre", conclut Gilles Roussel.

Christian Forestier, chargé de mission formation professionnelle à la CPU, ancien recteur et directeur général du Cnam, insiste également sur "la nécessité de ne pas perdre de vue la communauté d'intérêts existant entre les membres de la CPU, malgré l'autonomie croissante, malgré leur diversité". Pendant deux jours, à Reims, les présidents d'université réfléchiront ainsi ensemble à l'avenir de leurs établissements, ainsi qu'à leur place dans la société.

Aurore Abdoul-Maninroudine | Publié le