Crous : la Cour des comptes demande une réorganisation en profondeur

Morgane Taquet Publié le
Crous : la Cour des comptes demande une réorganisation en profondeur
Restaurant universitaire - CROUS © Philippe Piron // ©  Philippe Piron
La Cour des comptes n'est pas tendre avec les Crous. Dans son rapport annuel publié le 11 février 2015, elle pointe avec sévérité les difficultés d'un réseau des œuvres qui peine à s'adapter aux évolutions de l'enseignement supérieur.

C'est un véritable coup de semonce pour le réseau des œuvres. Contrôle d'assiduité sur les bourses très insuffisant et ce "en dépit de la priorité budgétaire dont elles bénéficient", lacunes de l'offre de logement aux étudiants, déficit du service de restauration universitaire... Dans son rapport annuel publié le 11 février 2015, les critiques sont telles que la Cour des comptes appelle à "une réorganisation en profondeur" du réseau.

Dépeignant des centres qui "peinent à s'adapter aux nouveaux rythmes universitaires", la Cour estime que "l'organisation en réseau ne garantit pas un égal traitement des étudiants sur le territoire". Institués en 1955, les 28 Crous répartis dans les académies se concentrent sur trois activités principales : l'attribution d'aides directes (bourses et aides d'urgence), le logement (162 500 lits) et la restauration (600 restaurants et cafétérias). En 2013, leur budget consolidé s'élèvait à 1,33 milliard d'euros.

Si, à court terme, la Cour recommande le regroupement de certains Crous (notamment en Île-de-France) pour dégager des économies, elle suggère deux solutions radicales à plus long terme : confier les missions du réseau aux Comues (Communautés d'universités et établissements), ou décentraliser et confier les compétences des Crous aux conseils régionaux à la suite de la nouvelle réforme territoriale.

LOGEMENT : UNE OFFRE INSUFFISANTE ET MAL RÉPARTIE

Première inquiétude de la Cour : l'offre de logement étudiant est non seulement insuffisante mais surtout mal répartie sur le territoire, au vu de la démographie étudiante. Elle note notamment que les investissements réalisés depuis 2004, via le plan Anciaux, "n'ont pas été réservés aux zones déficitaires" comme les académies de Paris, Créteil, Lyon et Lille. Pour exemple, en 2013, le Crous de Paris disposait d'une offre de logement proche de celle du Crous de Rouen, qui accueille six fois moins d'étudiants, souligne la Cour. En outre, "l'équilibre financier de cette activité reste fragile", si le chiffre d'affaires de l'hébergement a augmenté de 30% entre 2008 et 2013, 18 Crous dégagent encore un déficit d'exploitation en 2013.

Deuxième point de crispation : la restauration est devenue "une prestation coûteuse dont le déficit s'accroît". Face à une fréquentation en baisse, et de plus en plus saisonnière, la diversification des prestations s'est faite "sans réflexion préalable", dénonce la Cour, tandis que "l'implantation d'unités de restauration a suivi sans tenir compte d'un seuil minimum de fréquentation". La Cour conseille à l'État la fermeture des structures de restauration mal situées ou surdimensionnées.

BOURSES : UN CONTRôLE DE L'ASSIDUITé INEFFICACE

Troisième remarque de la Cour : il faut réformer le contrôle d'assiduité des étudiants boursiers, jugé inefficace et inéquitable. La Cour rappelle que "les Crous transmettent aux établissements les listes des boursiers qui les concernent, [qu']il appartient aux établissements de retourner en désignant les étudiants non assidus aux cours ou aux examens". En pratique, la définition de l'assiduité varie entre les classes prépas, les BTS et les universités "où la situation est encore plus hétérogène". "Le contrôle de présence aux cours magistraux n'est jamais effectué, celui aux TD et TP relève des unités de formation et de recherche, et de nombreuses universités ne contrôlent que la présence aux examens", souligne la Cour. En conséquence, "les montants effectivement recouvrés sont très faibles par rapport aux bourses versées".

Quel positionnement pour le Cnous ?
La Cour revient également sur le positionnement "ambigu" du Cnous qui est "depuis des années dans l'attente d'une clarification de ses missions et ne dispose pas des moyens juridiques et financiers pour assurer pleinement le pilotage du réseau". Des remarques auxquelles le ministère semble avoir été sensible. Dans sa réponse à la Cour, il indique qu'il récrira, d'ici à la fin de l'année 2015, le décret relatif aux missions et à l'organisation des œuvres universitaires, "une clarification des missions du Cnous étant nécessaire".

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Infographie de la Cour des comptes

Les leçons du chantier interminable de Jussieu
S'appuyant sur l'incroyable réhabilitation du campus de Jussieu, la Cour des comptes appelle à une rénovation du schéma directeur de l'immobilier francilien dans un autre chapitre de son rapport annuel.

"En 2015, dix-neuf ans après [le lancement du projet], les principales opérations de désamiantage et de réhabilitation du campus de Jussieu devraient s'achever pour un coût final décuplé" évalué en 2014 à plus de 2 milliards d'euros. C'est sur ce constat implacable que la Cour des comptes entame son chapitre sur les grandes opérations immobilières des universités franciliennes, dans son rapport annuel 2015. Revenant sur ce "chantier interminable", la Cour des comptes en profite pour tirer quelques enseignements sur le pilotage stratégique de l'immobilier universitaire francilien.

La Cour estime que le schéma directeur immobilier pour l'enseignement supérieur francilien élaboré en 2012 par un comité de recteurs n'est plus adapté aux nouveaux enjeux de l'immobilier universitaire tels que les politiques de site, les enjeux de transition énergétique et de développement du numérique notamment ou les aménagements du Grand Paris ou encore l'autonomie des universités. Par conséquent, ce schéma directeur immobilier doit être "actualisé et modernisé", avec l'ensemble des acteurs concernés.

Morgane Taquet | Publié le