L'université, bouillon de culture

Sophie Blitman Publié le
L'université, bouillon de culture
Graffiti végétal à l'université catholique de Lille. // ©  DR
Pour la troisième année consécutive, universités et écoles célèbrent les Journées des arts et de la culture dans l'enseignement supérieur, du 29 au 31 mars 2016. Catherine Benguigui, coprésidente du réseau Art+Université+Culture, rappelle les enjeux de l'action culturelle en termes de formation, de recherche mais aussi de démocratisation.

Catherine Benguigui, co-présidente du réseau Art+Université+Culture.Jardin participatif et artistique à Avignon, atelier culinaire à Mulhouse, chasse aux trésors à Cergy, graffiti végétal à Lille… Sans compter les multiples expositions, concerts et spectacles. Pendant trois jours, la culture rayonne dans les écoles et les universités. Quel est l'objectif de ces Jaces (Journées des arts et de la culture dans l'enseignement supérieur) ?

À travers les différentes manifestations, les Jaces mettent en lumière l'action culturelle développée dans les établissements. L'événement est né à la suite de la convention-cadre signée à Avignon en juillet 2013, par le ministère de l'Enseignement supérieur, la CPU (Conférence des présidents d'université) et le ministère de la Culture et de la Communication. Intitulé "Université, lieu de culture", ce texte souligne l'importance pour les projets culturels de s'ancrer dans le monde de l'enseignement supérieur.

C'est ce travail que s'attache à mener le réseau Art+Université+Culture, en lien avec les collectivités territoriales et les Drac (directions régionales des affaires culturelles). Au niveau national, notre rôle est d'incliner les politiques publiques et d'être force de proposition : nous souhaitons que le ministère se nourrisse de ce qui émane du terrain.

Concrètement, quelles formes prend l'action culturelle au quotidien ?

Les établissements organisent bien sûr des ateliers de pratique artistique, des journées d'étude et des expositions, mais aussi désormais des résidences d'artistes. De plus en plus d'universités ont en effet de véritables salles de spectacle, avec un plateau digne de ce nom, du matériel professionnel pour le son et la lumière, ce qui permet d'accueillir des artistes. Ceux-ci peuvent alors proposer des rencontres avec des étudiants et des enseignants, ou même avec des chercheurs.

Cela crée parfois des liens entre art et science, je pense notamment à un travail mené autour du robot NAO qui a donné lieu à une installation artistique, tout en élargissant le champ de recherche scientifique. L'université devient alors un véritable laboratoire de la création artistique. Au-delà de ce cas particulier, il est important de souligner que l'action culturelle n'est pas hors-sol : elle peut s'articuler avec la politique de formation et de recherche.

Autre exemple, à La Rochelle [où Catherine Benguigui est chargée de mission culture, vie sportive et associative], nous n'avons pas de formation artistique, mais cela ne nous empêche pas de nous associer avec le festival international du documentaire Escales. Rencontrer l'équipe d'un film est matière à réflexion pour des étudiants en lettres, cultures et nouveaux médias qui travaillent sur des questions de sémiologie, mais aussi, selon la thématique du film, pour des étudiants en droit du travail ou en master environnement. En fonction de l'œuvre, on peut toujours trouver une entrée qui intéresse différents enseignants. C'est ainsi que l'objet culturel s'infuse dans l'université.

L'action culturelle n'est pas hors-sol : elle peut s'articuler avec la politique de formation et de recherche.

Plus largement, quels sont les enjeux d'une politique culturelle à l'université ?

D'abord la démocratisation de la culture, alors que tous les étudiants n'y ont pas accès. Les établissements doivent inciter aux sorties culturelles : des dispositifs comme les cartes ou pass culture permettent d'obtenir des tarifs réduits – que souvent l'université compense par ailleurs. Il en va de la responsabilité sociétale des établissements, qui assument ainsi pleinement leur rôle d'acteurs du territoire.

En outre, il est important que les manifestations soient ouvertes au grand public : le citoyen lambda peut entrer dans l'université. Cela désacralise l'institution, notamment aux yeux des lycéens qui peuvent s'y projeter, alors que nombre d'entre eux ne penseraient pas s'y inscrire, pour des raisons financières mais aussi symboliques.

Enfin, il faut rappeler l'importance de la culture comme vecteur de valeurs et partie prenante de la formation de citoyens éclairés. Promouvoir la culture, c'est aussi développer les échanges et ouvrir les esprits : c'est une manière d'agir contre l'obscurantisme et l'extrémisme. Une mission d'autant plus nécessaire dans le contexte actuel. On a trop oublié que la culture est l'un des éléments qui permettent de continuer à espérer. Il n'y a pas que l'économie qui fasse avancer le monde.

Cette vision vous semble-t-elle partagée dans l'enseignement supérieur aujourd'hui ?

Nulle part, il n'est écrit qu'une université doit avoir un service culturel. Or, la majorité en ont un et l'action culturelle fait désormais partie de la vie de campus, ce qui montre bien la prise de conscience. L'enjeu est d'avoir des projets partagés par l'ensemble de la communauté, pour que l'action culturelle ne soit pas une variable d'ajustement dans les budgets.

 

A+U+C : trois lettres pour défendre la culture à l'université
Créé en 1990, le réseau national des services culturels des établissements d’enseignement supérieur Arts+Universités+Culture regroupe aujourd'hui une soixantaine d'établissements membres, essentiellement des universités mais aussi quelques écoles.

Leur objectif ? Échanger des idées et des bonnes pratiques afin de développer au mieux des ateliers, mais aussi des journées d'études et une présence artistique dans les établissements.

Pour en savoir plus consulter le site de l'association.
Sophie Blitman | Publié le