Des garnisons aux cités U : les leçons de la Lorraine

Fabienne Guimont Publié le
Des garnisons aux cités U : les leçons de la Lorraine
Le campus Bridoux (Metz) // © 
Transformer des casernes militaires en cités U. Dans la foulée de la restructuration des armées, Hervé Morin, le ministre de la Défense et Valérie Pécresse, la ministre de l’Enseignement supérieur ont conclu début septembre 2008 un accord prévoyant de réaffecter des bâtiments militaires en logements étudiants. Selon les estimations des deux ministères, 5000 à 6000 logements pourraient être créés, avec les premières remises de clés aux CROUS en 2010. L’idée séduisante sur le papier a-t-elle fait ses preuves ? Exemples en Lorraine, à Metz et Nancy.

 Ville de garnison, Metz a pris de plein fouet l’annonce de restructuration de la carte militaire prévue par Nicolas Sarkozy :10% des départs de militaires la concerne (près de 6000 départs dont un état-major et une base aérienne). De quoi dégager des casernes à reconvertir éventuellement en logement étudiant, comme Valérie Pécresse et Hervé Morin en ont signé l’engagement pour Metz et quatorze autres villes (Paris, Versailles, Marseille, Montpellier, Toulouse, Bordeaux, Limoges, Nancy, Reims, Valenciennes, Arras, Caen, Nantes et La Rochelle).

Une vraie-fausse bonne idée ?

La capitale lorraine n’en est pas à sa première réhabilitation de locaux évacués par les armées. Une expérience qui fait prendre cette annonce politique avec circonspection. « C’est le prototype de la fausse bonne idée. Un effet d’annonce plutôt qu’une panacée qui suscite sourires et franche réserve ». Une réserve exprimée par Thierry Jean, vice-président de la communauté d’agglomération messine chargé de l’économie, de l’enseignement supérieur et de la recherche et conseiller régional (Modem), qu’il argumente à l’aune des précédents chantiers de réhabilitation de casernes menés dans les années 1990. A la clé : des bâtiments d’enseignement, de recherche et des logements étudiants.

Les coûts de dépollution et de réhabilitation

« Ces rénovations de casernes sont aussi chères que du neuf, voire un peu plus. Il n’y a rien à gagner car ce sont des logements militaires organisés avec des chambres de 12 lits – 6 de chaque côté – qui ne conviennent pas à des étudiants ». Des coûts de dépollution technique particuliers aux sites militaires désaffectés doivent aussi être pris en ligne de compte. Les terrains sont souvent souillés avec des hydrocarbures, huiles, essence venant de cuves, de station-services ou dues à la maintenance de véhicules.

La contrainte géographique

Autre inconvénient majeur des casernes : elles ne sont forcément à proximité des campus. Ce qui explique que sur les 83 sites concernés par la réforme de la carte militaire, très peu pourront être reconvertis au bénéfice des étudiants. A Metz, les besoins de logements seraient plutôt sur le campus du technopôle, un site d’entreprises et d’écoles construites ex-nihilo, sans casernes à l’horizon. Et la démographie étudiante ne plaide pas en faveur de constructions massives. « On n’est plus à l’époque où il fallait loger beaucoup d’étudiants », note Thierry Jean.

Nancy : Artem prendra place sur 10 hectares

Les effectifs étudiants sont essentiellement concentrés dans la ville universitaire de Nancy (45 000 étudiants pour 250 000 habitants), à 60 km de Metz. La ville fait aussi partie des sites désignés pour une reconversion de casernes en logements étudiants. Une affectation de bâtiments militaires qui seraient une première.

Sur le site militaire Molitor, le projet Artem a fait le choix de raser le bâti pour construire des locaux d’enseignement et de recherche dans un parc de 10 hectares ouvert sur la ville. Après dix ans de tractations et de montage financier, l’un des plus grands chantiers universitaires de France – 156 millions d’euros – attend ses premières grues mi-2009 (les premiers appels d’offres pour les futures constructions ont été lancés en août 2008). Situées en plein centre ville à quelques stations du TGV, ce terrain présentait d’indéniables atouts. « Garder ou non les casernes a été débattu. Dans la perspective d’une cité U, on aurait réfléchi différemment car un alignement de bureau peut ressembler à des chambres de cité U. En revanche, cela était difficile pour aménager une médiathèque, des amphis et des laboratoires de recherche », explique Thomas Froehlicher, responsable de l’association Artem.

Des casernes en ville

Deux autres casernes existent dans le prolongement du site à aménager. Encore occupées par les militaires, des discussions ont néanmoins eu lieu, notamment dans le cadre de l’Opération campus. Des logements étudiants étaient à l’étude, mais le projet lorrain n’a pas été retenu. Des contacts qui pourraient reprendre. « Il faudrait restructurer les bâtiments où un couloir central dessert des pièces. Pour du logement étudiant, cela pourrait convenir, même si les murs font entre 40 et 50cm », estime Frédéric Chastanier, responsable du pôle grands projets à la communauté d’agglomération nancéienne. Une nouvelle carte...militaire à jouer.

     

Anciaux, suite ?

Les syndicats étudiants - PDE et UNEF - saluent l’idée de transformer des bâtiments militaires en logements étudiants. Ils y voient un moyen de concrétiser les préconisations du rapport Anciaux pour lequel ils avaient été largement consultés. Les 155 millions d’euros octroyés par Valérie Pécresse permettront peut-être de remplir à peu près, en 2009, les objectifs fixés par le plan Anciaux de 2004… Il prévoyait de construire chaque année pendant 10 ans 5 000 logements et d’en réhabiliter 7 000 autres. 620 millions d'euros ont été promis jusqu’en 2012, en février 2008 par la ministre de l’Enseignement supérieur. 

Fabienne Guimont | Publié le