Désamiantage de Jussieu : le rapport accablant de la Cour des comptes

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«Absence de pilotage », «bilan financier accablant », « dérive des délais »… les conclusions du rapport public de la Cour des comptes sur le chantier de désamiantage du campus de Jussieu à Paris sont sans appel. Le coût final de l’opération est passé de 183 M € en 1996 (début du lancement « dans l’urgence » de l’opération) à 1850 M € en 2011, soit une augmentation de plus de 1000%.


Le désamiantage du campus de Jussieu ne représente que 9% du coût total du chantier. L’essentiel du budget est constitué des opérations de construction/réhabilitation des bâtiments (58%) et des coûts liés aux relogements (33%). Après une succession de retards, les derniers travaux de désamiantage doivent s’achever cette année.

un écheveau de responsabilités


Le rapport pointe une multiplication de responsabilités mais principalement celle de l’établissement public du campus de Jussieu (EPCJ) d’un côté et celle de l’Etat de l’autre. L’établissement public  n’a « pas suffisamment préparé l’opération ni appliqué les fondamentaux de la maîtrise d’ouvrage publique » indique le communiqué du 17 novembre 2011. La Cour relève par ailleurs que les enveloppes financières ont été presque «systématiquement sous-évaluées» et que l’EPCJ n’a pas été capable d’arbitrer les conflits entre les établissements universitaires du site et de s’opposer à leurs exigences.

Du côté de l’Etat, la Cour des comptes estime que «malgré les recommandations formulées par de précédentes missions de contrôle dès 2003, « l’Etat n’a pas assuré son rôle d’arbitre et de pilote.» Enfin, les établissements bénéficiaires de l'opération n'ont pas été suffisamment responsabilisés dans leurs exigences. 


Une absence de pilotage

Au final, la Cour estime que ces dérives sont dues à l’absence d’un pilote disposant de tous les leviers nécessaires « pour assurer la maîtrise des coûts comme des délais ». Est posée notamment la question du manque de coordination avec l’opération de construction du nouveau campus de Paris Diderot sur la ZAC Rive gauche, générateur de retards importants. Des améliorations ont été constatées notamment avec la mise en place, en août 2010, de l’EPAURIF (Etablissement public d'aménagement universitaire de la région Ile-de-France), nouvelle structure qui remplace l’EPCJ et qui dispose des missions élargies aux opérations immobilières régionales. Mais ces améliorations restent insuffisantes.


Devant l’ampleur des défaillances relevées, la Cour des comptes a décidé de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière, juridiction administrative en charge de réprimer les infractions commises en matière de finances publiques.


En savoir plus sur le déamiantage de Jussieu

«Un rapport réaliste et juste mais qui ne va pas au fond des choses » selon Jean-Charles Pomerol

Président de l’université Pierre-et-Marie Curie (UPMC) de 2006 à 2011, Jean-Charles Pomerol réagit au rapport de la Cour des comptes.

«Le rapport de la Cour des comptes est assez réaliste et juste d’un point de vue factuel. Mais j’estime qu’il dédouane trop l’Etat qui a pourtant sa part de responsabilités. C’est l’Etat qui a nommé une personne à la tête de l’Etablissement public qui s’est révélée catastrophique. C’était aussi à l’Etat de donner les moyens à l’EPCJ de fonctionner.
Il est vrai que le relogement des laboratoires et la prolongation des baux à coûté très cher.  L’université a recherché les locaux les plus adaptés, ce qui a coûté plus cher que des surfaces simples. Mais il s’agissait de remplir au mieux nos missions de recherche.
En ce qui concerne la gestion immobilière, ni les universités, ni le rectorat de Paris ne disposent d’un service immobilier à la hauteur de la complexité du dossier. En province, ce sont les collectivités locales qui ont les compétences juridiques et techniques qui nous font défaut. Aujourd’hui, l’EPAURIF dispose d’une bonne équipe. C’est une structure qui fonctionne bien et dont on ne pourrait pas se passer. »

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