Étudiants et enseignants en grève à l'École spéciale d’architecture, à Paris

Sophie de Tarlé Publié le
Étudiants et enseignants en grève à l'École spéciale d’architecture, à Paris
Les étudiants de l'École spéciale d'architecture réclament la démission du directeur. // ©  Sophie de Tarlé
Déjà quinze jours qu’un mouvement de grève secoue l’École spéciale d’architecture, à Paris, seule école privée d’architecture en France. Étudiants, enseignants et personnel administratif dénoncent les neuf licenciements en cours et réclament la démission du directeur, lequel invoque des mesures d'économie nécessaires en raison de la chute des effectifs.

La grève dure depuis deux semaines à l’École spéciale d’architecture. Pas de blocage mais des cours et des projections organisés dans le jardin de l’école du boulevard Raspail à Paris, sous la banderole "Direction démission". Une pétition a déjà reçu près de 600 signatures (sur 1.000 élèves). Le licenciement de 9 membres du personnel administratif sur 26, dont les entretiens préalables ont eu lieu mardi, a mis le feu aux poudres.

Pour le directeur, François Bouvard, ce licenciement est justifié par le déficit de l’école, qui affiche un résultat net d'exploitation évalué à 502.000 euros, dû à une chute des inscriptions et au doublement du personnel administratif sous son prédécesseur, Odile Decq, partie en 2012. "Il fallait agir, le personnel administratif était passé de 13 personnes à 26", affirme François Bouvard. Selon le directeur, "même si la situation est difficile, tout a été fait dans le respect de la loi".

Georges Kallab, élève de quatrième année et porte-parole des étudiants, estime qu'une autre solution aurait pu être trouvée : "L'école aurait pu s’endetter, car ce déficit est en réalité dû à des dotations en prévision de procès. L’école a actuellement plusieurs procès en cours aux prud’hommes en raison du licenciement d'enseignants et cela pourrait évidemment s’aggraver."

purge ou contraintes économiques ?

Pour les étudiants, le personnel et les enseignants, les raisons de ces licenciements sont tout autre : "En réalité, il s’agit d’une purge, car tous étaient syndiqués à la CGT ou à la CNT", affirme Marion (1), secrétaire dans l'école et solidaire du mouvement. Pour le directeur, ce n'est pas une question de personnes : " L'ensemble du personnel administratif de l'école est syndiqué."

Les étudiants voient les conséquences de ces licenciements sur leurs conditions d'étude."Désormais, nous ne bénéficions plus d’aucun service administratif, comme la reprographie ou le service international, qui a pourtant toujours été le point phare de l’école", assure Léonard, étudiant en quatrième année. François Bouvard rétorque que trois embauches sont prévues afin de régler ces problèmes.

Une crise de confiance sans précédent

Au-delà du choc des licenciements, c’est toute la stratégie de cette école qui est remise en cause par une partie du personnel et des élèves. "Plus que tout, nous souffrons d’un manque de communication avec la direction, de projet, de vision d’avenir ", regrette Georges Kallab.

 "C’est tout le pôle artistique qui constitue l’ADN de l’école qui a été supprimé, le directeur souhaite nous réduire à notre fonction de constructeur", résume Gino, étudiant de deuxième année. Et d’ajouter : "L’école manque de vision à long terme, de stratégie, il est regrettable par exemple de ne pas mutualiser un certain nombre de services comme la bibliothèque avec ceux de l’École d’architecture intérieure Camondo, qui touche nos murs", souligne l’étudiant.

François Bouvard ne nie pas que le projet d’un double diplôme ingénieur-architecte prévu avec l’ESTP de Cachan pour septembre inquiète aussi les étudiants. Mais, "on ne peut pas réduire l’architecture à sa seule vision artistique", car "une école d’architecture n’est pas une école d’art".  Et de conclure : "Basher l'école ne sert à rien, les étudiants se tirent une balle dans le pied, nous ne sommes pas une école publique, il est déjà étonnant qu'elle ait perduré cent cinquante ans depuis sa création, mais elle reste fragile."

(1) Les prénoms ont été changés à la demande des personnes interviewées.

Sophie de Tarlé | Publié le