Écoles d’art : enseignement supérieur ou pas ?

Delphine Dauvergne Publié le
Écoles d’art : enseignement supérieur ou pas ?
Les élèves de l'Institut supérieur des beaux-arts de Besançon à l'œuvre. // ©  Institut supérieur des beaux-arts de Besançon
Le projet de loi Création, voté mardi 1er mars 2016 en première lecture au Sénat, précise les contours de la cotutelle des écoles nationales d'art entre les ministères de la Culture et de l'Enseignement supérieur. Si les établissements sont satisfaits que la rue de Valois garde la main, l'Unef aurait préféré l'inverse.

Le projet de loi LCAP (relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine) intègre les novations de la loi Fioraso tout en permettant au ministre chargé de la Culture de conserver ses prérogatives", résume Maud Le Garzic Vieira Contim, coordinatrice de l'Andéa (Association nationale des écoles supérieures d'art).

Sur les 46 écoles supérieures d’art publiques, 35 sont territoriales et 11 nationales, qui attirent plus de 3.000 étudiants, contre 8.000 pour les territoriales. Ces dernières années, nombreux ont été ceux qui ont soulevé les nécessaires améliorations à apporter, notamment pour la lisibilité de ces cursus ou l’insertion professionnelle des étudiants.

Depuis la loi Fioraso, adoptée en 2013, les écoles d'art nationales sont sous cotutelle des ministères de l'Enseignement supérieur et de la Culture, tandis que les autres écoles d'art restent sous l'égide de la seule rue de Valois. 

"Dans les faits, cette cotutelle sur les écoles nationales n’est pas encore mise en place ; le projet de loi LCAP va préciser les rôles respectifs des ministères de l’Enseignement supérieur et de la Culture, tout en listant les missions des établissements", explique Maud Le Garzic Vieira Contim.

La rue de valois accrédite toujours les écoles

Dans la version actuelle de la loi LCAP, qui sera adoptée en première lecture au Sénat le 1er mars 2016, le ministère de la Culture continue d'accréditer seul toutes les écoles déjà sous sa tutelle, sauf en ce qui concerne les écoles nationales, où cela se fait conjointement avec le ministère de l'Enseignement supérieur.

"Nous craignons qu'une mainmise forte du ministère de l'Enseignement supérieur sur les écoles d'art ait pour conséquence une homogénéisation des formations avec celles des universités, avec, par exemple, des exigences inadéquates sur le profil des enseignants, lesquels sont essentiellement des artistes reconnus par le monde de l’art, des créateurs, des auteurs, qu’ils soient docteurs ou non, qu’ils aient même le bac ou non", souligne la coordinatrice de l'Andéa.

Cet avis n'est pas partagé par l'Unef, qui regrette "la dichotomie entre les formations ne dépendant pas du même ministère, ce qui crée des inégalités entre les étudiants et rend les passerelles plus difficiles." Cassandre Bliot, responsable des questions universitaires au bureau du syndicat étudiant, ajoute que, pour elle, "cette loi va à l'encontre de l'esprit de la loi Fioraso, qui allait vers plus de cotutelle."

Création d'un CNESER spécifique aux écoles d'art

Un amendement gouvernemental prévoit de créer un Cneserac (Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels). "Cette nouvelle instance est nécessaire. Si le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche exige une gouvernance par les pairs, nos pairs, ce sont les professionnels du monde de l’art", argumente Maud Le Garzic Vieira Contim.

"Les écoles de la culture ont besoin, pour préserver leurs formations très particulières et pour structurer l’enseignement supérieur du ministère de la Culture, de posséder un lieu de discussion qui saura parler d’une seule voix au ministère de l’Enseignement supérieur et à son Cneser. Ce Cneserac n’enlèvera rien aux prérogatives du Cneser", ajoute-t-elle.

Pour l'Unef, cette décision va vers "plus d'isolement des écoles d'art, qui sont dans une optique corporative, au détriment des étudiants".

Des missions qui restent à préciser

Si l’Andéa est satisfaite des "principaux objectifs de la loi et du texte tel qu’il ressort de la première lecture", un point de désaccord important subsiste : l'obligation de former à la médiation. "Le Sénat l'a sortie des missions optionnelles pour l'insérer dans la mission centrale, nous le réprouvons", critique la coordinatrice de l'association.

Maud Le Garzic Viera Contim concède que "transmettre, apprendre à parler de son travail, est un élément important du cursus", mais elle précise que la médiation culturelle "reste un métier à part entière, l'imposer aux étudiants relève d'une vision dévoyée de l'artiste à qui l’on donne les moyens de créer et que l'on forme, mais en lui demandant quelque chose d'"utile" en retour, en somme de jouer à l'animateur."

La mission centrale des écoles d'art sera sûrement remodifiée après le second passage, la recherche étant, elle, reléguée pour l'instant aux missions optionnelles.

Le projet de loi repassera devant le Parlement au printemps 2016.

Delphine Dauvergne | Publié le