Kayla Delzer est enseignante en CE2 dans le Dakota du Nord. Chaque jour, elle aide ses élèves à converser sur le compte Twitter de la classe, à poster des photos sur Instagram et à partager leurs créations sur la plateforme Seesaw. T-shirts, bons d'achat ou accès gratuit à des versions premium… Les entreprises de la Silicon Valley courtisent ces enseignants dont le cercle d'influence s'étend aux élèves et à leurs parents mais aussi aux collègues qu'ils peuvent former à ces nouvelles technologies.
Des start-up spécialisées dans l'éducation les recrutent comme ambassadeurs de leur marque. Certains sont envoyés aux frais de l'entreprise à des conférences d'enseignants au cours desquelles ils peuvent vanter les mérites de leurs sponsors et de leurs produits devant des milliers d'éducateurs. Les géants des technologies ont mis au point des projets qui leur sont destinés, comme les programmes Innovateur certifié de Google for Education, Apple Distinguished Educators et Microsoft Innovative Educator Expert : chaque année, quelques enseignants sont sélectionnés pour aider au développement de nouveaux outils éducatifs, une démarche présentée comme une opportunité de formation pour eux et non comme une opération marketing destinée à vendre de nouveaux produits.
Des enseignants qualifiés d'"entrepreneurs"
L'article du "New York Times" soulève les questions éthiques que suscitent ces relations privilégiées entre enseignants et entreprises des technologies de l'information. Et les réactions cinglantes sur Twitter ne se sont pas fait attendre.
Larry Cuban, professeur émérite d'éducation à Stanford, exprime quant à lui un point de vue modéré sur ce conflit d'intérêt potentiel entre, d'un côté, le grand capitalisme incarné par Google, Apple, Facebook, Amazon ou Microsoft, et de l'autre les enseignants censés agir pour le bien public. Citant des exemples remontant aux années 20, il rappelle que l'enseignement a progressé grâce à des professeurs ouverts à la nouveauté, les qualifiant mêmes d'"entrepreneurs" au même titre que les pionniers de la Silicon Valley. Selon lui, les liens entre enseignants et entreprises ont toujours existé, mais Internet et les réseaux sociaux les ont rendus beaucoup plus visibles.
Par ailleurs, peut-on reprocher aux professeurs de procurer de cette manière à leurs classes des outils technologiques que les fonds publics ne permettraient pas d'acquérir ? D'autant qu'ils doivent souvent payer de leur poche certaines fournitures scolaires : comme le rappelle le site Nibletz, ces dépenses représenteraient 600 dollars par an et par enseignant.
L'article du "New York Times" (en anglais)