Les propositions d'Alain Juppé pour l'enseignement supérieur

Aurore Abdoul-Maninroudine Publié le
Les propositions d'Alain Juppé pour l'enseignement supérieur
Alain Juppé dévoile lundi 19 septembre à l'université de Cergy-Pontoise ses propositions pour l'enseignement supérieur // ©  Fred MARVAUX/REA
Sélection en première année de master, orientation "directive" à l'entrée de l'université, lancement d'un second "plan Campus"... Alain Juppé, candidat à la primaire des Républicains, détaille ses propositions pour l'enseignement supérieur, dans un cahier publié lundi 19 septembre 2016, dont EducPros a eu copie.

J'ai fait de l'éducation la 'mère des réformes' car notre pays ne peut pas continuer à tolérer un taux d'échec aussi élevé à l'école et à l'université. C'est la condition pour réduire le chômage et les profondes inégalités sociales." Dans un document sur l'enseignement supérieur publié lundi 19 septembre 2016, dont EducPros a eu copie, Alain Juppé, grand favori à la primaire des Républicains avec Nicolas Sarkozy, fait de cette thématique "un axe fort de son projet".

Entrée à l'université :  une orientation "plus directive"

Tout au long des 40 pages du cahier "Agir pour l'enseignement supérieur", l'ancien Premier ministre prend position sur les grands sujets d'actualité, à l'exception de la question du voile à l'université, thème cher à Nicolas Sarkozy, mais dont Alain Juppé ne dit pas un mot. Au cours des derniers mois, il a néanmoins assuré à plusieurs reprises son opposition à une interdiction.

La sélection ? Contrairement à l'ancien président de la République, pour qui les universités doivent être libres de sélectionner les étudiants, dès la licence, Alain Juppé estime que "ce n'est pas tant l'absence de sélection qui est source d'échec que l'absence d'orientation".

"La sélection généralisée aboutirait à instaurer un numerus clausus limitant le nombre d'étudiants, ce qui serait en contradiction avec l'objectif d'un nombre plus important de diplômés de l'enseignement supérieur." Néanmoins, complète-t-il, "si on ne peut ni ne doit limiter l'accès à l'enseignement supérieur, il faut le diriger. Il n'est plus possible de maintenir la situation actuelle où trop d'étudiants s'engagent à l'aveugle et sans 
le niveau requis pour suivre la formation qu'ils choisissent."

La sélection généralisée aboutirait à instaurer un numerus clausus, ce qui serait en contradiction avec l'objectif d'un nombre plus important de diplômés du supérieur.

Alors que le système APB fait l'objet de nombreuses critiques, notamment sur son opacité, et que les universités doivent faire face à l'augmentation des effectifs (+ 40.000 étudiants en 2016), le candidat aux primaires des Républicains veut mettre en place une orientation "plus directive" : le lycéen n'aurait pas accès "à n'importe quelle filière à l'université mais se verrait proposer une formation adaptée à ses compétences et à ses goûts." Alain Juppé préconise notamment de "rendre plus systématique l'orientation des bacheliers technologiques en IUT", une mesure qui s'inscrit dans la continuité des quotas créés par la loi Fioraso, mis en œuvre depuis la rentrée 2016.

Concrètement, l'orientation s'appuierait sur "une analyse des profils des élèves", via "un entretien d'orientation personnalisé (...). Si à l'issue de cet entretien, l'élève ne reçoit aucune réponse positive à ses vœux, trois propositions lui seront faites au niveau académique, avec obligation de retenir l'une d'entre elles."

Ce système s'appuierait également sur "un outil numérique puissant, permettant de mieux diagnostiquer les compétences des élèves et leurs chances de suivre certaines filières avec succès."

Dernière proposition sur l'orientation, la création, "pour les bacheliers qui n'ont pas les bases académiques suffisantes, de filières de mise à niveau ou de propédeutique, dites filières de réussite." Le choix d'orienter ces élèves dans ces filières serait laissé aux universités.

Pour une sélection à l'entrée du master

"Au niveau du master, alors que les étudiants sont déjà diplômés, il semble en revanche très souhaitable d'instaurer une sélection." Alain Juppé reprend là une position classique chez les hommes politiques de droite, comme en témoignent la proposition de loi déposée la semaine dernière par le sénateur Jean-Léonce Dupont (UDI, Calvados), ainsi que les propos de Nicolas Sarkozy sur le sujet.

Depuis que le Conseil d'État a déclaré illégale la sélection à l'entrée du M2, le sujet cristallise toutes les tensions et des négociations sont en cours. Le gouvernement espère encore mettre en place une réforme à la rentrée 2017, qui concilierait "le droit" des étudiants à poursuivre leurs études en master"et la liberté des universités de "recruter".

Des droits d'inscription libres, sauf en licence

Cette impossibilité de sélectionner en licence ou M1 atteste, pour Alain Juppé, d'une autonomie restée "incomplète" malgré la LRU (Loi relative aux libertés et responsabilités des universités), mise en œuvre pendant le quinquennat Sarkozy. "L'État intervient encore beaucoup trop dans la gestion des universités (...). Il a gardé en grande partie la main sur la gestion des ressources humaines (plafond d'emploi, modalités de recrutement)", regrette le candidat à la primaire Les Républicains.

Il identifie en particulier "la question du financement des universités comme au cœur de celle de l'autonomie". Pour lui, les universités "souffrent d'abord d'un manque de financement privé : alors que la France consacre 1,5 % de son PIB à l'enseignement supérieur, 1,4 % sont des dépenses publiques. Par comparaison, les États-Unis consacrent 2,7 % de leur PIB à l'enseignement supérieur mais seulement 1,4 % sont publics".

Les universités souffrent d'abord d'un manque de financement privé.

Malgré ce constat, le candidat ne souhaite toutefois pas laisser les universités libres de fixer les droits d'inscription en premier cycle "pour ne pas peser sur les classes moyennes". En revanche, il propose "d'autoriser les universités à fixer ces droits, à l'intérieur d'une fourchette, dans leurs formations sélectives, telles que les masters, doctorats ou école d'ingénieurs."

Quant aux sources de financement pouvant alimenter les universités, il en cite deux : "la formation professionnelle et la recherche partenariale."

LAISSER DAVANTAGE D'AUTONOMIE aux UNIVERSITÉS

S'agissant de la structuration de l'enseignement supérieur, Alain Juppé se montre critique envers la loi de 2007 : "Alors que la loi LRU visait la création de quelques pôles d'excellence de niveau mondial, la France n'a pas réussi à créer des regroupements cohérents et de très haut niveau. Elle a parfois constitué des regroupements de grande taille, accueillant jusqu'à 150.000 étudiants, mais rarement réussi à en faire des pôles à forte visibilité internationale en termes de recherche et de formation."

La France n'a pas réussi à créer des regroupements cohérents de haut niveau.

Mais, in fine, loin de prôner une nouvelle loi sur l'autonomie à l'instar de Nicolas Sarkozy, Alain Juppé considère qu'il serait "sage de mettre un terme aux grandes réformes institutionnelles, qui mobilisent à l’excès le temps des responsables universitaires". Plus qu'une nouvelle loi, "la priorité, selon lui, doit être donnée à l'approfondissement de l'autonomie sur la base de l'expérimentation."

Un second plan "campus"

Enfin, Alain Juppé veut lancer "un 'plan Campus', destiné aux sites qui n'ont pas bénéficié de la première vague de rénovation" et incluant un volet consacré au "design numérique". "Dans certaines salles, les conditions de réception et de changement des appareils multimédias ne sont pas remplies : les enseignants sont contraints de faire cours de façon traditionnelle ou en apportant leur propre matériel et les étudiants ne peuvent pas utiliser leurs ordinateurs."

Un nouveau PIA 3 permettrait de financer le plan campus et les propositions sur le numérique, assure l'équipe de campagne d'Alain Juppé, donnant là le seul élément budgétaire du programme du candidat.

Aurore Abdoul-Maninroudine | Publié le