Enseignement supérieur : quel est le coût de la réussite en premier cycle ?

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Enseignement supérieur : quel est le coût de la réussite en premier cycle ?
"Le modèle de la licence, qui conjugue un accès de droit pour tous les bacheliers et une faible dépense par étudiant, présente ainsi une efficacité globale plutôt moyenne", selon Aurélien Lamy. // ©  UPEC / Nicolas Darphin
Sur le site de "The Conversation France", Aurélien Lamy, maître de conférences en sciences de gestion à l’université de Caen-Normandie, analyse les dépenses par étudiant selon les filières de formation, en les mettant en rapport avec la réussite des étudiants en premier cycle.

Les moyens consacrés à l’enseignement supérieur sont souvent résumés en un chiffre, celui de la dépense moyenne d’éducation par étudiant. Pour 2014 par exemple, elle s’élève à 11.834 euros. Ce chiffre ne dit rien, cependant, des différences de dépense selon les filières de formation.

Loin d’être uniforme, la dépense par étudiant varie ainsi de 10.576 euros pour un étudiant à l’université à 15.052 euros pour un étudiant de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) : si cette dépense différenciée entre les formations pose la question des inégalités de traitement entre les étudiants, elle soulève également celle de son efficacité.

La réussite, mesure de la performance des formations

Une formation de premier cycle contribue à la réalisation de plusieurs objectifs simultanément (acquisition de connaissances, certification de compétences, formation du citoyen, etc.). Néanmoins, son objectif premier est bien la réussite des étudiants, qui doit garantir l’atteinte des autres objectifs de la formation.

Dans le cas des diplômes (licence, DUT et BTS), la réussite peut facilement être mesurée par le taux d’obtention du diplôme. Le nombre d’inscriptions étant normalement limité à trois années en DUT et en BTS, et à cinq années en licence, nous avons pris en compte le taux d’obtention du diplôme en deux ou trois ans pour le DUT et le BTS, et en trois, quatre ou cinq ans pour la licence.

La réussite en CPGE, en revanche, ne peut être mesurée par le taux de réussite au diplôme : d’abord parce qu’aucun diplôme n’est délivré à la fin de la formation, ensuite parce que, comme leur nom l’indique, elles ont pour objectif de préparer les étudiants à intégrer les grandes écoles et les écoles d’ingénieurs.

Quelle que soit la formation de premier cycle, les taux de réussite retenus n’intègrent pas les réorientations, bien qu'elles débouchent pourtant sur une réussite de l’étudiant.

Dès lors, la réussite peut être mesurée par le taux d’intégration dans les écoles de niveau bac + 5 après deux ou trois ans, puisque comme pour le DUT ou le BTS, le nombre d’inscriptions est normalement limité à trois années. […]

Quelle que soit la formation de premier cycle, les taux de réussite retenus n’intègrent pas les réorientations, bien que, dans de nombreux cas, elles débouchent pourtant sur une réussite de l’étudiant. En effet, pour les formations quittées, il s’agit bien d’un échec, puisque leur objectif premier n’est pas atteint, et que rien n’indique qu’une intégration directe dans la nouvelle formation n’aurait pas permis à l’étudiant d’atteindre le même résultat.

Sur la base du suivi de cohorte des nouveaux inscrits en 2008 (dernier disponible), nous avons obtenu les taux de réussite suivants :

Le coût de la réussite

L’évolution de la dépense moyenne par étudiant confirme l’existence, depuis de nombreuses années, d’une différence notable de coût entre les différentes formations. Si la dépense par étudiant en BTS ou en CPGE est directement exploitable, la dépense par étudiant à l’université est en revanche plus problématique, car elle agrège des étudiants inscrits dans différentes formations. En particulier, depuis l’entrée en vigueur de la LOLF en 2006, il n’est plus possible de repérer les dépenses des IUT, désormais intégrées à celles des universités.

Puisque la dépense par étudiant en IUT est supérieure d’environ 20 % à la dépense par étudiant à l’université, nous avons pu, en prenant en compte la part des effectifs inscrits en DUT, distinguer la dépense par étudiant en DUT de la dépense par étudiant dans les autres formations universitaires. En revanche, faute d’information sur la répartition de la dépense entre les différentes formations universitaires (notamment entre licence et master), nous avons conservé ce dernier chiffre comme estimation de la dépense par étudiant en licence.

Par ailleurs, nous avons retenu dans nos calculs la dépense moyenne par étudiant en 2014. En effet, cette année est à la fois la dernière pour laquelle les informations sont disponibles et celle de la mise en œuvre d’un changement dans le mode de calcul réalisé pour permettre une meilleure évaluation de la dépense à l’université.

La dépense par étudiant à l’université est en revanche plus problématique : elle agrège des étudiants inscrits dans différentes formations.

Afin d’évaluer le coût de la réussite, nous avons calculé la dépense moyenne par année réussie, c’est-à-dire le rapport de la dépense totale réalisée pour l’ensemble des étudiants ayant intégré en même temps la première année de la formation, sur le nombre total d’années réussies dans la formation (nombre d’années validées ayant conduit à l’obtention du diplôme ou à l’intégration d’une école de niveau bac + 5).

Calculer la dépense totale réalisée pour l’ensemble d’une cohorte nécessiterait de pouvoir retracer précisément, année après année, le parcours réalisé dans la formation. Le détail du parcours des nouveaux entrants n’étant pas disponible pour une même cohorte et pour chacune des formations de premier cycle, nous avons utilisé les taux de réussite en faisant l’hypothèse que les étudiants n’ayant pas réussi ont quitté la formation au bout d’une année.

Cette méthode conduit à minorer légèrement la dépense totale (en particulier pour la licence où certains étudiants sont inscrits de nombreuses années sans jamais parvenir à valider leur diplôme), mais elle donne néanmoins une approximation satisfaisante de la dépense totale.

En reprenant l’ensemble des résultats précédents, nous avons obtenu les niveaux de dépense par diplôme suivants :

L’efficacité de la dépense d’éducation

La principale évolution entre la dépense par étudiant et la dépense par année réussie concerne la licence. En effet, si elle présente une dépense plus faible que les autres formations de premier cycle, la licence affiche aussi un taux de réussite bien plus faible avec 47 % au bout de cinq ans.

La dépense par année réussie s’élève ainsi à 16.332 euros, un montant 57 % plus élevé que celui de la dépense par étudiant. Le modèle de la licence, qui conjugue un accès de droit pour tous les bacheliers (non remis en cause par la loi ORE) et une faible dépense par étudiant, présente ainsi une efficacité globale plutôt moyenne.

Les trois autres formations de 1er cycle (DUT, BTS et CPGE) fonctionnent sur un modèle différent de celui de la licence, puisque les étudiants sont sélectionnés à l’entrée et bénéficient d’une dépense par étudiant plus importante. Ce modèle conduit à une réussite nettement plus importante, avec des taux compris entre 69 % et 81 % au bout de trois ans. La dépense par année réussie est ainsi seulement 19 % à 33 % plus élevée que la dépense par étudiant correspondante.

Le modèle de la licence, qui conjugue un accès de droit pour tous les bacheliers et une faible dépense par étudiant, présente ainsi une efficacité globale plutôt moyenne.

Si elle ne bouleverse pas le classement de ces trois formations, la prise en compte de la réussite tend cependant à augmenter les écarts :
- Avec une dépense par étudiant relativement limitée et le taux de réussite le plus élevé, le DUT affiche une dépense par année réussie de 14.893 euros, plus faible que dans les autres formations de premier cycle, et donc signe d’une efficacité plus forte.
- Le BTS affiche une dépense par année réussie de 17.583 euros, légèrement supérieure à celle de la licence, signe d’une efficacité plutôt moyenne.
Finalement, avec une dépense par étudiant plus élevée et un taux de réussite compris entre celui du BTS et celui du DUT, les CPGE affichent une dépense par année réussie de 20.016 euros, nettement supérieure à celle des autres formations de premier cycle, signe d’une plus faible efficacité. […]

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