Les "attendus" vont guider l'entrée à l'université

Laura Taillandier Publié le
Les "attendus" vont guider l'entrée à l'université
Jean-Michel Blanquer, Édouard Philippe et Frédérique Vidal présentent le plan étudiants, lundi 30 octobre 2017. // ©  Nicolas TAVERNIER/ REA
En optant pour la voie du "oui, si", le gouvernement se défend d'instaurer une sélection à l'entrée à l'université. Lors de la présentation du Plan étudiants, lundi 30 octobre 2017, il s'est engagé à ce que chaque étudiant ait a minima une place dans une formation "proche de son choix" ou une entrée différée via une remise à niveau. Le tout avec la mise en place d'attendus pour chaque licence. Pour mener à bien la réforme, une enveloppe de 500 millions d'euros a été budgétée.

Oui à l'entrée à l'université, si... Le Premier ministre, Édouard Philippe, a présenté la philosophie de la réforme du premier cycle, lundi 30 octobre 2017, aux côtés des ministres de l'Enseignement supérieur et de l'Éducation nationale. Le gouvernement se veut formel : "Le droit d'accès à l'enseignement supérieur reste bien garanti." "Je n'ai pas et je n'ai jamais eu peur du mot sélection, mais ce n'est pas ce que nous proposons", argumente Édouard Philippe. "Entre la sélection brutale et le tirage au sort, il existe une palette de solutions plus souples et plus humaines. L'objet n'est pas que l'université dise 'non'. Dans la plupart des cas, elle dira 'oui' et, dans certains cas, elle dira 'oui, si'", décrypte-t-il. Un "si" conditionné à l'acceptation d'un parcours adapté au bachelier et qui lui "permet de réussir dans la filière qu'il a choisie".

Des attendus fixés pour chaque licence

À la ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, de surenchérir : "Je veux être très claire : demain, ce sont toujours les bacheliers qui choisiront la filière de licence dans laquelle ils veulent poursuivre leurs études et, dès qu'il y aura de la place, nul ne pourra leur refuser l'entrée au motif qu'ils n'ont pas encore les compétences attendues." En revanche, ils devront accepter "les voies pédagogiques" qui leur seront proposées par l'université qu'ils souhaitent intégrer.

Pour intégrer une formation, plus question de prérequis, mais "d'attendus". Cet ensemble de "connaissances fondamentales et de compétences" nécessaires aux étudiants sera défini nationalement, mais les établissements pourront également apporter des précisions, en fonction des spécificités de leur formation. Ils prendront en compte les bulletins trimestriels de la première et de la terminale, les résultats aux épreuves anticipées du baccalauréat mais aussi la motivation au travers d'une lettre de motivation ou encore l'engagement associatif... C'est sur la base de ces attendus et de l'avis du conseil de classe du troisième trimestre de terminale que les universités se prononceront sur les candidatures qu'elles auront reçues.

Une "petite révolution" du côté des universités, relève Frédérique Vidal. Mais qui tempère : "Dans les universités, il existe déjà des commissions pédagogiques qui examinent des milliers de dossiers dans les filières sélectives. Chaque université propose plusieurs dizaines de parcours et de mentions. Il faut répartir ce nombre de dossiers qui peut impressionner..."

Dernier mot à l'université ou à l'étudiant ?

Concrètement, le conseil de classe du second trimestre examinera les vœux des élèves – moins de dix – et son avis sera transmis aux établissements d'enseignement supérieur via une "fiche" pédagogique baptisée "avenir". Pour se déterminer, les lycéens auront connaissance du nombre de places disponibles pour chaque filière, ainsi que du nombre de candidatures reçues l'an passé et, surtout, des fameux attendus pour chaque formation.

S'ouvrent alors plusieurs cas de figure. Les formations sélectives (CPGE, BTS...)  conservent leur capacité à refuser des étudiants. Mais désormais, les formations non sélectives pourront également conditionner l'accès d'un bachelier sous réserve qu'il suive un parcours pédagogique. C'est le fameux "oui, si" instauré par le gouvernement. L'arbitrage a donc été donné : les dispositifs de remédiation, qui pourront aller jusqu'à une licence en quatre ans, seront bien obligatoires mais donneront lieu à une valorisation sous forme de crédits ECTS.

Troisième cas de figure, lorsque les capacités d'accueil de la formation sont inférieures aux demandes des lycéens, les universités pourront bien sélectionner leurs candidats. La priorité sera alors donnée "à ceux dont le parcours, la motivation et le projet sont les plus cohérents avec la formation choisie". C'est sur cette solution que le gouvernement mise pour mettre fin au tirage au sort dans les filières en tension. Une mesure accompagnée de la création de 130.000 places, principalement dans ces formations, sur le quinquennat.

Entre la sélection brutale et le tirage au sort, il existe une palette de solutions plus souples et plus humaines.
(E. Philippe)

Le recteur, "pivot" de la réforme

Le ministère de l'Enseignement supérieur insiste sur le rôle du recteur, vu "comme le pivot de la nouvelle procédure d'entrée". Il présidera une commission d'accès à l'enseignement supérieur, qui aura la charge d'identifier une formation pour les bacheliers qui n'auraient pas obtenu de réponse positive. "Une proposition alternative sera faite à tous les candidats dès les résultats du bac lorsqu'ils auront eu un 'non' à toutes leurs demandes", indique Frédérique Vidal. 

Cette commission fixera également des quotas pour chaque formation de boursiers et de bacheliers scolarisés dans une autre académie que celle de l'établissement.

Prendre le "virage de la personnalisation"

Avec cette réforme, le gouvernement entend aussi "prendre le virage de la personnalisation et de l'accompagnement". Ces nouvelles modalités d'accès s'inscrivent dans une réorganisation de la licence, voulue plus modulaire, avec la mise en place du contrat de réussite pédagogique dès la rentrée 2018 : instauration de remise à niveau sur un semestre, de cursus pluridisciplinaires, hybrides (avec des cours à distance), voire accélérés pour les étudiants souhaitant tenter la licence en deux ans.

Un directeur d'études sera désigné dans chaque établissement et par champ disciplinaire pour assurer le suivi de ce contrat. "Il ne s'agit en aucun cas de remettre en cause les diplômes nationaux de licence. La notion de spécialisation progressive est déjà inscrite dans le droit, mais force est de constater qu'il s'agissait d'un droit encore théorique, souligne la ministre. Aucun des choix n'enfermera les étudiants dans un cursus. Toutes les propositions permettront d'obtenir des crédits ECTS."

500 millions d'euros sur cinq ans

Pour prendre ce virage, le gouvernement met sur la table 500 millions d'euros supplémentaires sur le quinquennat. Un amendement au PLF 2018 devrait être prochainement déposé pour acter une première partie de cette enveloppe. Au total, le gouvernement mise donc sur un budget d'un milliard d'euros sur cinq ans, en y ajoutant les 450 millions d'euros prévus dans le grand plan d'investissement. Outre la création de places, cette somme servira à recruter des enseignants-chercheurs mais aussi à reconnaître leur investissement sur la formation dans leur carrière. 

Prochains actes de la réforme : un avant-projet de loi présenté en Conseil des ministres le 22 novembre  2017, et avant cela devant le CSE (Conseil supérieur de l'éducation) le 9 novembre, ainsi que devant le Cneser (Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche) le 13 novembre.

Vie étudiante : des changements dès la rentrée 2018
Le quatrième et dernier volet du Plan étudiants concerne la santé, le logement et le pouvoir d’achat des étudiants. Le rattachement au régime général de la Sécurité sociale est la mesure phare de cet axe de réforme. Il va entraîner la suppression, à la rentrée 2018, du régime de Sécurité sociale étudiante. Parmi les autres transformations, citons le paiement à date fixe des bourses sur critères sociaux, la création de 60.000 logements d’ici à 2022, ainsi que la création d’un "Observatoire national du logement étudiant".

Laura Taillandier | Publié le