Entrée à l’université : derrière l'option des prérequis, trois scénarii

Laura Taillandier Publié le
Entrée à l’université : derrière l'option des prérequis, trois scénarii
Frédérique Vidal, la ministre de l'Enseignement supérieur, préside la clôture de la concertation sur le contrat de réussite étudiant, jeudi 19 octobre 2017 // ©  Ministère de l'Enseignement supérieur
Sans trancher sur la mise en place de prérequis à l'entrée de l'université, le rapport de la concertation, rendu public jeudi 19 octobre 2017, esquisse plusieurs pistes de réforme. Des propositions sur lesquelles le ministère de l'Enseignement supérieur pourra s'appuyer pour mener les dernières négociations avant les annonces prévues d'ici à début novembre.

Je ne suis pas le chargé de projet de la réforme", déclare d'emblée Daniel Filâtre, le rapporteur de la concertation sur le contrat de réussite étudiant, jeudi 19 octobre 2017. En clair : le recteur de Versailles ne prend pas position dans son rapport remis à la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation. Il y recense les pistes d'évolution mises en exergue dans les synthèses des différents groupes de travail. Sur la délicate question des prérequis, cette ligne ne fait pas exception. 

"Prendre en compte le profil de l'élève"

Le rapport propose sobrement de "prendre en compte le profil de l'élève avant son entrée dans l'enseignement supérieur". "Tous les groupes sont obligés d'admettre qu'il y a une corrélation entre la réussite de l'élève dans le premier cycle et son profil qui ne peut se résumer à 'a-t-il eu son bac avec mention ?' Mais plutôt un faisceau d'éléments qui constituent son parcours du secondaire et son projet", souligne Daniel Filâtre.

Outre une option qui prône le statu quo, trois scénarios sont sur la table "et je n'ai pas de préférence pour telle ou telle option", insiste Daniel Filâtre. Les deux premiers prennent en compte le profil de l'étudiant. Soit un avis est donné et ces recommandations relèvent simplement d'une indication. Soit cet avis a une nature prescriptive, "mais pas au sens d'interdit. Le jeune peut entrer dans la licence, et un parcours individuel est défini par l'université", précise le recteur de Versailles. Le dernier consiste en un accès sélectif comme c'est déjà le cas dans les autres formations du supérieur. 

Vers une "prescription pédagogique" ?

"Il n'y a pas d'accord des participants", rappelle Daniel Filâtre. "Certaines organisations s'en tiennent au statu quo mais dans la discussion elles relèvent que s'il fallait prendre en compte un cursus, elles seraient en faveur d'une prescription pédagogique." Ce qui signifie que le profil de l'étudiant serait examiné en prenant en compte "son parcours scolaire, sa motivation, son projet" et le cas échéant, il lui serait "offert pendant le premier semestre, voire pendant les deux premiers semestres, des modules d'étapes de rattrapage de mise à niveau". Une sorte de "modèle d'adaptation du parcours d'entrée", résume le recteur.

Qui ferait ces prescriptions pédagogiques ? "Plutôt les établissements d'enseignement supérieur." Seraient-elles locales ou nationales ?"Il y a une demande que la codification et les référencements soient bien d'ordre national", répond encore Daniel Filâtre. Se dessine ainsi un "contrat pédagogique de réussite" : "On n’est pas chez le notaire. Il s'agirait d'un engagement entre l'étudiant et l'équipe pédagogique", pointe-t-il.

Ce rapport est une belle surprise. On craignait de l'eau tiède mais, finalement, il s'en dégage un vrai souffle.
(F. Germinet)

Un avis du conseil de classe renforcé

Autre question soulevée par ces divers synopsis : qui donne son avis sur l'entrée dans le supérieur ? Selon ce rapport, la "grande majorité" des acteurs souhaitent un "engagement des conseils de classe à prononcer un avis sur le projet d’orientation de chaque élève". Là encore, plusieurs voies se dessinent : soit ce positionnement aboutit à une information à l’intention du jeune lycéen, soit il s'agit d'un avis officiel transmis à l’établissement d’enseignement supérieur auprès duquel le jeune lycéen a postulé.

"Dans ce second cas, l’avis est pris en compte pour son admission. Cette seconde situation est actuellement généralisée pour l’accès à certaines filières sélectives, de manière obligatoire pour les CPGE et les STS et de manière optionnelle pour les IUT et certaines écoles supérieures ou prépa intégrées. Elle pourrait être étendue à toute orientation vers l’enseignement supérieur, quelle que soit la filière."

Le rapport propose également de développer la procédure des vœux groupés testée dans certaines filières en Île-de-France, à savoir "la formulation d’un vœu vers une filière de formation avant celui exprimé vers un établissement." 

Des acteurs partagés et en attente des annonces

S'ouvre désormais autour de ce rapport une nouvelle phase de négociation bilatérale entre le ministère et les différentes organisations avant les annonces attendues ces deux prochaines semaines. Les organisations de la FSU préviennent : "La notion même de 'contrat de réussite' les choque". "Faire réussir les élèves et les étudiants les mener au diplôme, est notre mission de service public. Elle n'a pas à être contractualisée, ni avec les élèves ni avec les étudiants", soulignent quatre syndicats dans un communiqué commun.

En revanche, pour Stéphane Leymarie, le secrétaire général de Sup recherche, ce rapport est "une bonne base de travail". "Même s'il ne présume pas des arbitrages de la ministre, il va assez loin dans ses propositions sur le conseil de classe et laisse entendre qu'il faut prendre en compte le profil de l'élève."  Même constat pour François Germinet, le président de la commission formation et insertion professionnelle de la Conférence des présidents d'université : "Ce rapport est une belle surprise. On craignait de l'eau tiède mais, finalement, il s'en dégage un vrai souffle. Le rapporteur a su prendre le pouls." Notamment en ce qui concerne la prise en compte du profil de l'étudiant, relève le représentant de la CPU qui plaide pour l'instauration de prérequis.

Cette dernière impression est partagée par la présidente de l'Unef, Lilâ Le Bas, qui se dit "très inquiète". "Pour nous, seule la première option est acceptable et, dans le cas contraire, nous appellerons les étudiants à se faire entendre", prévient-elle. Le Sgen-CFDT et la Fage voient dans ce rapport une sortie de l'idée de la "sélection sèche". "Nous ne sommes plus sur la logique que face au manque de places, il faut sélectionner", observe Jimmy Losfeld, le président de l'organisation étudiante. 

"La question est maintenant de savoir si le dispositif d'accompagnement des bacheliers en difficulté est obligatoire ou non ?" relève Franck Loureiro, secrétaire général du Sgen-CFDT. "Et de ce qu'on fait pour la rentrée 2018. Le calendrier est trop court pour mettre en place tous ces changements pédagogiques. Il faudra dans un premier temps augmenter les capacités d'accueil dans les filières en tension", observe-t-il. La question du budget est de nouveau sur la table, alors que s'ouvre l'examen du PLF 2018

Le plan de vie étudiante se dessine 
Le rapport détaille aussi des propositions pour améliorer les conditions de vie étudiante et laisse entrevoir à quoi pourrait ressembler le nouveau plan étudiant prévu pour la rentrée 2018. La première proposition porte sur la globalisation des aides existantes. "La mise en œuvre de cette réforme n’est pas aisée, techniquement, budgétairement et réglementairement, puisqu’il faudrait rapprocher les aides au logement (APL) et les bourses sur critères sociaux (BCS)." Le rapport préconise une mission interministérielle portée par le ministère de l’enseignement supérieur sur ce sujet. Autres propositions : accompagner le plan de construction de logements par la création d'un observatoire du logement étudiant, le renforcement de la complémentarité entre l'accès aux soins et la prévention et l'amélioration de l'accès aux activités culturelles et sportives. 

Certaines mesures de ce plan sont déjà dans le viseur de l'Unef qui s'inquiète de propositions "pas acceptables" comme la fusion des APL et des bourses.

Laura Taillandier | Publié le