"Rien n'est acté, mais nous réfléchissons à des synergies entre Novancia et l'ESCP Europe." La phrase, lâchée par le président de la CCI Paris-Île-de-France, Jean-Paul Vermès, au détour d'une interview à EducPros le 18 mai, a mis le feu aux poudres, rallumant chez une partie des alumni et des étudiants de l'ESCP Europe la crainte d'une dévaluation de leur diplôme.
L'idée d'un rapprochement entre les deux écoles de commerce n'est pas nouvelle. En 2008 déjà, la chambre imaginait réunir Négocia, Advancia et l'ESCP Europe au sein d'une "université européenne du management", avant de jeter l'éponge, devant l'hostilité des anciens de la business school européenne.
En 2014, le spectre d'un rapprochement avec Novancia – née entre-temps du mariage d'Advancia et de Négocia – avait été de nouveau invoqué par certains pour justifier le départ d'Édouard Husson de la direction générale de l'ESCP Europe, ranimant les vieilles angoisses.
ÉTUDIANTS ET ANCIENS TRÈS CRITIQUES
Le tout alors que l'ESCP Europe doit passer au statut d'EESC (Établissement d'enseignement supérieur consulaire) début 2017. Amenés à rentrer dans la gouvernance de l'école à cette occasion, au côté de la fondation, les anciens de l'école ont également fait entendre leurs doutes, par la voix de leur président, Arnaud Nourry. Contacté par EducPros, celui-ci n'a pas souhaité s'exprimer.
Dans un communiqué diffusé le 26 mai sur le site d'ESCP Europe Alumni, le P-DG d'Hachette Livres s'émeut que, "malgré [s]es demandes répétées", l'association n'ait "pas été conviée à participer aux réflexions et négociations", sur ce "projet majeur [...] susceptible d'avoir des conséquences importantes sur ESCP Europe, la valeur de sa marque, son image et ses finances", "les quelques éléments (...) fournis [n'étant] en rien rassurants".
Il demande par conséquent à ce que le projet soit différé et examiné par la nouvelle équipe qui sortira des élections consulaires de novembre 2016.
VERDICT LE 7 JUILLET
Malgré les débats, le groupe de travail, constitué par les directions des deux écoles et de la CCIP, planche toujours sur les conditions du rapprochement entre Novancia et l'ESCP Europe, et doit rendre sa copie à la fin du mois de juin à Jean-Paul Vermès.
Ce dernier attend donc la conclusion de ces travaux : "Quand nous serons un peu plus avancés, nous contacterons la fondation et les associations d'anciens. Il nous faut étudier les impacts financiers, pédagogiques, de marque... Cela ne sert à rien de parler dans le vide".
La piste qui sera choisie fera forcément place à l'intérêt supérieur de la CCI.
(J.-P. Vermès)
Mais le président de la CCIP reste ferme : "Je redis à tous ceux qui s'expriment que le projet n'est pas ficelé. Aujourd'hui, on peut parler d'absorption, de fusion, de synergies... Toutes les pistes sont ouvertes. Celle qui sera choisie fera forcément place à l'intérêt supérieur de la CCI, qui compte une école remarquable, Novancia, et une pépite, l'ESCP Europe."
Et refuse de transiger sur le calendrier. Les conclusions du groupe de travail seront soumises au vote de l'assemblée générale de la chambre, le 7 juillet prochain. C'est elle qui statuera. "Une décision tardive, c'est une année de perdue, et la Chambre ne peut pas se le permettre. La décision qui sera prise ne sera pas remise en cause par le changement de présidence début 2017. Nous ne sommes pas une institution politique, nous travaillons dans la continuité."
VERS UNE FUSION DES BACHELORS ?
L'un des scénarios envisagés pourrait consister à s'appuyer sur le Bachelor de Novancia, moyennant des aménagements, pour implanter à Paris le Bachelor lancé par l'ESCP Europe à la rentrée 2015 sur ses campus européens. Au passage, la business school européenne pourrait profiter des 18.000 m2 ultramodernes de Novancia à Montparnasse pour y développer notamment ses activités de formation continue.
Malgré un Bachelor reconnu et de bonnes performances en matière d'apprentissage, Novancia peine à faire le plein. En cause ? "Un marché hyper concurrentiel sur lequel elle n'a pas su s'imposer en allant chercher les accréditations internationales indispensables aujourd'hui pour figurer dans le top 10", analyse un bon connaisseur de l'école.
La marque ESCP Europe n'a pas vocation à être accolée à une autre.
(F. Bournois, ESCP Europe)
Des difficultés de recrutement que reconnaît sans détour sa directrice générale, Anne Stéfanini. "Même s'il continue de peser 800 élèves, notre Bachelor, fortement concurrencé par l'arrivée sur le marché parisien de nombreux Bachelors et BBA, est en deçà de ses objectifs de remplissage. Alors que, dans le même temps, l'ESCP Europe a notamment besoin de locaux pour développer son Bachelor, il est pertinent d'envisager des synergies."
"Il faut évidemment écouter toutes les parties prenantes et bâtir un projet qui accélère notre développement stratégique", plaide avec prudence Frank Bournois. Le directeur général de l'ESCP Europe a posé plusieurs conditions : "il n'y aura jamais de fusion au sens strict du terme, la marque ESCP Europe n'ayant pas vocation à être accolée à une autre, et, s'il s'agissait d'intégrer des enseignants-chercheurs de Novancia, nous recruterions ceux répondant aux standards de nos accréditations internationales."
QUEL AVENIR POUR NOVANCIA ?
Dans ces conditions, que deviendraient les programmes et les personnels de Novancia qui n'auraient pas vocation à rejoindre l'ESCP Europe ? Faut-il imaginer la fermeture pure et simple de l'école ? À moins que certaines formations à dimension commerciale ne continuent d'exister sous cette marque ?
Quel que soit le scénario retenu, les suppressions de postes ne sont pas au programme. "La chambre a déjà perdu un quart de sa masse salariale, ça suffit", confirme un bon connaisseur du dossier.
Quant aux étudiants de Novancia, que l'on a peu entendus jusqu'ici, "ils seront tous conduits au terme de leur programme et diplômés de l'école", assure Anne Stéfanini. Et d'affirmer, sur un ton qui se veut rassurant : "La rentrée 2016 se fera de manière tout à fait normale sur l'ensemble de nos programmes." Même si, en pleine campagne de recrutement, ce type d'annonces fait désordre...
