Etude AFEV sur les jeunes et la politique : entre méfiance et fortes attentes

Mathieu Oui Publié le
Un peu plus d'un mois avant les élections municipales, une étude de l’AFEV (Association de la Fondation étudiante pour la Ville) sur la perception de la politique par la jeunesse française confirme la méfiance des 15-30 ans vis-à-vis des formes traditionnelles de participation. En matière de propositions, l’amélioration des modalités de vote importe moins que les actions citoyennes ou solidaires.

Un désavoeu de la politique traditionnelle mais une forte demande d’engagement : c’est l’enseignement de l’étude menée par l’AFEV sur la perception de la politique par la jeunesse française. Dans la hiérarchie de leurs préoccupations, la politique apparaît loin, en huitième et avant-dernière position : seulement 55% d’entre eux la considèrent comme une chose importante contre 99% pour la santé et 97% pour la famille ou le travail. Ils sont par ailleurs 29% à déclarer ne se retrouver dans aucune tendance politique, une proportion qui monte à 38% chez les 25-30 ans.

Sans surprise, ils ne sont que 7% à s’investir dans un parti et 5% dans un syndicat. En revanche, ils sont 75% à avoir déjà voté, un acte considéré comme politique par 92% d’entre eux. "Cette étude confirme un retrait par rapport à la politique institutionnelle, mais aussi une demande de vrais outils pour s’engager davantage", estime Céline Braconnier, professeure en sciences politiques à l’université de Cergy-Pontoise.

Seulement 55 % des jeunes considèrent la politique comme une chose importante

Des demandes d’engagements concrets

C’est en matière de propositions pour améliorer la vie démocratique que les résultats de cette enquête sont en effet les plus inattendus. Parmi les idées les mieux accueillies : la participation à un conseil d’enfants et de jeunes dans la ville (84% d'avis favorables), la possibilité d’agir au sein d’associations (80%), l'explication de la vie politique à l’école (78%) et la simplification des démarches administratives pour voter (75%). "Cela reflète une demande d’extension du politique au-delà du système traditionnel qui les déçoit et par le biais d’engagements concrets et locaux", analyse de son côté Cécile Van de Velde, maître de conférences en sociologie à l’EHESS.

Un rapport critique aux médias

Les jeunes sont par ailleurs 63% à déclarer suivre l’information politique régulièrement à la télévision, contre 36% sur Internet et 33% par le biais des réseaux sociaux. "C’est une génération de plus en plus diplômée avec un esprit critique très développé notamment par rapport aux médias, prolonge Cécile Van De Velde. Les réseaux sociaux véhiculent des normes d’égalité et de distance vis-à-vis des médias traditionnels. Ils sont très avides d’information choisie, élective."

En particulier, ils aimeraient mieux être informés sur les possibilités de rejoindre un parti ou un syndicat.

De l’importance de l’éducation

Concernant le fait d'aller voter, l’effet du diplôme est important. C’est ainsi qu’on constate un écart de 18 points entre les diplômés de niveau supérieur au bac (80% de vote) et les non-bacheliers (62% de vote).

Selon Céline Braconnier, l’étude met en valeur les attentes à l'égard de l’école en matière de citoyenneté et de socialisation politique. "Si l’école n’intervient pas dans ce domaine, la socialisation repose uniquement sur les familles avec le problème de reproduire les inégalités sociales. Les études sociologiques montrent que la politique est l’affaire des hommes et que dans les familles, le vote féminin est entraîné par les garçons. Cela pose le problème des familles monoparentales où ce rôle d’entraînement ne joue plus."

On constate une demande très forte d’exister autrement que par le chemin imposé des études (C.Van de Velde)

Valoriser l’engagement

Plus largement, le manque de discours de l’école sur l’engagement est jugé problématique. "En dehors des seules élections de délégués de classe, il n’y a aucun dispositif pour valoriser le bénévolat ou l’engagement à l’école", dénonce Céline Braconnier. "La demande de reconnaissance alternative bute sur un système français très lié au diplôme et à la formation, renchérit Cécile Van de Velde. On constate une demande très forte d’exister autrement que par le chemin imposé des études : il faut déverrouiller le poids du diplôme et valoriser les expériences alternatives."

La proposition de rendre obligatoire le service civique recueille, par exemple, 66% d’opinion favorable. Mais sur la valorisation de l’engagement, comme sur l’éducation politique à l’école, c’est, au-delà du système éducatif, tout un modèle culturel qu’il faudrait réformer et faire évoluer.

La méthodologie de l’étude
L’étude a été réalisée par téléphone en décembre 2013 auprès de 500 jeunes représentatifs de la population française de 15 à 30 ans. Les 15-17 ans représentaient 18% de l’échantillon, les 18-24 ans, 47% ,et les 25-30 ans, 35%.
Mathieu Oui | Publié le