Exclusif. Le droit à la poursuite d'études en master revu et corrigé par le Conseil d'État

Aurore Abdoul-Maninroudine Publié le
Exclusif. Le droit à la poursuite d'études en master revu et corrigé par le Conseil d'État
Le projet de décret précise la mise en œuvre du droit à la poursuite d'études. © Université Clermont Auvergne // © 
Nouvelle étape dans la réforme de l'accès au master : le projet de décret encadrant le droit à la poursuite d'études, dont EducPros a eu copie, vient d'être finalisé. À l'issue de l'examen par le Conseil d'État, la notion de "prérequis" a été retirée au profit d'une "compatibilité" entre la licence et le master. De nouveaux délais contraignent également fortement ce droit.

Contre-partie de la sélection autorisée à l'entrée du master par la loi du 24 décembre 2016, le nouveau droit à la poursuite d'études cristallise les inquiétudes des acteurs. Sous quelles modalités les étudiants pourront-il en bénéficier ? Pour beaucoup, le succès global de la réforme dépendra de l'effectivité de ce droit et notamment de la capacité des recteurs de région à disposer facilement de toutes les informations nécessaires.

Le projet de décret en Conseil d'État qui fixe les modalités pratiques du dispositif lèvera-t-il les interrogations ? Le texte, dont EducPros a obtenu copie, diffère en tout cas de la version prévue par l'accord du 4 octobre 2016. Il devrait être publié "dans les quinze jours" au Journal officiel. 

la notion de prérequis supprimée...

Les grands principes encadrant le droit à la poursuite d'études étaient déjà connus : tout étudiant titulaire d'un diplôme national de licence et n'ayant obtenu aucune réponse positive à ses demandes d'inscription en master pourra  "saisir le recteur de région académique pour se voir présenter, après accord des chefs d'établissement concernés, au moins trois propositions d'admission" dans un master. Comme prévu, l'une de ces propositions au moins concerne "en priorité" l'établissement d'origine et, à défaut, un établissement de la région académique.

Mais, contrairement à ce que prévoyait la version initiale de ce projet de décret, les propositions du recteur ne tiendront plus compte des "prérequis" des formations mais de la "compatibilité" de la mention de la licence de l'étudiant avec "les mentions de master existantes".

... au profit d'une "compatibilité" entre licences et masters

"C'est le Conseil d'État qui a conseillé au gouvernement de retirer cette notion de prérequis qui n'est pas définie juridiquement", explique une source proche du dossier au ministère. Une modification qui suppose pour le ministère de prendre dans les "trois mois" qui viennent un arrêté établissant "un tableau de correspondance entre les mentions de licence et de master".

Ces changements ne sont pas du goût de la CPU (Conférence des présidents d'université). "Le filtre des prérequis était beaucoup plus fin que celui de la compatibilité entre mentions", regrette Gilles Roussel, président de la CPU.

Comment ces compatibilités seront-elles établies ? Le projet de décret ne le précise pas. Pour certains, les informations de la plate-forme Trouvermonmaster.gouv.fr seront suffisantes. Pour Gilles Roussel, "ce n'est pas du tout la même chose" : "La plate-forme recense les mentions de licence conseillées formation par formation, et non pour une mention de master. Or, certaines mentions sont tellement larges qu'elles recouvrent des formations très différentes, qui ne ciblent pas les mêmes profils."

Le filtre des prérequis était beaucoup plus fin que celui de la compatibilité entre mentions.
(G. Roussel)

Dans tous les cas, ce tableau de correspondances licence-master, qui devrait être examiné au Cneser de mars ou avril 2017, "ne sera pas le seul élément pris en compte", précise un autre bon connaisseur du dossier. Le projet de décret précise en effet que "l'offre de formation existante, les capacités d'accueil et le projet professionnel" seront également examinés pour ce droit à la poursuite d'études.

Tant pour la Fage que pour l'Unef, les propositions du recteur devront, quoi qu'il en soit, être surtout en cohérence avec le projet professionnel de l'étudiant.

Des délais contraints pour les étudiants...

Le projet de décret donne par ailleurs, pour la première fois, des indications sur les délais encadrant ce nouveau droit à la poursuite d'études. L'étudiant devra saisir le recteur "par l'intermédiaire d'un téléservice national" - il s'agit de Trouvermonmaster.gouv.fr - dans un délai de quinze jours à compter soit de la date d'obtention de la licence si l'étudiant a reçu notification de toutes les décisions de refus ; soit de la date de la dernière décision de refus si elle est notifiée après l'obtention de la licence.

Autre contrainte pour les étudiants et non des moindres, alors que la loi précise que la saisine du recteur peut être faite l'année d'obtention de la licence ou "de manière différée", le projet de décret limite ce droit "aux trois années universitaires" qui suivent l'obtention du diplôme.

À l'inverse, le texte ne donne aucune information sur les délais dans lesquels le recteur doit faire ses propositions aux étudiants. Deux poids deux mesures ?

Aurore Abdoul-Maninroudine | Publié le