Exclusif : la Cour des comptes met en cause la gestion de l’université Versailles Saint-Quentin

Camille Stromboni Publié le
Exclusif : la Cour des comptes met en cause la gestion de l’université Versailles Saint-Quentin
Université Versailles-Saint-Quentin - IUT de Mantes-la-Jolie ©Christian Laute UVSQ // © 
La crise financière à l’UVSQ (université de Versailles Saint-Quentin), au bord de la cessation de paiement fin 2013, est "essentiellement le résultat d’une absence d’anticipation des conséquences de décisions de gestion" de la part de l'établissement. Dans son rapport définitif, envoyé aux parties le 17 mars 2014 et qu'EducPros s'est procuré, la Cour des comptes persiste en pointant la responsabilité de l’université, tout en étant moins sévère sur certains points polémiques. La réaction de la ministre de l'Enseignement supérieur est attendue dans la journée.

"L’université est aujourd’hui dans une situation financière difficile qui, sans les avances de trésorerie de l’Etat, ne lui permettrait pas d’assurer le paiement de ses dépenses. Cette situation est essentiellement le résultat d’une absence d’anticipation et d’analyse des conséquences de décisions de gestion qui ont conduit à une forte augmentation de la masse salariale et des dépenses de fonctionnement."

Dans son rapport définitif, qu’EducPros s’est procuré, la Cour des comptes pointe, de la même manière que dans ses observations provisoires, la responsabilité de l’université Versailles Saint-Quentin dans la crise financière qu'elle traverse.

L’établissement, en situation de crise depuis la rentrée 2013 après avoir annoncé qu’il était au bord de la cessation de paiement, a eu besoin d’une avance de l’Etat à la fin de l’année pour assurer les salaires de ses personnels. Après avoir présenté un budget en déficit de 5,2 millions d’euros, l’université attend que son budget 2014 soit établi par le recteur, avec la nouvelle subvention que l’Etat doit lui accorder en 2014.

L'insincérité budgétaire maintenue

Les observations définitives de la Cour des comptes, communiquées aux parties à la mi-mars, relèvent toujours l’interrogation de l’institution sur la "sincérité de prévision budgétaire" de l'université. La ministre Geneviève Fioraso avait souligné l'insincérité dont serait coupable l'établissement à ce sujet, en ayant surévalué ses recettes.

"Dans sa réponse aux observations provisoires, l’ancienne présidente de l’université Sylvie Faucheux considère que la préparation du budget prévisionnel 2012 bénéficie de la validation de toutes les instances de contrôles", rapporte la Cour, avant d'écarter l'argument, en affirmant qu’il n’entre "ni dans les compétences du commissaire aux comptes ni dans celle de l’agent comptable, d’émettre un avis sur le budget de l’établissement".

Cette surévaluation serait intervenue au cours de l’année 2012 via des décisions modificatives, indique la Cour : "le budget primitif 2012 prévoyait un montant des recettes de 14,4 millions d’euros pour la production vendue et de 112,05 M€ de subventions. Les montants ont ensuite évolué, toujours à la hausse, pour atteindre respectivement 26,25 M€ et 113,03 M€". Les recettes ont ainsi été surestimées, conclut la Cour, de 14,7 millions pour le fonctionnement. Egalement de 2,6 millions d’euros pour l’investissement.

politique de recrutement de l'UVSQ : des critiques adoucies

Du côté de l'augmentation de la masse salariale, que la ministre Geneviève Fioraso a dénoncée, à plusieurs reprises, comme la cause première des difficultés actuelles de l'université, la Cour des comptes relève bien la progression de 148 postes (équivalents temps plein) en 2011 et de 15% en trois ans, depuis le passage à l'autonomie, mais édulcore quelque peu sa critique.

Si elle concluait en effet, dans ses observations provisoires, en estimant que ce passage aux RCE (responsabilités et compétences élargies) avait été l'occasion pour l'université "de procéder sans contraintes à des créations importantes d'emplois, sans pour autant s'assurer d'un financement correspondant par l'Etat", elle est dans son rapport définitif moins sévère.

"Les difficultés financières de l'université s'expliquent pour une part par l'effet combiné de la rigidité des dépenses de personnel et le caractère non durable des ressources propres sur lesquelles est assis le financement de ces emplois", reconnaît-elle ainsi.

Elle note tout de même que la professionalisation de la fonction RH (ressources humaines) et des procédures en la matière, n'a pas permis à l'université, dont les effectifs s'accroissent, "de s'assurer de la soutenabilité à court et à moyen terme de sa politique de recrutement".

Quant à la politique de primes aux personnels de l’établissement, la Cour relève une augmentation forte de cette enveloppe : +30% sur la période 2006-2012, et estime que cette politique, "encore assez égalitariste", "très dynamique sur la période" mais insuffisamment liée à la performance, "contribue sensiblement à l’augmentation de la masse salariale".

Frais de bouche : no comment

Concernant les frais de bouche de l’université, dont l’augmentation très forte avait fait polémique, la Cour retire finalement son accusation, exprimée sous forme d’interrogation dans ses observations provisoires.

La citation suivante a ainsi disparu du rapport : "Représentatifs d’une absence de maîtrise des coûts, les frais de réception représentent 0,76 M€ en 2012 (soit 3.000 € par jour sur la base de 250 jours d’activité par an). L’université voudra bien justifier [ce] niveau élevé [en 2012]".

Figure tout de même au rapport le tableau faisant état de cette progression de 110% des frais de colloques et séminaires entre 2008 et 2012, et de 145% des frais de réception (de 0,31 M€ à 0,76 M€), mais sans commentaire.

Les Partenariats public-privé en question

Enfin, sur les PPP (partenariat public privé) conclus par l'établissement versaillais, qui ont fortement plombé ses comptes, la Cour souligne que "l’établissement a insuffisamment anticipé les conséquences de l’externalisation des fonctions de maintenance pour les personnels de l’université" et ce, contrairement à ses engagements.

"Selon le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, l’ensemble des parties prenantes au comité de pilotage ont souhaité 'obtenir des engagements écrits de l’université quant aux mesures d’économie qu’elle prendrait pour assurer la soutenabilité de ce contrat. L’université n’ayant pas respecté les engagements qu’elle avait pris pour obtenir l’accord des ministères, les économies attendues pour l’aider à faire face aux charges du contrat n’ont pas été obtenues et la soutenabilité du contrat n’a plus été assurée'", indique le rapport.

Le rôle contesté de l'ancienne présidente Sylvie Faucheux

Quant au rôle de l'ancienne présidente de l'université, Sylvie Faucheux, dans la signature de ces contrats, le rapport définitif est nuancé. La Cour avait fortement interrogé sa double-présidence : à la tête de l'université et en même temps de Fondaterra, "structure qui a appuyé la formule du PPP".

La Cour confirme trouver "problématique" cette double-casquette, au vu du rôle joué par la fondation. En revanche, elle n'a pas "relevé d'irrégularité formelle lors de la procédure de passation du marché", et note que "le processus global ayant conduit l'université à retenir la formule a impliqué de nombreux acteurs", citant plusieurs ministères dont celui de l'Enseignement supérieur.

Lire aussi

- Le rapport définitif de la Cour des comptes sur l'université Versailles Saint-Quentin (pdf)

La biographie EducPros de Sylvie Faucheux, ancienne présidente de l'UVSQ
La biographie EducPros de Jean-Luc Vayssière, président de l'UVSQ

Le billet de Pierre Dubois : Budget rectoral pour Versailles ?
Le billet de Ghislain Bourdilleau : UVSQ : l’impact de la crise, l’impact sur la marque

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