Indiscret. Les business schools françaises en péril selon l'Institut Montaigne

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Indiscret. Les business schools françaises en péril selon l'Institut Montaigne
Campus d'HEC // ©  HEC
Les business schools ont-elles encore un avenir ? C'est un rapport alarmant que publie l'Institut Montaigne sur les écoles de commerce françaises, victimes selon lui du désintérêt de l'État. Dans ce document dont EducPros a eu connaissance, le think tank d'inspiration libérale invite à repenser le modèle de ces écoles.

Les écoles de commerce sont en déclin et l'État en est – au moins en partie – responsable. C'est l'analyse sévère que dresse l'Institut Montaigne, dans un rapport à paraître le 12 novembre 2014, qu'EducPros s'est procuré en avant-première.

Le think tank d'inspiration libérale s'interroge sur l'avenir des écoles de management françaises et invite à repenser leur modèle économique et académique. Le rapport, rédigé sous la direction d'Édouard Husson, ancien directeur général de l'ESCP Europe, analyse la crise traversée par les écoles de commerce, soumises à une compétition internationale intense, contraintes voire exsangues financièrement, et confrontées à la remise en cause de leurs modèles pédagogiques.

Le désintérêt de l'État au banc des accusés

Pour l'Institut Montaigne, l'une des raisons de cette crise tient au désintérêt de l'État pour ce secteur de l'enseignement supérieur français. "Dans le contexte de réforme continue de l’enseignement supérieur universitaire engagée depuis quinze ans en France et en Europe, les business schools françaises semblent avoir été oubliées. (...) L’État a pu donner l’impression de se désintéresser du sort des business schools et de cautionner le cliché selon lequel ces écoles, vu le public étudiant auquel elles s’adressaient et les métiers auxquels elles formaient, avaient tous les moyens financiers requis. Ce faisant, l’État a négligé son rôle de stratège et de coordinateur pour l’ensemble de l’enseignement supérieur – dont les business schools sont un atout maître – pour la compétitivité de l’économie française à un moment où le pays a plus que jamais besoin de managers qui soient aussi des entrepreneurs et des innovateurs."

Les écoles de commerce sont ainsi restées à l'écart du grand emprunt et autres appels à projets lancés par l'État ces dernières années, souligne l'Institut Montaigne. Parallèlement, "les efforts considérables consentis pour exister sur un marché de plus en plus concurrentiel, régulé par les labels et accréditations internationaux, ont entraîné une course aux dépenses plus douloureuse que pour d’autres établissements moins engagés dans une compétition mondiale – ou plus soutenus par l’État, telles les universités scientifiques et les écoles d’ingénieurs".

La question de la viabilité du modèle économique de ces écoles se pose désormais avec acuité 

Pour rester dans la course, les business schools ont donc été contraintes de trouver des sources de financement rapides : augmentation du nombre de leurs étudiants, création de voies d’admissions parallèles, augmentation des frais de scolarité. "Les dix-huit grandes écoles auditées par la Cour des comptes ont, par exemple, vu leurs effectifs passer de 90.000 à 135.000 étudiants depuis 2008, soit une augmentation de 50% en cinq ans – souvent au prix d’un vieillissement prématuré des locaux et des infrastructures. Parallèlement à cette augmentation du nombre d’étudiants, les frais de scolarité ont augmenté de 50 à 70% depuis 2006 dans les trois business schools parisiennes et de 45% à l’EM Lyon."

Mais cette stratégie ne suffit pas : "La question de la viabilité du modèle économique de ces écoles se pose désormais avec acuité", estime l'Institut Montaigne, citant "la baisse des ressources affectées aux CCI (chambres de commerce et d'industrie) et issues de la taxe d’apprentissage (…) et l'absence de puissants réseaux d’anciens".

La fin du monopole avec la concurrence des universités

Enfin, sur le plan de la formation académique et de l'insertion professionnelle des étudiants, les business schools, concurrencées par les IAE et les masters d'université, sont en passe de perdre leur monopole. Ainsi, rapporte l'Institut Montaigne, "l’université publique a elle aussi fait monter en puissance ses formations et sa recherche dans le domaine", citant les succès de l’université Paris-Dauphine ou la Toulouse School of Economics.

Cette analyse conduit le think tank à avancer une dizaine de propositions, pour faire émerger la "business school du XXIe siècle" : miser sur la révolution numérique, la formation continue et le développement dans les pays émergents, notamment en Afrique ; sécuriser le financement des écoles en permettant des levées de fonds de grande ampleur ; encourager des regroupements universités-business schools ; ou encore promouvoir l'entrepreunariat en faisant entrer dans les classements la reconnaissance de la création d'entreprise par les étudiants.

En outre, le rapport propose un schéma de modulation des droits de scolarité pour une plus grande mixité sociale de ces écoles. Une réforme qui pourrait conditionner une plus grande aide de l'État, espère l'Institut Montaigne.

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