Exclusif. Les IUT déposent leur marque

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En déposant leur marque auprès de l'INPI, les IUT réaffirment leur volonté d'autonomie vis-à-vis de leurs universités de tutelle tout en cherchant à renforcer l'unité du réseau des IUT sous une même bannière. Une procédure symbolique, rarissime dans l'enseignement supérieur public, qui illustre la stratégie de communication de ces Instituts.

Le principe a été adopté mercredi 4 juillet 2012 par le bureau du conseil de l'ADIUT (Assemblée des directeurs d’IUT), puis validé le jeudi 5 juillet devant le conseil des associations régionales des IUT (ARIUT) : l’appellation IUT va devenir une marque déposée auprès de l’INPI (Institut national de la propriété industrielle). Tout comme le logo du réseau des IUT ® et son déroulé : Institut universitaire de technologie ®. "Nous avons pris cette décision pour défendre nos valeurs et réaffirmer ce qui fait la spécificité de nos formations, souligne Bruno Querré, directeur de l’IUT d’Evreux et président de la commission communication de l’ADIUT. C’est aussi un argument fort pour que la marque IUT ne puisse pas être galvaudée, et un signe envoyé aux étudiants et aux entreprises qui nous font confiance."

Une marque pour marquer sa différence

Très attendue mais longtemps gardée secrète "de peur de se faire voler le nom avant son dépôt", cette procédure est, sinon inédite, en tous les cas rarissime dans l’enseignement supérieur public. Difficile alors de ne pas y voir un lien avec la stratégie de lobbying conduite depuis la mise en place de la LRU par l’ADIUT et l’UNPIUT (Union nationale des présidents d’IUT) pour faire valoir leur différence.

Car même si les IUT bénéficient d’une excellente image de marque, en affichant notamment des taux d’insertion qui résistent bien à la crise, jamais leur "souci de mieux communiquer" n’a été aussi prégnant. Comme s’il y avait encore péril en la demeure.

Une autonomie revendiquée

Les IUT se sont dotés depuis quelques années d’une réelle stratégie de communication avec des postes et des budgets alloués.

"Dans un univers concurrentiel où le vivier d’étudiants est stable mais l’offre de formations, notamment des écoles privées, en augmentation, les IUT se sont dotés depuis quelques années d’une réelle stratégie de communication avec des postes et des budgets alloués", souligne Juliette Denys, chargée de la communication de l’IUT de Nice.

Pour mener à bien sa stratégie, chaque Institut s’appuie sur son université tout en cherchant à s’en… différencier. Les sites internet des IUT, pour la plupart refondus ces dernières années, illustrent le jeu subtil d’influence et d’indépendance revendiquée vis-à-vis de l’université de tutelle. "Notre double culture universitaire et professionnelle est un atout sur lequel nous communiquons largement, souligne Delphine Maillet, responsable de communication de l’IUT Paul Sabatier à Toulouse. Mais nous insistons aussi sur notre spécificité. Et pour notre site, nous avons notre propre charte graphique, notre propre marque de fabrique…"

Ce n'est pas le cas à Strasbourg où les IUT ont adopté la charte visuelle et les outils de communication de l'université, passant du rouge au bleu roi : "L'université a évidemment une certaine force de persuasion, concède Emmanuelle Lutz, chargée de communication de l’IUT Robert-Schuman à Illkirch. Ce qui ne nous empêche pas de travailler en bonne intelligence en utilisant la force de frappe de l’université tout en affirmant notre autonomie."

Une marque qui fédère le réseau

Bien utile donc pour s'affirmer face à leurs universités de tutelle, cette marque IUT vient aussi à point nommé pour réaffirmer un message clair au sein même du réseau des IUT. Parmi lesquels certains seraient tentés de jouer leur propre partition. A ce propos, une anecdote est symptomatique. Au cours du mois de mai 2012, lors d’un colloque réunissant les chargés de communication des IUT, un responsable de l’IUT de Tours présentait sa stratégie et justifiait le choix d’avoir renommée la formation sous le label "Ecole publique de journalisme", une formule jugée "plus lisible", "notamment pour les parents qui croient que l’IUT est une préparation aux écoles de journalisme"… Dans la salle, l’initiative a fait vivement réagir. Une intervenante, agacée : "Alors nous qui préparons au DUT Transport logistique pourquoi ne pas nous intituler Ecole de la logistique…" Une autre, inquiète : "Toucher à la marque IUT c’est la fin du réseau, de ce qui fait notre force, notre spécificité…".

Jouer la carte du local

Leur ancrage territorial est leur force auprès des étudiants qui, en sortant du bac, sont peu tentés par la mobilité géographique.

Enfin, les IUT l’ont bien compris : leur ancrage territorial est leur force auprès des étudiants qui, en sortant du bac, sont peu tentés par la mobilité géographique. Portés par les Associations régionales des IUT, dont le découpage correspond dans la plupart des cas à celui des PRES, ces établissements jouent à fond la carte locale. "Aujourd’hui la communication est régionale, explique Emmanuelle Lutz, chargée de communication de l’IUT Robert Schuman à Illkirch. Nous avons un portail internet commun pour nos cinq IUT d’Alsace. Quand nous nous rendons dans des lycées ou lors des journées portes ouvertes nous parlons de nos cinq IUT, sans jouer la concurrence entre les spécialités."

Même démarche affichée dans la région de Toulouse par Delphine Maillet, en charge de la communication : "La tendance est de communiquer à l’échelle de l’ARIUT qui fédère les huit IUT de la région Midi-Pyrénées. C’est bien plus efficace avec une marque commune."

Se faire remarquer en vue de la prochaine loi

Ainsi, la marque IUT va pouvoir se décliner et être mise en avant sous plusieurs facettes, tant dans les relations avec les universités de tutelle que vis-à-vis des étudiants et des entreprises, tant aux niveaux national et local. Et c'est sans compter sur le signal adressé au ministre de tutelle, Geneviève Fioraso. Lors des prochaines discussions sur la nouvelle loi d’orientation sur l’enseignement supérieur et de la recherche, le réseau des IUT compte bien peser et s'y faire remarquer.

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