Les universités cherchent toujours une alternative à la Paces

Aurore Abdoul-Maninroudine Publié le
Les universités cherchent toujours une alternative à la Paces
Un troisième appel à candidatures pour les expérimentations en santé est lancé. Date limite des dossiers : le 20 janvier 2017, pour une mise en œuvre dès la rentrée 2017. // © 
Alors que le ministère relance les expérimentations sur l'accès aux études de santé, un rapport, qu'EducPros s'est procuré, dresse le bilan des premières alternatives à la Paces. Il constate "le déficit d'attractivité" de ces dispositifs et propose l'affectation d'une partie des 1.000 postes prévus pour 2017 à ces projets.

Se dirige-t-on vers la fin de la Paces, la mythique première année commune aux études de santé dont le concours permet d'accéder ou non aux études de santé ? Alors qu'un tiers des facs de médecine proposent déjà des filières alternatives à la Paces, un troisième appel à candidatures visant à "étendre et renforcer" les expérimentations vient d'être lancé par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche par un courrier envoyé aux présidents d'université le 23 novembre 2016.

Une mesure qui s'inscrit dans le cadre de la feuille de route de la Grande conférence de santé de février 2016. Sont concernées les universités souhaitant s'engager dans une expérimentation, mais également celles qui voudraient faire évoluer leur projet. Date limite des dossiers : le 20 janvier 2017, pour une mise en œuvre dès la rentrée 2017.

Ces expérimentations, partant du constat que "la Paces sélectionne les futurs professionnels de santé selon des modalités déconnectées des compétences attendues", sont possibles depuis la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche de 2013. Leur objectif ? Améliorer les réorientations précoces des étudiants inscrits en Paces, ou diversifier le profil des futurs médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens et sages-femmes, en créant de nouveaux modes d'entrée en deuxième ou troisième année d'études.

des expérimentations dans dix universités

Actuellement, dix universités se sont déjà engagées dans cette démarche et trois systèmes d'admission dans les études de santé coexistent.

À côté de la traditionnelle Paces, certaines universités ont créé des admissions en études de santé en cours ou fin de licence qui représentent une faible part de leur numerus clausus (5 % à 30 %). C'est le cas d'"AlterPaces" proposé par Paris 5, Paris 7, Paris 13, Poitiers, Saint-Étienne, Strasbourg et Tours, qui s'appuie sur des licences existantes. Les étudiants doivent valider des UE complémentaires et postuler aux filières de santé en fin de L2 ou de L3.

Autre variation, à Clermont-Ferrand et Rouen, le système est adossé à une licence nouvelle en "sciences pour la santé". Le modèle PluriPass à Angers est le seul modèle radicalement différent : la Paces a en effet été totalement supprimée au profit d'un parcours pluridisciplinaire "plurisanté". Les étudiants sont sélectionnés en fin de L1 ou en milieu de L2.

"L'objectif de la troisième vague d'expérimentations est d'augmenter la taille de l'échantillon, pour affiner l'évaluation", explique-t-on du côté du cabinet de Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. "Lors des précédents appels à candidatures, tous les établissements n'étaient pas prêts, certains dossiers avaient été rejetés : c'est l'occasion de leur redonner une chance, dans les mêmes conditions que précédemment", précise-t-on.

L'objectif de la troisième vague d'expérimentations est d'augmenter la taille de l'échantillon, pour affiner l'évaluation.

cinq universités supplémentaires intéressées

"Ces candidatures devraient fortement ressembler à ce qui se fait déjà, le cadre législatif étant très contraignant", estime Jean-Luc Dubois-Randé, président de la Conférence des doyens de médecine et doyen à l'Upec (université Paris-Est-Créteil). Selon lui, "on se dirige vers des modèles mixtes entre l'AlterPaces et le PluriPass d'Angers". D'ores et déjà, "cinq universités supplémentaires" seraient intéressées, dont Montpellier et l'Upec.

De son côté, l'ANEMF (Association nationale des étudiants en médecine de France), "n'est pas du tout contre de nouvelles expérimentations", mais se dit "vigilante à ce qu'il n'y ait de modèle unique" et que le contexte local soit pris en compte.

Malgré des points positifs...

Ce troisième appel à projets s'appuie sur un premier bilan des expérimentations démarrées pour certaines à la rentrée 2014 et pour d'autres à la rentrée 2015. Bilan, qui malgré des points positifs, fait apparaître les nombreux défis auxquelles sont confrontées ces expérimentations.

Parmi les points positifs, Jean-Paul Saint-André, ancien président de l'université d'Angers et auteur de ce rapport-bilan, liste "la suppression du redoublement" dans les expérimentations – une mesure favorisant la réussite des étudiants, entraînant "une économie substantielle" et réglant aussi "les problèmes de capacité d'accueil en Paces" – et l'obligation faite aux étudiants, dans le modèle PluriPass d'Angers, d'élaborer deux projets professionnels au cours de la L1.

Les effectifs engagés dans les différentes AlterPaces sont faibles.
(J.-P. Saint-André)

... Un déficit d'attractivité pour ces modèles alternatifs

Malgré ces avantages , le "déficit d'attractivité" des expérimentations est également mis en avant. "Ces filières sont encore trop souvent perçues par les étudiants comme des traquenards", confirme Jean-Luc Dubois-Randé.

De fait, "les effectifs engagés dans les différentes AlterPaces sont faibles", relève l'auteur du rapport. C'est donc bien "la lisibilité de ces filières" qui est en jeu : représentant "une très faible part du numerus clausus", elles sont "peu identifiables sur APB".  À l'université de Tours, seuls sept étudiants ont été admis en médecine par cette voie alors que 23 places étaient ouvertes, et un seul en pharmacie pour dix places ouvertes.

En matière de diversification du recrutement, le constat est également mitigé. À Angers, la quasi totalité des admis sont des bacheliers S avec mention.

Quels moyens ?

Enfin et surtout, la question des moyens est soulevée. Alors que le précédent appel à projets précisait que les expérimentations devaient se faire à moyens constants, rien n'est précisé cette fois-ci. Dans son rapport, Jean-Paul Saint-André préconise qu'"une partie des 1.000 postes prévus pour 2017 dans le plan quinquennal de création d'emplois pour l'ESR soit réservée à ces expérimentations."

Une demande également appuyée par la Conférence des doyens de médecine, qui espère une annonce allant en ce sens lors du déplacement de Thierry Mandon, secrétaire d'État à l'Enseignement supérieur et à la Recherche, à l'université d'Angers, le 5 décembre 2016.

Aurore Abdoul-Maninroudine | Publié le