Fonds d'investissement : pourquoi ils s'intéressent à l'enseignement supérieur

Laura Makary Publié le
Fonds d'investissement : pourquoi ils s'intéressent à l'enseignement supérieur
Pour les investisseurs, le marché de l'enseignement supérieur offre des perspectives de développement, par la croissance des effectifs ou le rachat d'établissements. // ©  plainpicture/Jean Marmeisse
Les fonds d’investissement sont de plus en plus nombreux à s’intéresser au marché de l’enseignement supérieur. Présents lors de la conférence EducPros du 22 mars dédiée au sujet, plusieurs représentants de ces institutions ont détaillé les raisons de leur intérêt pour le secteur. Mettant en avant une volonté de qualité… et de rentabilité.

"Aujourd'hui, environ 20 % des effectifs de l'enseignement supérieur français étudient dans le privé. Mais, en termes de flux, depuis 2001, 70 % de la progression des effectifs étudiants vient du privé." À partir de cette analyse chiffrée, Marc Foucault, inspecteur général à l'IGAENR, a posé le débat, en introduction de la conférence EducPros consacrée aux fonds d'investissement dans l'éducation, qui se tenait le 22 mars 2018.

Depuis quelques années, les acteurs financiers s'intéressent de plus en plus au secteur de l'enseignement supérieur. Parmi les raisons de cet engouement, les investisseurs évoquent très vite la croissance soutenue de ce marché, confirmée par les chiffres livrés par Marc Foucault, que ce soit en formation initiale ou continue.

"L’éducation, comme la santé, est un besoin fondamental. La démographie étudiante est croissante dans le monde et les familles sont prêtes à investir, car elles ont conscience que l’enseignement supérieur détermine le début de carrière. Et cela est vrai dans tous les milieux sociaux", relève Jérôme Fabry, directeur associé du cabinet de conseil EY-Parthenon.

Développer la rentabilité du secteur et le "consolider"

Si la croissance du marché attire les investisseurs, ces derniers sont également séduits par la stabilité dont le secteur fait preuve et la puissance des marques en présence. "Les fonds d'investissement aiment les marques fortes, confirme Martine Depas, conseil en fusions et acquisitions dans le secteur au sein de la Financière de Courcelles. L'enseignement supérieur offre une bonne visibilité. Une fois l'élève recruté, il passe plusieurs années dans l'établissement, ce qui permet d'assurer une rentabilité. Je précise que le prix payé par l'élève dans l'enseignement supérieur privé est souvent inférieur au coût pour la collectivité d'un étudiant à l'université. Et malgré cela, l'enseignement supérieur privé peut rester rentable". D'autant que l'assurance, pour l'établissement, d'une rentrée d'argent régulière constitue un atout pour les investisseurs.

Si le secteur rassure, il offre également des perspectives de développement intéressantes. " C'est un business qui peut encore se professionnaliser et se structurer. C’est clairement là que des actionnaires financiers peuvent apporter leur savoir-faire aux établissements, argumente Maxime de Bentzmann, du fonds Eurazeo. Il est essentiel d’avoir à la tête de ces établissements des dirigeants portant les deux casquettes, académiques et business, pour être à la fois légitime auprès du corps enseignant et assurer la performance financière."

Il est essentiel d’avoir à la tête de ces établissements des dirigeants portant les deux casquettes, académiques et business.
(M. de Bentzmann)

Jérôme Fabry, d'EY-Parthenon, renchérit : "Une large marge de progrès en termes de professionnalisation existe dans le secteur. Longtemps, l’enseignement supérieur privé est demeuré un peu artisanal, fondé par d’anciens professionnels, qui devaient se débrouiller pour équilibrer les comptes. Il existe des poches de rentabilité".

Aux yeux de ce dernier, un autre élément est essentiel pour les investisseurs : la possibilité de consolider le secteur, en regroupant des écoles de taille moyenne. "De réelles opportunités d’économies d’échelle sont possibles, en créant des groupes associant différentes marques. L’enseignement supérieur privé, qui a longtemps été très local, devient de plus en plus international, les actifs et les étudiants n'hésitant pas à bouger. Il y a donc une possibilité d’exportation et des opportunités de grossir, que ce soit en augmentant le nombre d’étudiants ou en rachetant d’autres établissements", ajoute-t-il.

Des responsabilités particulières

Au-delà du discours aux accents très financiers, placé sous le signe de la rentabilité, les investisseurs s'accordent tous à dire que l'enseignement supérieur reste malgré tout un marché singulier. "À l'image du secteur de la santé, il donne des responsabilités particulières, admet Maxime de Bentzmann. De mauvais choix stratégiques peuvent avoir des répercussions parfois immédiates pour les étudiants. C'est une particularité dont il faut avoir conscience."

Il est possible de réaliser des réductions de coût, tout en protégeant la qualité du service proposé aux élèves.
(A. Grotberg)

Anna Grotberg, directrice de EY-Parthenon Londres, tient, quant à elle, à rappeler l'exigence de qualité, qui doit être au service de l'employabilité des étudiants. "Si ces derniers paient pour leur éducation, ils doivent en sortir en trouvant un emploi. Avec du capital pour grandir et une professionnalisation des structures, il est possible de réaliser des réductions de coût, tout en protégeant la qualité du service proposé aux élèves", assure-t-elle.

De son côté, Antonio Maceda, du cabinet de conseil Afaya Partners, insiste sur une autre particularité du secteur : il s'appréhende sur le long terme. "Ici, les investissements à court terme ne fonctionnent pas. Le secteur exige une véritable vision sur le temps long. Si un investisseur souhaite un rendement rapide, ce n'est pas un secteur recommandable", tranche-t-il. Quoi qu'il en soit, l'intérêt des financiers pour les écoles reste certain, lui aussi, sur le long terme.

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