Fonds de roulement : universités et écoles d'ingénieurs dans le flou

Morgane Taquet Publié le
Fonds de roulement : universités et écoles d'ingénieurs dans le flou
L'université Grenoble 3 Stendhal // ©  Université Stendhal
Entre attente et colère, les établissements d'enseignement supérieur continuent de se mobiliser contre le projet de l’État de ponctionner leurs fonds de roulement. Des discussions avec le ministère sont en cours. Vingt-cinq écoles d'ingénieurs et une dizaine d'universités pourraient être concernées mais rien n'est encore tout à fait tranché.

Depuis vendredi 30 janvier 2015, et le cri d'alarme de la CPU et de la Cdefi, les réunions entre les écoles d'ingénieurs, les universités et le cabinet de Geneviève Fioraso vont bon train. L'objet des débats : les éventuels prélèvements sur les fonds de roulement des établissements. Et ce, alors que les dotations 2015 ne sont toujours pas connues. "Hold-up financier" pour la Cdefi, "projet périlleux" pour la CPU, les conférences sont vent debout contre cette mesure. D'autant que le rapport des inspections générales sur les réserves financières des établissements, lancé fin décembre, n'est toujours pas connu.

Seule certitude à ce jour, des prélèvements sur les fonds de roulement des écoles et universités à hauteur de 100 millions d'euros seront bien effectués. Comment seront-ils calculés et sur quels critères ? La méthode de calcul semble ne pas être arrêtée pour l'instant.

Méthode de calcul contestée

Une des pistes évoquées : procéder à des prélèvements sur les établissements ayant un fonds de roulement égal ou supérieur à 65 jours de fonctionnement. La moitié de ce qui est au-delà de ces 65 jours serait ponctionnée. "Nous avons redit que nous étions prêts à participer à l'effort, mais pas avec la méthode de calcul proposée", explique François Cansell, directeur de l'IPB et vice-président de la Cdefi.

Côté ingénieurs, 25 écoles seraient concernées sur les 37 écoles sous tutelle de l'Enseignement supérieur pour un montant global de 34 millions d'euros, indique-t-il. "Avec cette méthode, il n'est pas pris en compte les spécificités des écoles, celles qui sont aux RCE ou non, celles qui ont un SAIC, etc."

De plus, le vice-président de la Cdefi rappelle que les établissements sont engagés dans des plans pluriannuels d'investissement et qu'il est "nécessaire de distinguer ce qui est mobilisable et ce qui ne l'est pas dans les fonds de roulement". La Cdefi souhaite que chaque typologie d'établissements (université, école, IEP, ENS, grand établissement) contribue proportionnellement aux dotations attribuées par l'État, explique François Cansell, qui appelle de ses vœux "une méthode de calcul plus réaliste, plus objective et plus équitable".

Bonne ou mauvaise gestion ?

Côté universités, si un tel seuil était appliqué, une dizaine d'établissements pourraient être concernés. Le président de l'université Paris-Ouest Nanterre-la Défense, Jean-François Balaudé, ne serait pas forcément touché mais il ne décolère pas pour autant : "Le projet de Bercy est absolument scandaleux et absurde. Quand on est une université rigoureuse, dans une logique prudentielle, eh bien, tout à coup, parce que Bercy doit faire des économies, on vient prendre dans nos réserves. Si cette mesure est appliquée, dans les universités cela va conduire à des révisions des politiques financières. Nous n'aurons plus de raisons d'être prudents." Fin 2014, le fonds de roulement de l'université s'élevait à 20 millions d'euros, dont 9 millions d'euros sont déjà engagés en 2015. Reste 11 millions d'euros, soit 22 jours de fonctionnement, précise le président.

Nous n'aurons plus de raisons d'être prudents.
(J.-F. Balaudé)

Même son de cloche du côté de Grenoble 3. Si l'université dispose d'un fonds de roulement "assez confortable" pour une université de petite taille, de l'ordre de 10,7 millions d'euros (soit 80 jours), un plan pluriannuel d'investissement de rénovation et de mise en conformité du parc immobilier est déjà lancé. Et, selon la présidente, son université en a bien besoin : "Nos locaux sont en très mauvais état, la mise en conformité des bâtiments, qui datent des années 1960, a été évaluée à 45 millions d'euros. Sur ce point, nous n'avons pas profité du plan Campus et notre CPER (contrat de plan État-Région) est très insuffisant au regard de nos besoins. On ne va pas nous demander en plus de prendre sur notre fonds de roulement pour financer du fonctionnement ! Ce serait une mesure de mauvaise gestion."

Taper sur les bons élèves

Une "mesure de mauvaise gestion" de la part de l'État alors que certaines universités revendiquent une gestion rigoureuse de leurs finances. C'est le cas à Lille 2, avance son président Xavier Vandendriessche. L'université, qui dispose d'un fonds de roulement de l'ordre de 43 millions d'euros, soit 105 jours, "n'a jamais fait face à un budget en déficit depuis sa création il y a cinquante ans", insiste le président. Comment expliquer cette réserve confortable ? "Pour rentrer dans le budget alloué, nous faisons preuve chaque année d'une gestion rigoureuse, nous diminuons les frais de fonctionnement et nous avons engagé une politique active de recherche de ressources propres." Éventuellement, l'université dégage quelques économies qui viennent abonder le fonds de roulement. "Ce fonds sert ensuite à des dépenses d'investissement, comme la reconstruction de l'IUT de Roubaix – qui tombe en ruine – pour environ 20 millions d'euros." Alors, pour le président de Lille 2, pas question de "taper sur les bons élèves".

Morgane Taquet | Publié le