Formation : à l'EM Normandie, la numérisation en marche

Étienne Gless Publié le
Formation :  à l'EM Normandie, la numérisation en marche
L'EM Normandie veut basculer 20 % des enseignements du programme grande école en mode multimédia // DR // ©  EM NORMANDIE
À la rentrée 2013, la business school normande lançait son projet "Smart Ecole" d'enseignement multimédia. L'année scolaire presqu'écoulée, le directeur de l'EM Normandie et le chef de projet livrent à EducPros un premier retour d'expérience.

Numériser 20 % des enseignements du programme grande école de l'EM Normandie : c'est l'objectif poursuivi par le projet Smart Ecole, entré en application en septembre 2013, pour 450 élèves du programme grande école, soit un cinquième des effectifs. La business school normande n'est pas novice en la matière.

Capitaliser sur un savoir-faire en formation continue

 "Avec la Smart Ecole, nous avons souhaité transposer notre savoir-faire en e-learning de la formation continue à la formation initiale", explique Jean-Guy Bernard, directeur de l'EM Normandie. En effet, l'établissement propose depuis 2008 de suivre en ligne, dans le cadre d'un master of science, une spécialisation en management du tourisme et des loisirs à une clientèle de professionnels. Des modules courts de formation continue sont également proposés en ligne dans des domaines divers comme le marketing, l’entrepreneuriat ou l’intelligence économique.

En 2011, l’EM Normandie a carrément proposé de suivre son programme grande école entièrement en ligne à un public de salariés ou cadres expérimentés : les titulaires d'un bac+2 ou bac+3 ayant trois ans d'expérience professionnelle peuvent préparer le diplôme de l'école en deux ans. Une durée ramenée à un an pour les détenteurs d'un bac+4 ou bac+5 avec cinq ans d'expérience. 

Après trois années de mise en œuvre, le programme grande école en e-learning a séduit beaucoup de salariés étrangers, basés aux États-Unis ou à Singapour. Le diplôme – visé bac+5 avec grade de master – est identique à celui proposé en présentiel pour la formation initiale. Les stagiaires échangent par mail, participent à des forums de discussion et sont conviés à une webconférence hebdomadaire pour les travaux dirigés en direct.
Les modules de télé-enseignement ont été élaborés en collaboration avec le laboratoire Ingenium, spécialisé dans l'ingénierie pédagogique au sein du Polytechnicum de Normandie. Ce studio d'ingénierie de la formation digitale a été cofondé par l'EM Normandie et l'université de Caen.

Entre le smartphone, la tablette et l’ordinateur, chaque étudiant utilise aujourd’hui en moyenne 2,5 appareils. Les jeunes ont construit des habitudes de vie autour de ces outils" (O. Lamirault)

Fort du succès de ce master grande école 100 % à distance, l’idée a germé d’aller plus loin en transformant une partie des enseignements de la formation initiale, jusque-là dispensés en face-à-face, en mode "multimodal". "Nous devons modifier les pratiques d’enseignement. La génération des 'digital natives' a des attentes spécifiques", justifie Olivier Lamirault, le chef du projet Smart Ecole.

Pour ce spécialiste de la médiatisation des enseignements, les nouveaux médias peuvent être des facilitateurs des apprentissages. "Songez qu’entre le smartphone, la tablette et l’ordinateur, chaque étudiant utilise aujourd’hui en moyenne 2,5 appareils. Les jeunes ont construit des habitudes de vie autour de ces outils. Nous devons en tenir compte."

Impulser en cours des rythmes différents

À la rentrée 2013, 450 étudiants de niveau L3 du programme grande école des campus du Havre et de Caen ont ainsi été dotés d'une tablette reliée à la plate-forme de ressources interactives de l'école. Et une partie de leurs cours en face-à-face classique transformés en cours multimédia et collaboratif.

Le principe ? Chaque module de cours doit à terme réserver 20 % de son temps à l’utilisation des nouvelles technologies. Exit le schéma traditionnel de l’enseignant qui délivre son savoir, place à la pédagogie inversée : désormais les étudiants produisent ensemble le savoir qu'ils ont à connaître sous la haute responsabilité de leur enseignant qui demeure le chef d'orchestre.

Un exemple : le cours de gestion de marque version multimédia. Les étudiants partent à l'extérieur capter avec leur tablette des informations sur les marques dans leur environnement proche afin d'en discuter en salle de classe. Autre pratique, le polycopié collaboratif : le cours de marketing est rédigé successivement sur tablette par une équipe de trois à quatre étudiants. À chaque cours, une nouvelle équipe a la responsabilité de prendre des notes pour le groupe. Pour casser le rythme d'un cours "classique", l'enseignant peut recourir aussi à "l'invité Skype" : un spécialiste d'un sujet intervient dans le cours en webconférence pendant une demi-heure. "Cela permet d'impulser une nouvelle concentration, de ré-impliquer  les étudiants dans le cours", explique Oivier Lamirault. 

former et Accompagner les enseignants...

La mise en œuvre du projet a connu une période de rodage. "On a tâtonné le premier semestre", convient Jean-Guy Bernard. D'abord, durant les deux premiers mois, le dispositif a souffert de difficultés liées aux infrastructures : 450 étudiants connectés à plusieurs appareils posait des problèmes d'insuffisance de bande passante. Il a fallu doter les campus des ressources techniques rendant le wifi accessible en masse. "Aux heures de pointe, ce n'était pas facile à gérer", se souvient Olivier Lamirault.

Ensuite, il a fallu tenir compte de la plus ou moins grande agilité numérique des enseignants et du temps plus ou moins long pour s'approprier les nouveaux outils. "La migration de 20 % des cours en multimédia a demandé un important travail d'accompagnement du corps professoral. C'est une grosse remise en cause. Même si l'enseignant choisit la partie de son cours qui fonctionnera en multimédia", confie Jean-Guy Bernard.

L'EM Normandie a donc entrepris de former les professeurs volontaires du programme grande école à la maîtrise des tablettes, de la mise en ligne de vidéos, des serious games ou des exercices à distance : 55 enseignants ont suivi une formation sur l'année 2013-2014 – et parfois même deux fois pour mieux s'approprier les outils !

... mais aussi les étudiants

En outre, à l'encontre des idées reçues, les "digital natives" ne sont tous pas plus à l'aise avec les outils numériques que leurs aînés enseignants. "Ce fut une surprise pour nous, rapporte Jean-Guy Bernard. Il a fallu former nos étudiants à l'usage de la tablette. S'ils pataugent en technologie, ils n'auront pas la curiosité de s'intéresser à la matière, de poser des questions ou d'approfondir."

L'école a pu observer que nombre d'étudiants ignoraient ce qu'est le "cloud", l'informatique dans le nuage. L'écriture collaborative reste aussi une technique nouvelle pour eux. En fait, beaucoup d'élèves tâtonnent dès qu'il s'agit d'utiliser le numérique dans un univers professionnel. C'est pourquoi la business school a décidé d'organiser une demi-journée de formation pour que chacun apprenne à utiliser la plate-forme de e-services, à manier la tablette pour réaliser et monter un film video...

À la rentrée 2014-2015, ce sera le tour des étudiants de M1 d'être équipés de tablettes pour suivre un parcours de formation multimodal. Location de tablettes, accompagnement des enseignants, réaménagement des espaces... Le projet Smart Ecole représente au total pour l'EM Normandie un investissement annuel de 250 à 300.000 euros sur trois ans.

Étienne Gless | Publié le