Formation continue : un business en expansion pour les grandes écoles et les universités

Laurence Estival Publié le
Formation continue : un business en expansion pour les grandes écoles et les universités
Hommes flèches // © 
Développement de programmes courts, création de stages sur mesure pour les entreprises, mise en avant des activités de recherche… Ecoles et universités investissent le champ de la formation continue, même si aujourd’hui seule une poignée d’entre elles a réussi à s’imposer sur ce segment lucratif. Le point avant la conférence EducPros du 14 février sur le sujet.

Pour la première fois en 2010, le nombre de diplômes nationaux obtenus en formation continue a dépassé les 10% des parchemins délivrés par les universités, selon une note d'information du ministère de l'enseignement supérieur. De quoi donner des ailes à des établissements qui lorgnent sur les 31 milliards d'euros dépensés chaque année en moyenne par les entreprises, l'Etat, les collectivités locales et les particuliers. Les marges de progression sont en effet conséquentes : la formation continue universitaire ne "pèse" que 387 millions d'euros, soit seulement le double du chiffre d'affaires de la Cegos. Un chiffre d'affaires qui est cependant en progression de 8% par rapport à 2009...

Bonne nouvelle pour les acteurs de l'enseignement supérieur : les entreprises se montrent plus enclines à envoyer leurs salariés dans les amphis – ils représentent un tiers du public –, participant en direct ou par l'intermédiaire des OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés) à 46% du financement de la formation continue universitaire en 2008 contre 38% en 2003. Les particuliers sont eux aussi intéressés. Reste à savoir si cela sera suffisant pour palier le désengagement des financeurs publics dont la contribution est passée de 32% à 25% durant la même période...

Des formats plus courts

Pour Marc Poncin, directeur de la formation continue à l'université de Strasbourg, la réponse est évidente : avec un chiffre d'affaires de 9 millions d'euros, en progression de 5% depuis deux ans, l'établissement, en attirant de plus en plus de sociétés, a réussi à se mettre à l'abri de la baisse des fonds publics. Sa recette ? "Un catalogue de 900 formations expédié à plus de 1.000 clients au-delà de l'Alsace". Si les formations diplômantes représentent 50% de l'offre, l'autre moitié concerne des stages courts pouvant être cumulés pendant deux à trois ans pour obtenir en fin de course une licence ou un master. Une même souplesse est également à l'œuvre à Lille 1, à Arts et Métiers Paristech ou même dans l'Executive MBA de HEC où certaines spécialisations - pays émergents, digital par exemple - d'une durée de 15 jours peuvent désormais être suivies en tant que telles.

La crise est passée par là et face à des budgets formation en berne, de plus en plus d'universités et d'écoles ont compris que pour tirer leur épingle du jeux, mieux valait aujourd'hui se positionner sur des formats plus ramassés, quitte à empiéter sur l'offre des organismes de formation classiques...

Des programmes sur mesure

Autre créneau : la création de programmes sur mesure pour les entreprises, facturés entre 400 et 1.500 euros par jour, selon le prestige des établissements. Ces programmes sont désormais passés à la loupe chaque année par le Financial Times. Un filon suivi par la plupart des écoles de commerce. Pour faire ses premiers pas, Paris Executive Campus, né du regroupement des départements formation continue de Rouen Business School et le Reims Management School, n'a pas hésité à proposer des formations pour le middle management, laissant la formation des dirigeants aux établissements les plus étoilés. Ces derniers, forts de leurs succès en France sur ce créneau, proposent désormais à leurs entreprises clientes de les accompagner pour la montée en compétence de leurs salariés partout dans le monde, sur leurs propres campus délocalisés ou sur celui de leurs universités partenaires.

Les écoles et universités cherchent, par ailleurs, à bénéficier de leur notoriété à l'étranger pour séduire les cadres locaux auxquels sont proposés des stages dans l'Hexagone. Une orientation payante pour l'ESCP Europe. Forte de ses quatre campus en Europe, elle a su convaincre des salariés chinois de venir sur le vieux continent suivre une formation sur le développement durable.

Miser sur la recherche

Pour séduire les entreprises, nombre d'écoles d'ingénieurs, à l'image de l'Ecole des mines Paristech ou de l'ENPC, misent, quant à elles, sur leurs chercheurs pour initier des programmes haut de gamme s'appuyant sur les dernières retombées de leurs travaux. Cette politique, développée notamment dans le cadre de chaires, marque parfois les prémisses d'une collaboration renforcée avec les employeurs. En témoigne l'exemple de Grenoble école de management et de BNP Paribas Cardif. Après la création d'une chaire sur l'ingénierie des services, ce partenariat a débouché sur le lancement d'un BADGE (Bilan d'aptitude délivré par les grandes écoles, un label de la CGE) sur le même sujet afin de former les salariés de l'assureur.

Une nouvelle culture

Toutes ces stratégies s'accompagnent d'une véritable révolution interne pour les écoles et universités. Les établissements qui ont pris une longueur d'avance ont développé une autre façon d'apprendre en favorisant l'approche compétences. Pour favoriser la diffusion de leur offre, ils ont aussi appris à utiliser de nouveaux créneaux (vidéos sur You Tube, présence sur les réseaux sociaux), ont recruté des commerciaux, voire comme à l'Essec, des responsables grands comptes et ont réfléchi à la mise en place d'évaluation pour satisfaire les entreprises habituées à la culture du reporting. Autant de moyens de couper l'herbe sous le pied des acteurs économiques qui ont encore trop souvent tendance à considérer infranchissable le fossé entre le monde de l'entreprise et celui de l'enseignement supérieur...

Laurence Estival | Publié le