France Business School : des "ambitions démesurées", selon la Cour des comptes

Cécile Peltier Publié le
France Business School : des "ambitions démesurées", selon la Cour des comptes
La Cour des compte dresse le portrait d'une fusion aux objectifs peu réalistes. ©FBS // © 
Des objectifs économiques trop optimistes, une gestion "défaillante", mais surtout un manque de contrôle de la direction générale par les instances de l'association. Dans son rapport annuel, présenté le 8 février 2017, la Cour des comptes se penche sur les causes de la "fusion ratée" de France Business School, et pointe une responsabilité partagée.

36,6 millions d'euros, contre les 13,65 millions escomptés. C'est selon le rapport annuel de la Cour des comptes, présenté mercredi 8 février 2017, le montant du "surcoût total" assumé par les collectivités locales et les chambres de commerce à l'origine du projet France Business School. 

Une facture plutôt salée qui aurait pu donner lieu à un "bilan encore plus désastreux", si les membres de l'association n'avaient pas pris acte de "l'échec de ce projet au terme de deux années", remarque la Cour. Maigre consolation pour les victimes collatérales d'un projet qui, au sein de la communauté, est devenu l'emblème de la fragilité des écoles de commerce sur un marché hyperconcurrentiel.

La dissolution de l'association FBS en juin 2015, après seulement deux années universitaires de fonctionnement, n'a pas été sans conséquences, reconnaît le rapport. 85 étudiants recrutés par FBS sur les campus de l'ESC Amiens ou de l'Escem, qui n'ont pas pu ou voulu poursuivre leurs études dans une autre école détentrice du grade de master, "sont ou seront diplômés d'une formation ne conférant pas le grade de master", malgré des frais de scolarité de près de 20.000 euros. 

Du côté des personnels, après reclassements, 181 emplois ont été supprimés. Enfin, plus globalement, l'explosion de FBS a provoqué "l'affaiblissement durable de l'École supérieure de commerce d'Amiens et la transformation de l'Escem (Orléans, Poitiers, Tours) en une école de type bac+3 alors que cette dernière disposait, avant la fusion, d'accréditations et d'une réputation solides".

"UNE CONJONCTION DE PROBLÈMES DE CONTRôLE"

Selon l'enquête de la cour des Comptes, le naufrage de FBS n'est le résultat ni d'une seule cause ni la responsabilité d'un seul homme, mais celui d'une "conjonction d'erreurs de gestion et de problèmes de contrôle", dans laquelle "les responsabilités effectives du président, du directeur général et des membres du conseil d'administration sont difficiles à distinguer". 

Le rapport montre ainsi que le projet porte en germe ces dysfonctionnements : "Le statut associatif de FBS est caractérisé par une surreprésentation des chambres de commerce (CCI) et une absence de représentation des collectivités territoriales, pourtant financeurs, et des autres parties prenantes (enseignants, élèves, personnalités qualifiées)."

Autre problème, l'absence de lien entre les pouvoirs accordés aux membres dans les organes de l'association et le montant de leurs cotisations. Ainsi, le syndicat mixte de l'Escem, qui finançait à lui seul la moitié du montant total des cotisations, disposait du même nombre de représentants et donc de droits de vote que les autres. Une situation qui a pu "dissuader" les collectivités et les CCI membres de l'Escem de "s'impliquer dans la gouvernance de l'association".

Par ailleurs, les membres fondateurs, qui auraient dû exercer sur l'association "un contrôle comparable à celui qu'ils exercent sur leurs propres services", s'en sont tenus à un "contrôle très faible de la direction générale", un poste confié à Patrick Molle

Un directeur général, dans lequel "le président et les membres du conseil d'administration ont placé une confiance excessive", aussi bien dans sa capacité à piloter l'établissement que "dans le réalisme de son projet pédagogique", note le rapport. 

"UNE STRATéGIE DE RECRUTEMENT PRécipitée"

Sur le plan pédagogique, une stratégie de recrutement préparée dans la "précipitation" explique en partie "l'effondrement des recrutements", marqué par une sous-représentation des élèves issus de classes préparatoires, pourtant "vivier traditionnel" des écoles membres. En baisse la première année de 77 % par rapport à 2011-2012, le recrutement accuse une chute de 90 % la seconde année, avec seulement 181 étudiants recrutés au sein du programme grande école. 

Ce choix radical se double d'"une ambition internationale démesurée". Ambition traduite par la décision du directeur général, dès sa prise de fonction, d'une implantation permanente en Chine, tandis que "l'école ne disposait pourtant pas de la surface financière [nécessaire] à la réussite d'un tel projet à court et moyen terme, les défis posés par la fusion étant par ailleurs considérables". 

des objectifs financiers non réalistes

Enfin, le rapport pointe une "comptabilité totalement désorganisée" et des manquements répétés au "respect des règles de la commande publique". 

Des dérapages qu'une "mise en œuvre de procédures de contrôles et l’instauration d’un plus grand pluralisme au sein du conseil d’administration" auraient pu, au moins en partie, "permettre d’éviter", estime la Cour.

Mais ce n'est pas tout. Pour réellement fonctionner, encore aurait-il fallu que les écoles fondatrices fassent preuve de réalisme. Estimé à 13,65 millions d'euros sur cinq ans, le coût du rapprochement a en réalité coûté près de trois fois plus cher (36,6 millions d'euros). Les membres tablaient par ailleurs sur un résultat positif de 10 millions d'euros à l'horizon 2016 pour financer les développements de l'école. Des objectifs qui n'étaient pas réalisables "dans un délai aussi court" compte tenu de la situation préalable des écoles, et de l'environnement très concurrentiel, estiment les auteurs du rapport.

Pour éviter de nouveaux FBS, la Cour appelle CCI France, dans le cadre de ses missions de valorisation et  d'information, à "faire connaître les conditions nécessaires et suffisantes des fusions entre écoles, notamment en matière de financement de projet pédagogique et de procédures de contrôle".

PROLONGER LES HABILITATIONS EXISTANTES LA PREMIÈRE ANNéE

Quant au ministère et à la CEFDG (Commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion), ils ont également leurs responsabilités. "Il est regrettable qu'[ils] n'aient pas dissuadé les écoles de s'engager dans la voie du programme unique habilité alors que ce dernier ne remplissait pas les critères objectifs d'habilitation du fait de la sous-performance en matière académique et de recherche de certaines écoles fondatrices", insiste la Cour.

D'autant que la possibilité pour les étudiants de bénéficier d'un grade de master à titre rétroactif et conditionné n'apportait pas, selon eux, "les garanties nécessaires aux étudiants éventuellement intéressés et a probablement grevé considérablement les chances de réussite de l'école".

Dans l'hypothèse d'une future fusion, ou d'un rapprochement entre programmes visés et/ou conférant le grade de master, les auteurs appellent au maintien, pendant un an, des habilitations existantes. De quoi favoriser à court terme "le recrutement d'étudiants" et un "contrôle pédagogique continu" par la Commission et le ministère, en vue d'un éventuel renouvellement de l'habilitation. Et, à moyen terme, encourager les innovations pédagogiques, tout en veillant à la qualité académique des masters." À bon entendeur... 

Cécile Peltier | Publié le