GIANT : un campus d’innovation en construction à Grenoble

Propos recueillis par Sylvie Lecherbonnier Publié le
GIANT : un campus d’innovation en construction à Grenoble
Stéphane Siebert // © 
Si les feux des projecteurs sont braqués sur Saclay, un autre campus technologique est en train de voir le jour dans l’Hexagone : GIANT à Grenoble. Construit à partir du centre d’excellence en micro et nanotechnologies Minatec, GIANT (Grenoble Innovation for Advanced New Technologies) a pour ambition de devenir l’un des 20 campus d’innovation mondiaux. Rien de moins. Explications du projet GIANT , de ses objectifs et de sa gouvernance atypique avec Stéphane Siebert, son directeur délégué qui vient du CEA (Commissariat à l’énergie atomique).

Comment GIANT est-il né ?
L’idée de départ date de 2006 et la création officielle de 2008. En 2007-2008, les parties prenantes se sont lancées dans un véritable tour du monde des campus technologiques pour comprendre comment ils étaient organisés. Au final, GIANT est à la fois un projet scientifique qui rassemble huit membres fondateurs (CEA, CNRS, Grenoble École de management, Grenoble INP, université Joseph-Fourier, et trois grands équipements européens : le Laboratoire européen de biologie moléculaire [EMBL], le synchrotron ESRF et l’Institut Laue-Langevin) et un projet urbain qui fait l’objet d’une ZAC (zone d’aménagement concertée) de 250 hectares.

"Un site de recherche comme GIANT se construit sur cinquante ans"

Qu’est-ce que recouvre ce « campus d’innovation » ?
GIANT rassemble sur un même lieu des compétences complémentaires en enseignement supérieur, recherche et valorisation industrielle. Un projet fondé sur l’interaction des disciplines autour de trois grands enjeux de société : la société de l’information, la santé et la planète, autrement dit les énergies nouvelles. Qui dit campus dit aussi lieu de vie. Le campus profite d’un grand terrain militaire qui n’avait pas encore été aménagé, à deux pas du centre-ville de Grenoble. Il s’agit aussi d’un écosystème industriel avec la présence d’entreprises comme ST Microelectronics, Schneider ou Renault et un tissu de PME auxquels nous tenons beaucoup.

Notre ambition ? Figurer dans les 20 campus d’innovation mondiaux qui comptent. Nous n’avons pas vocation à nous comparer à des campus généralistes comme Cambridge ou Harvard, mais plutôt à Caltech ou GeorgiaTech. De toutes façons, un site de recherche comme celui-ci se construit sur cinquante ans.

"Nous défendons le projet par rapport à la structure"

Comment fonctionnez-vous ?
Nous défendons le projet par rapport à la structure. C’est pourquoi GIANT n’a pas de personnalité morale. Notre choix a été de ne pas établir de nouvelle structure car elle n’apporterait aucune plus-value à l’efficacité du système. Seule une convention entre les membres précise les modalités de fonctionnement. En revanche, l’adhésion des huit leaders des institutions fondatrices est essentielle. Ils s’obligent à travailler ensemble par le biais d’un comité de pilotage qui se réunit une demi-journée six fois par an et prend ses décisions à l’unanimité. Cet engagement personnel apporte une véritable cohésion à l’ensemble. Les grandes orientations se déclinent avec des groupes de travail où sont représentés les huit fondateurs. Une petite quinzaine de permanents font ensuite tourner la machine pour un budget annuel de 300.000 €, là où les investissements prévus dépassent le milliard d’euros sur six ans. C’est l’archétype du management par projet.
Cette gouvernance est atypique, il est vrai, mais il faut tenir compte de l’histoire du site. Le CEA, le CNRS et l’INRIA ne pouvaient être exclus des décisions. Ce choix a d’ailleurs été bien compris par les différents jurys lors des appels à projets de l’Opération campus ou des Investissements d’avenir.

Comment GIANT a-t-il profité de l’Opération campus et des Investissements d’avenir ?
Le projet préexistait à ces appels à projets. Nous avons décidé de répondre à chaque fois que les objectifs de ces dispositifs étaient en adéquation avec notre ambition. Leurs financements viennent en synergie de notre projet, qui reste inchangé. Pour l’Opération campus, GIANT correspond au site ouest de Grenoble et Saint-Martin-d’Hères au site est. Ces deux sites sont organisés de manière complémentaire. Il existe peu de sujets sur lesquels il y a des frictions. Pour l’Idex [Initiative d’excellence], idem ! GIANT constitue une partie des projets qui fédèrent 14 partenaires. Au total, le CPER (contrat de projet État-région), l’Opération campus et les Investissements d’avenir apporteront quelque 600 millions d’euros à GIANT. On peut compter sur autant d’investissements des collectivités territoriales pour le projet urbain.

Le choix de ne pas créer de structure n’engendre-t-il pas le risque que le projet soit remis en cause lorsqu’un ou plusieurs des huit leaders changeront ?
Non. Le projet est trop avancé pour cela. Et chacun des membres trouve son intérêt dans ce fonctionnement. GIANT s’est construit sur ce modèle en raison du succès de Minatec créé en 2005 pour rassembler sur un même lieu l’enseignement supérieur, la recherche et la valorisation industrielle des nanotechnologies. Aujourd’hui, créer d’autres centres d’excellence sur la santé ou l’énergie permet d’apporter plus de robustesse à l’ensemble. On sait bien que les industries suivent des cycles. On peut espérer que lorsque la micro-électronique sera sur un cycle plus faible, l’énergie portera l’ensemble, par exemple. Les centres ne sont pas déconnectés les uns des autres. L’expression « fertilisations croisées » prend ici tout son sens. Nous élaborons, par exemple, pour Renault une nouvelle génération de batteries. Il est évident que le pôle énergie et Minatec collaborent sur ce sujet. « L’effet cafétéria » n’est pas à négliger.

 

L’impact socio-économique de GIANT sur l’économie grenobloise

Contribuer au développement économique de Grenoble et de sa région fait partie des missions que s’est fixées le campus d’innovation GIANT. Actuellement, cet impact socio-économique est estimé entre 2,2 et 3,3 milliards d’euros annuels, selon que l’on compte ou non les effets indirects visibles. Tel est le résultat d’une étude conduite par Grenoble École de management.

GIANT en chiffres

• 6.000 chercheurs.
• 5.000 emplois industriels.
• 5.000 étudiants.
• 300 habitants.
• 5.000 publications par an.
• 500 brevets déposés par an.
• 40 entreprises sur le site.
• 50 start-up créées depuis les cinq dernières années.
• Investissements prévus entre 2010 et 2015 : 1,2 milliard d’euros (50 % collectivités, 50 % État).

Propos recueillis par Sylvie Lecherbonnier | Publié le