Impression 3D : MakerBot, à la conquête de l’enseignement supérieur

Céline Authemayou Publié le
Impression 3D : MakerBot, à la conquête de l’enseignement supérieur
MakerBot et ses imprimantes 3D s'emparent du marché de l'éducation. // ©  Louis Siegal
Le fabricant américain d’imprimantes 3D MakerBot, récemment racheté par le géant du secteur Stratasys, a fait de l’éducation un enjeu stratégique. Le 10 juin 2015, il inaugurait au sein de l’université italienne Carlo-Cattaneo le premier “Centre d’innovation MakerBot” d’Europe. Cet atelier numérique sponsorisé doit permettre aux étudiants de se familiariser à l’impression 3D… mais aussi à la marque.

Des imprimantes 3D comme s'il en pleuvait. L'université Carlo-Cattaneo, dite LIUC, située à Varese, à quelques encablures de Milan, vient de voir son parc de machines renfloué. Créé il y a dix ans sous l'impulsion des industriels de la région, l'établissement privé de 3.000 étudiants disposait jusqu'ici de six imprimantes. Ce sont désormais 20 engins, tous estampillés MakerBot, qui sont mis à disposition des jeunes et des entreprises locales.

Le centre d'innovation MakerBot, inauguré le 10 juin 2015, est situé au cœur de l'université. Il vient compléter l'offre proposée par le SmartUp Lab, un atelier de fabrication numérique créé par LIUC et dédié à la fabrication numérique. "Nous travaillons avec les imprimantes 3D depuis plus d'un an, rappelle Samuele Luri, l'un des responsables du centre d'innovation. Mais grâce à ce partenariat, nous allons pouvoir élargir les champs d'application de cette technologie." À partir de septembre 2015, de nouveaux cours vont compléter l'offre du cursus ingénieurs – LIUC dispose de trois départements : droit, commerce et ingénierie, NDLR – : les élèves seront amenés à utiliser l'impression 3D dans leur formation.

Le marché de l'éducation, pour atteindre le grand public

Les 20 imprimantes installées dans l'établissement sont toutes mises en réseau et accessibles à distance via une interface fournie par MakerBot. "La plateforme logicielle fournie avec les machines permet de gagner un temps précieux, explique Andreas Langfeld, responsable Europe de MakerBot. Où qu'ils soient, les utilisateurs peuvent envoyer leur dessin au centre. Les pièces sont imprimées dans la foulée."

Si les deux partenaires détaillent volontiers les aspects techniques du contrat, la dimension financière est quant à elle tenue secrète. L'équipement représente à lui seul plus de 80.000 €. Une somme que le fabricant semble être prêt à investir pour gagner de nouveaux marchés : si LIUC est le premier établissement d'enseignement supérieur européen à accueillir un centre d'innovation MakerBot, sept universités américaines ont déjà franchi le pas. "Nos buts sont similaires, constate Samuele Luri : tout comme MakerBot, nous voulons que les étudiants et les entreprises comprennent l'intérêt d'utiliser l'impression 3D dans les processus d'innovation."

LIUC est le premier établissement d'enseignement supérieur européen à accueillir un centre d'innovation MakerBot.

LIUC est le premier établissement d'enseignement supérieur européen à accueillir un centre d'innovation MakerBot. // © LIUC

Outre les universités, la marque s'est aussi lancée dans une vaste opération destinée aux écoles. Son ambition ? Installer une imprimante 3D dans chaque établissement d'enseignement primaire des États-Unis. "À certains égards, nous observons des similitudes entre le développement de l'impression 3D et celui des ordinateurs dans les années 1980, explique Andreas Langfeld. Les écoles introduisent une nouvelle technologie pour leurs élèves. Ces derniers l'adoptent et la diffusent auprès de leurs proches, puis, plus tard, au sein de leur entreprise et donc de la société."

100% business contre esprit bidouille

Si MakerBot a fait du marché de l'éducation l'une de ses priorités, l'entreprise doit naviguer dans des eaux troublées par l'évolution de son modèle. Rachetée en 2013 par le géant du secteur 3D Stratasys, MakerBot a, au fil des mois, beaucoup perdu de son esprit bidouille. Créée en 2009 par deux "geeks" et fervents défenseurs de l'open source, la petite start-up new-yorkaise est devenue une grosse industrie, qui commercialise des machines très simples d'utilisation mais désormais complètement fermées – et donc non modifiables.

Or les fablabs, qui accueillent en France la grande majorité des imprimantes 3D, sont portés par des valeurs de "faire par soi-même" et d'amélioration des outils par les pairs. "L'intérêt de ces lieux de fabrication est que les élèves peuvent mettre la main à la pâte, bidouiller pour comprendre le fonctionnement des machines", explique Jérémie Grisolia, enseignant-chercheur à l'INSA Toulouse et chargé de l'innovation.

L'école d'ingénieurs s'est dotée en avril 2015 d'un fablab. À partir de la rentrée 2015, les étudiants viendront y suivre des enseignements spécifiques et pourront manipuler les quatre imprimantes 3D installées. Parmi elles, pas de MakerBot mais des Reprap, qui peuvent être modifiées, bidouillées voire perfectionnées à l'envi. "C'est tout l'intérêt du mouvement open source, note l'enseignant. Le système s'améliore grâce à la contribution des utilisateurs. C'est devenu impossible avec les machines MakerBot."

Nous observons des similitudes entre le développement de l'impression 3D et celui des ordinateurs dans les années 1980.
(A. Langfeld)

Au-delà de l'aspect technique, certains regrettent donc le changement "éthique" de la firme, intervenu au cours des derniers mois. "En rendant son système très fermé, MakerBot s'est mis à dos une grosse partie de la communauté des fablabs, analyse Cédric Bleiming, responsable du fablab créé par l'école d'ingénieurs nancéenne ENSGSI et le laboratoire de recherche ERPI. L'aura 'business' de la marque entre en conflit avec les valeurs originelles prônées à sa création."

Ayant peut-être entendu les critiques émanant de la communauté des makers, MakerBot vient de publier, de façon libre et gratuite, un guide à destination des enseignants. Le but ? Les aider à intégrer l'impression 3D au sein de leur classe. Libre et gratuit, l'ouvrage ? Oui, à condition... de posséder une machine estampillée MakerBot.

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La Learning Expedition EducPros s'est arrêtée fin avril 2015 à New York et Boston et a rencontré le MIT, Harvard mais aussi MakerBot ou Kickstarter... Prochain départ le 1er novembre à la visite de Stanford, Berkeley et des start-up EdTech de la Silicon Valley.

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Céline Authemayou | Publié le