L'Edhec veut devenir "le Tesla de la formation à distance"

Cécile Peltier Publié le
L'Edhec veut devenir "le Tesla de la formation à distance"
Edhec Lille // ©  EDHEC
L'école de management multicampus mise sur la formation à distance, dont elle espère tirer, d'ici à cinq ans, 10 % de son chiffre d'affaires, pour arriver à terme à 20 %. Un objectif ambitieux sur un marché très compétitif, qui ne l'empêche pas d'investir en parallèle sur l'expérience étudiante.

Nous voulons devenir le Tesla de la formation en ligne. Avant les conducteurs pensaient que les voitures à essence étaient meilleures que les voitures électriques, aujourd'hui ils réalisent qu'elles rendent un excellent service, explique Benoît Arnaud, actuel directeur Executive Education et MBA’s et futur directeur d’Edhec Online, la nouvelle division de la grande école. C'est pareil pour la formation à distance, un certain nombre de grandes business schools commencent à comprendre que les étudiants apprennent très bien si on trouve les méthodes pédagogiques adaptées."

Alors que HEC annonçait, en mars 2017, le lancement de son premier diplôme 100 % en ligne, et que les grandes business schools se lancent progressivement dans la production de cours en ligne, l’Edhec s'y aventure également et ne fait pas les choses à moitié. L'école de commerce multicampus table, d’ici à 2025, sur 1.000 diplômés par an ayant suivi leur formation par cette méthode, soit 10 % du chiffre d’affaires du groupe – 126 millions d’euros sur l’exercice 2017-2018 –, et, à terme, 20 %.

Un objectif très ambitieux, mais réalisable compte tenu des besoins globaux en formation et des innovations technologiques, estime l’école. “C’est un vrai défi, car c’est une nouvelle matière d’apprendre, en particulier en France. Mais le marché du "online" pèse globalement 182 milliards de dollars au niveau mondial[source : Global Market Insights], dont 10 milliards dans les business schools. Avec la baisse des subventions publiques, il n’y aura pas de grandes constructions de campus, et la 5G va bientôt permettre de télécharger une vidéo d’une heure et demi en cinq secondes sur votre portable, qui devient de plus en plus un outil d’apprentissage”, énumère Benoît Arnaud.

Pour un maximum “d’agilité”, les activités d’Edhec Online vont être isolées au sein d’une business unit indépendante, avec son plan stratégique et son compte de résultats propres. Une manière “d’aller plus vite”, alors que ce projet fait appel pour beaucoup à de “nouveaux métiers”.

Repenser les contenus et les méthodes d'apprentissage

L’Edhec a déjà une certaine expérience en matière de formation à distance. À la tête d’un PhD en “blended learning”, d’un programme manager (RNCP niveau I) et d’une filière de son BBA 100 % en ligne, l’établissement revendique quinze ans d’expérience en matière de e-learning. Équipée d’un studio, l'école va recruter une nouvelle équipe composée de spécialistes en pédagogie et en développement informatique afin de l'accompagner dans la digitalisation complète de son portefeuille existant, d'ici à cinq ans. Des produits à destination d’un public assez nouveau, international, très éloigné des campus et en moyenne plus âgé et plus féminin que celui des programmes en formation initiale.

Ainsi, il ne s’agit pas seulement de numériser les diplômes, mais aussi de repenser les contenus, avec davantage de place accordée aux problématiques liées au numérique. Et de faire en sorte de rendre les modes d’apprentissage plus interactifs et plus ludiques. Parmi ces nouvelles recrues envisagées, une batterie de coachs chargés d’accompagner les étudiants, organisés par groupes de cinq, dans leur apprentissage individuel et collectif. “Tous nos étudiants ont un tuteur individuel, avec un rendez-vous hebdomadaire, qui les oblige à travailler”, précise Benoît Arnaud.

À l'occasion de son “tour du monde de la formation en ligne”, réalisé en amont du lancement de la nouvelle entité, ce dernier a repéré des projets intéressants aux États-unis, en Espagne et en Angleterre, où l'Edhec travaille avec plusieurs écoles sur des solutions d’adaptative learning.

Quelques cours de finance très pointus sur Coursera

Si HEC a opté pour Coursera pour son programme 100 % en ligne, de leur côté, les programmes d’Edhec Online seront commercialisés sur une plate-forme en propre, à des tarifs comparables à ceux des formations classiques. “Ce ne sont pas des diplômes au rabais, les cours en ligne sont beaucoup plus chers à produire – ils doivent être refaits entièrement tous les trois ans – et plus difficiles à faire fonctionner encore que des cours en présentiel”, insiste Benoît Arnaud.

Certains contenus seront coproduits avec des partenaires académiques prestigieux afin de faire rayonner la marque. Au programme pour l'instant : des modules avec Berkeley Online. D'autres partenariats seront annoncés à la rentrée avec de grandes universités étrangères. À titre de vitrine, l'Edhec proposera aussi quelques cours de finance “très pointus” sur Coursera. Elle vient également de signer deux partenariats avec Teach on Mars, le principal acteur de l’apprentissage sur mobile, et avec l'Union nationale des entreprises adaptées afin de rendre les formations accessibles aux personnes en situation de handicap.

Incontournable pour toute business school qui veut garder son rang, la formation en ligne ne constitue pas pour autant un nouvel Eldorado. "C’est un marché compétitif, difficile comme la formation continue, à la différence qu'il n'est pas mature, mais en plein développement. On ne le fait pas pour faire des marges extraordinaires, mais pour toucher de nouveaux étudiants", poursuit le directeur. Et la formation à distance ne remplacera pas non plus demain les écoles classiques, l’Edhec en est convaincue. “Coursera, c’est très utile lorsqu’on cherche une compétence pointue à mettre sur son CV, mais lorsqu’on veut une expérience transformationnelle en groupe, c'est l'école qui prime.” D’où l’intérêt de miser à fond sur “l’expérience étudiante”, dans laquelle l’école prévoit d’investir 20 millions d’euros ces trois prochaines années.

La nouvelle direction "expérience étudiante" pilotée par Anne Zuccarelli, a mené, en lien étroit avec l’ensemble de la communauté, un plan de 35 actions prioritaires qui débouchera, par exemple, sur l’intégration, dès la rentrée 2018, de classes virtuelles au sein du BBA ou du déploiement de l’évaluation par les pairs.

D'importants investissements seront aussi réalisés en matière d'infrastructures. Ainsi, la moitié des salles de classe seront équipées d’outils de travail à distance d'ici à fin 2018, et à l'horizon 2020, des salles de classe connectées et des espaces de co-working seront créés également. De quoi attirer encore plus les étudiants sur ces campus.

Mais tout cela a un coût : l'école qui s’était engagée à ne pas augmenter ses frais de scolarité pendant trois ans, suite au tollé provoqué par leurs hausses brutales, va renouer avec cette tendance dès la rentrée. Une augmentation maîtrisée qui devrait rester dans "les limites de l’inflation".


Le BBA en première ligne de l'actualité

"On est ravis, inutile de vous le dire…” Lorsqu’on l’interroge sur la future intégration du BBA de l'école à la plate-forme d’affectation nationale, le directeur général de l’Edhec, Emmanuel Métais, affiche un sourire crispé. Comme l’essentiel des écoles de commerce postbac, celle-ci a sollicité une dérogation auprès du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, afin que son BBA puisse rejoindre Parcoursup en 2020 seulement.
En attendant, "effet Parcoursup ou pas", le BBA de l’Edhec enregistre cette année un bond en matière de candidatures (+ 50 %). Alors qu'avec la réduction du temps dévolu aux concours, les banques de concours sont promises à un phénomène de concentration, Emmanuel Métais voudrait éviter en postbac la création d’un système “aussi figé” que le Sigem : “On veut préserver la particularisme de notre recrutement, l’Edhec aime bien les chemins de traverse.”
Au cas où un grade de licence serait délivré, l’école, qui a misé sur un Bachelor en quatre ans, devrait revoir sa maquette. Elle planche d’ailleurs sur un projet qui permettrait de proposer une sortie à trois ans, avec une quatrième année supplémentaire, pouvant mener à un master.

Cécile Peltier | Publié le