À l'université de Caen, le petit dico des synonymes qui a tout d'un grand

Morgane Taquet Publié le
À l'université de Caen, le petit dico des synonymes qui a tout d'un grand
Dix-huit ans après sa mise en ligne, le DES compte un peu de moins de 50.000 entrées et environ 205.000 relations synonymiques réciproques. // ©  Crisco
Depuis vingt ans, le laboratoire de sciences du langage, Crisco, développe un dictionnaire des synonymes en ligne. Devenu une référence, il offre une visibilité sans égale à l’université caennaise. Nouvel épisode des insolites d'EducPros.

Qui n'a jamais utilisé le "DES" du laboratoire Crisco de l'université de Caen ? Avec une moyenne de 250.000 requêtes par jour, le DES fait bonne figure dans le monde des dictionnaires en ligne. Il est porté par le laboratoire de sciences du langage Crisco (Centre de recherches inter-langues sur la signification en contexte), une unité de recherche de l’université de Caen.

"Aux origines du projet, il y avait un programme de recherches sur la polysémie et sur la modélisation du sens des mots dans les années 1990, rappelle Éric Gilbert, directeur du laboratoire. En 1998, plusieurs de nos linguistes ont créé un outil de recherche pour rassembler sept dictionnaires de français. Il fallait fusionner les listes et les nettoyer. À partir de ce travail de fourmi, a été créée une base de données, avec 40.000 entrées mise en ligne en 2000. Aujourd'hui, il s'agit d'une des bases de données les plus riches de la langue française. Nous la prêtons d'ailleurs régulièrement aux équipes de recherche travaillant sur le sens, la dernière en date étant l'université de Namur."

Dix-huit ans après sa mise en ligne, le DES compte un peu de moins de 50.000 entrées et environ 205.000 relations synonymiques réciproques.

Un fonctionnement participatif

Depuis 2014, le site fonctionne sur un système participatif. "Nous l'étoffons grâce aux suggestions et propositions d'ajouts des internautes sur une page dédiée, à raison de 1.000 liens environ par an." Parmi les autres évolutions, la possibilité de combiner plusieurs requêtes, et un projet d'extension de synonymie français-anglais.

Pour répondre à une demande, le site a également développé un service autonome payant (36 euros) à la demande de chercheurs et écrivains qui travaillent à l'étranger ou dans des endroits reculés sans réseau. Outre le DES, Crisco propose également un logiciel de synthèse vocale Kali (français, anglais et wolof), notamment à destination des personnes non voyantes.

Une vitrine pour l'université caennaise

Quelles sont les retombées pour l’université de Caen ? "Le DES est une vitrine très importante car c'est Crisco et son DES qui génèrent la majorité des connexions vers l'université, de France mais aussi de toute la francophonie", assure Éric Gilbert.

"Sur le site Easy Counter, qui produit des statistiques de fréquentation des sites web, l’université de Caen se situe au 12.299e rang mondial quand l'université de Rouen est à la 38.749e place et Paris Diderot à la 35.799e. À Caen, 60 % des flux viennent du DES", rapporte Éric Gilbert.

En interne, c'est Laurette Chardon, ingénieure de recherche informatique qui s'occupe au quotidien du site. "C'est peu, et c'est un problème pour répondre à toutes les suggestions des internautes", regrette Éric Gilbert, qui dit faire appel à des stagiaires, notamment de BTS informatique, sur des compétences ponctuelles en javascript, par exemple.

"Un service public gratuit"

Malgré sa notoriété, le laboratoire ne bénéficie pas de financements particuliers. "À part les fonds générés par les autres activités du laboratoire comme les colloques, les contrats régionaux, nous ne sommes pas privilégiés par rapport aux autres laboratoires de l'université, et nous sommes financés, comme tous les labos, en fonction du nombre de publiants. Nous bénéficions malgré tout d'un ingénieur de recherche, ce qui n'est pas le cas de tous les labos", souligne Éric Gilbert. "Lorsque nous étions UMR (unité mixte de recherche) CNRS, nous avions plus de moyens", ajoute-t-il. Depuis 2007, elle est en effet devenue une unité de recherche de l'université de Caen.

Pas question pour autant de chercher à générer des revenus publicitaires. "Nous avons conclu une licence ponctuelle avec TF1 en 2014, et une proposition d'accord avec le Robert qui voulait développer une version premium a été sur la table", affirme Éric Gilbert, qui assure n'avoir jamais eu connaissance de proposition de rachat.

Depuis deux ans, le site propose aussi aux utilisateurs de faire un don. "L'année dernière, nous avons récolté 2.200 euros de dons. C'est un petit plus, mais notre volonté est de rester gratuit", insiste le directeur. "Nous y tenons particulièrement. Un des attraits du DES, c'est qu'il n'y a pas de publicité. Nous resterons un service public gratuit et en ligne." Un service très bien référencé sur Google !

Morgane Taquet | Publié le