La mixité à l'embauche : une réelle avancée vers l'égalité hommes-femmes ?

Pauline Capmas-Delarue Publié le
Loin de témoigner d'un progrès vers plus d'égalité entre les hommes et les femmes, la diversité lors du recrutement révèle au contraire que les stéréotypes sexués ont toujours la vie dure. Une étude du Céreq révèle en effet que les discriminations à l'embauche n'ont pas reculé, mais simplement muté.

Au-delà des discours, quelle est la réalité de la discrimination à l'embauche ? S'étant penché sur cette question complexe, le Céreq a publié les principaux résultats de son enquête dans le bulletin de recherche emploi-formation d'octobre 2013.

La plupart des recruteurs interrogés pensent sincèrement que les hommes et les femmes sont aujourd'hui parfaitement égaux face à l'emploi. Plus encore, la plupart d'entre eux encouragent la mixité, qu'ils dépeignent comme une source de richesse pour l'entreprise : les femmes auraient des qualités qui leurs sont propres et qui permettent d'humaniser les relations entre collaborateurs. Faire carrière, lorsqu'on est une femme, ne devrait donc plus poser de problème.

La mixité FONDée sur la différence

Mais peut-être avez-vous souligné un détail déconcertant ? "Des qualités qui leurs sont propres." Cela signifierait qu'il existe des qualités naturelles propres aux hommes ou aux femmes, les différenciant selon leur sexe… Et c'est en effet sur ces stéréotypes que repose aujourd'hui la discrimination sexuée à l'embauche.

La diversité dans l'entreprise est recherchée pour des raisons surprenantes, qui, loin de mettre hommes et femmes sur un même pied d'égalité, s'appuie au contraire sur leurs différences. Selon les propos de plusieurs recruteurs interrogés, les femmes seraient de bonnes pédagogues, douées pour la négociation et posséderaient un sens naturel de l'organisation, ce qui en font d'excellents managers – un discours que l'on retrouve aussi dans les manuels de management.

Les femmes auraient des qualités qui leurs sont propres et qui permettent d'humaniser les relations entre collaborateurs

Une mutation de la discrimination à l'embauche

Si les femmes sont parfois recherchées pour leurs "compétences féminines", cela témoigne précisément d'une discrimination effective, puisque le genre entre en jeu dans le choix du recrutement.

L'étude qualitative conduite par le Céreq dans le cadre du projet Evade révèle que, sur 30 recruteurs, seuls deux estiment que le sexe des candidats n'a eu aucune influence sur le choix de la personne embauchée. Le risque pourrait être alors un renforcement de l'idée qu'il y aurait des "métiers d'hommes" et des "métiers de femmes".

Certaines entreprises intègrent d'ailleurs le critère du sexe dans leur stratégie de recrutement : un homme peut, par exemple, être privilégié car le produit vendu par l'entreprise est un "produit masculin". Ce critère est également pris en compte par les recruteurs qui souhaitent établir un équilibre dans leurs équipes de travail, en privilégiant une femme s'il y a une majorité d'hommes dans l'équipe, et inversement. "Dans l'imagerie patronale et politique ambiante, tout semble donc prétexte à la mixité professionnelle, quitte parfois à valoriser et à promouvoir, paradoxalement, les 'différences' entre les femmes et les hommes", observe le Céreq.

Les contraintes familiales propres aux femmes : un présupposé tenace

Ainsi, certains stéréotypes évoluent – tout en demeurant stéréotypes. D'autres persistent, à commencer par celui des contraintes familiales que le statut de femme semble suggérer. Une femme jeune sera généralement vue comme une mère potentielle – avec ainsi le "risque" qu'elle parte en congé de maternité. Quant à une femme ayant déjà des enfants, elle soulève le problème de la disponibilité horaire, c'est pourquoi beaucoup de recruteurs se renseignent sur des éléments liés à la sphère privée avant d'embaucher.

En définitive, les stéréotypes sexués perdurent "de façon diffuse mais récurrente", conclut le Céreq. Et ce, à plusieurs niveaux, accentuant la discrimination : "repérables dans les projets et les pratiques des jeunes hommes et femmes au seuil du marché du travail, utilisés par les recruteurs pour définir les critères [d'embauche], les stéréotypes des un(e)s et des autres se renforcent mutuellement".

 

Pauline Capmas-Delarue | Publié le