Radicalisation et terrorisme : une recherche ignorée des politiques

Isabelle Dautresme - Mis à jour le
Radicalisation et terrorisme : une recherche ignorée des politiques
Dès la rentrée 2016, un poste d'enseignant-chercheur sera créé à Aix-Marseille Université sur les dix créations de postes annoncées en février 2016 par Najat Vallaud-Belkacem et Thierry Mandon. // © 
La recherche sur la radicalisation, la prévention et le risque terroriste en France est abondante mais insuffisamment prise en compte par le monde politique. Tels sont les principaux enseignements du rapport de l’Alliance Athéna, remis à Najat Vallaud-Belkacem et Thierry Mandon début mars 2016.

Commandé par Thierry Mandon à Alain Fuchs, président du CNRS et de l'Alliance nationale des sciences humaines et sociales Athéna, au lendemain des attentats de novembre 2015, le rapport, intitulé "Recherches sur les radicalisations, les formes de violence qui en résultent et la manière dont les sociétés les préviennent et s'en protègent", a recensé les travaux en cours.

Son constat : sur ces thèmes, la recherche française est pour le moins riche et diverse. En atteste la longue liste des sujets traités : religion, prison, médias, renseignements, sécurité, migration, islam...

faire connaître les recherches

Après les attentats de janvier 2015, le CNRS s'est attelé à diffuser et faire connaître les travaux en cours, "afin de répondre à la demande de connaissances de la part du public". D'où, un nombre considérable de publications sorties en 2015 et prévues en 2016 et le succès de l'appel à projets CNRS Attentats-recherche, lancé en novembre 2015.

Autres conséquences des évènements de janvier : des objets de recherche, jusque-là délaissés, sont désormais soutenus. Il en va, par exemple, des recherches sur les comportements individuels et collectifs ou sur la sécurité humaine. Les travaux sur l'usage des médias, la propagande et l'éducation sont également jugés prioritaires.

renouveler les générations de chercheurs

Le rapport pointe cependant des manques, notamment sur les questions de propagande, de cybersécurité, de financement des réseaux terroristes ou encore des recherches coloniales et postcoloniales.

Quant aux chercheurs sur le Proche et le Moyen-Orient et l'Afrique du nord, le rapport ne les juge pas assez nombreux. "La richesse apparente sur les terrains proche et moyen-orientaux dissimule souvent le problème d'un effectif affaibli de chercheurs actifs ainsi que la question du renouvellement des générations et de la densification de la recherche".

Pour pallier cette faiblesse, la ministre de l'Éducation nationale a d'ores et déjà annoncé la création de six postes dans le domaine de l'islamologie et de la radicalisation, quatre autres devraient suivre prochainement (voir encadré).

atteindre les décideurs publics

Bien que "foisonnante", la recherche peine à atteindre les décideurs publics. Le monde des chercheurs en sciences humaines et celui des politiques s'ignorant mutuellement. "La plupart des chercheurs ne se préoccupent pas de transférer leurs résultats de recherche vers la société. Les décideurs ont, quant à eux, pris l'habitude de se reposer sur des experts et se tournent rarement vers des chercheurs en SHS", regrette Alain Fuchs, le président du CNRS, auteur du rapport pour l'Alliance Athéna.

Pour permettre à ces mondes de se rapprocher et de "passer de la connaissance à l'action", le rapport propose la création d'une interface opérationnelle (Athéna-transfert) qui jouerait le rôle d'intermédiaire afin de créer une culture commune.

Le rapport préconise également la création d'un poste de "chercheur-conseiller-référent", chargé "de coordonner la mise en œuvre des résultats de recherche avec les différents ministères".

Lors de la remise du rapport, les ministres se sont engagés "à la mise en œuvre concrète des propositions qui y sont faites, notamment concernant le transfert des résultats de la recherche".

Après Charlie : des postes en islamologie et radicalisation

Lors de présentation de son plan pour l'école suite aux attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes en janvier 2015, Najat Vallaud-Belkacem avait annoncé, sans les chiffrer, des créations d'emplois d'enseignants-chercheurs dans les "disciplines rares", en lien avec le Moyen-Orient et les mondes musulmans.

Un an plus tard, le ministère annonce la création de six postes dans le domaine de l'islamologie et de la radicalisation.

Quatre postes supplémentaires devraient être créés suite à la publication du rapport Athéna.

Isabelle Dautresme | - Mis à jour le