Le blues des nouveaux professeurs : témoignages

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Assumer 18 heures de cours quand on fait ses premiers pas devant des élèves, c’est… mission impossible . C’est le constat que dressent de nombreux jeunes professeurs que le SNES (syndicat national des enseignants du second degré) avait réuni ce mercredi 20 octobre 2010. A la veille des vacances de la Toussaint, le syndicat a souhaité organiser une journée nationale d’expression pour tous les stagiaires, affectés à la rentrée 2010. Rencontre avec deux d’entre eux (*).

Xavier*, lauréat au CAPES, s’est retrouvé pour la première fois devant des élèves, à la rentrée 2010, dans le Val de Marne. Des collégiens auxquels il l’enseigne l’anglais… ou plutôt, il enseignait, car depuis mi-octobre, il est en arrêt maladie.

« Au début, je ne voulais pas baisser les bras, j’ai essayé de faire le maximum, mais je suis trop fatigué »

Mettre sa vie entre parenthèses. « C’est trop difficile, explique-t-il. J’ai quatre niveaux : des sixièmes, des troisièmes et deux classes de quatrièmes dont une européenne. Je prépare mes cours au jour le jour, pour le lendemain. Je me couche très tard, je n’ai plus de week-end. Au début, je ne voulais pas baisser les bras, j’ai essayé de faire le maximum, mais je suis trop fatigué. C’est encore plus dur d’enseigner que de préparer le concours qui est déjà exigeant. On peut accepter de mettre sa vie personnelle entre parenthèses quand on est étudiant pour réussir un examen, mais quand c’est pour son travail, c’est inhumain ».

Deux niveaux en théorie, quatre en pratique. « Les syndicats enseignants, j’étais plutôt contre au départ. En l’espace d’un mois, j’ai changé de discours. J’étais complètement livré à moi-même, sans tutrice les premières semaines. J’ai finalement appelé le SNES car je ne savais plus quoi faire. Ils m’ont dit, qu’en théorie, je ne devais pas avoir plus deux niveaux à gérer. J’ai demandé un rendez-vous avec la DRH de l’Education nationale et mon principal pour essayer d’obtenir gain de cause. Je ne veux pas démissionner car j’ai toujours voulu faire ce métier, mais assumer 18 heures de cours et quatre niveaux en début de carrière, c’est insurmontable ».

Virginie* estime avoir de la chance par rapport à d’autres. Agrégée en juin 2010, elle enseigne l’italien à des secondes, premières et terminales dans l’académie de Versailles, à raison de 9 heures de cours par semaine. Malgré tout, elle se sent bien seule devant les élèves, n’ayant jamais reçu de formation sur la manière de préparer un cours.

« Heureusement que je suis issue d’une famille de profs, mon entourage me prodigue beaucoup de conseils »

Seule au monde. « Je suis la seule stagiaire du lycée et personne ne m’a vraiment accueillie le jour de la pré-rentrée, se souvient-elle. Je ne savais pas qu’il fallait demander les clés des salles de cours ou les listes des classes. Quant à ma tutrice, je ne l’ai croisé qu’une seule fois. Comme je la remplace devant ses élèves de l’an dernier, elle m’a bien fait comprendre sa déception. Elle n’a jamais assisté à un de mes cours et m’a proposé de lui envoyer mes questions par mail ».

A quoi ressemble un cours type ? « Mon plus gros problème est de ne pas savoir si ce que je fais est correct ou pas alors que j’ai la responsabilité de préparer des élèves pour le bac. Cette semaine, avant les vacances de la Toussaint, je suis en formation, et pour la première fois, on m’a expliqué ce qu’était un cours type. Il était temps ! Mais je trouve que la formation reste trop théorique quand tous les stagiaires sont réunis quelle que soit leur discipline. En revanche quand je suis avec d’autres jeunes professeurs d’italiens, c’est génial de pouvoir échanger sur nos méthodes, de comparer où nous en sommes du programme et le nombre de devoirs qu’on a déjà donné ».

Fille de prof, ça aide. « Je n’ai pas de problème de discipline mais j’obtiens rarement un silence complet pendant mes cours. Je ne sais pas comment m’y prendre. L’autre jour, j’ai essayé de séparer des élèves, mais ça n’a servi à rien. Heureusement que je suis issue d’une famille de profs, mon entourage me prodigue beaucoup de conseils. Mais il me manque des directives claires à appliquer même si je sais qu'ensuite je devrais m’adapter aux situations ».

* Les prénoms ont été changés.

Le SNES réamènage la réforme pour la rentrée prochaine
Luc Chatel a annoncé qu’il ferait un bilan de la mise en œuvre de la mastérisation courant novembre. Ce sera l’occasion pour le SNES de plaider pour des aménagements de la réforme à la rentrée prochaine. Trois points doivent notamment être revus :
- le temps de service : actuellement de 18 heures pour un prof certifié (c’est-à-dire l’équivalent d’un temps plein) : il doit être réduit la première année d’enseignement, comme par le passé. « Nous voudrions que la génération sacrifiée de cette année puisse aussi en bénéficier aussi l’an prochain », souligne Frédérique Rolet, porte-parole du SNES.
- la formation des tuteurs : elle doit être précisée car « ces derniers ne savent pas ce qu’on attend d’eux et le risque est que l’année prochaine, plus aucun enseignant ne veuille devenir tuteur », précise Emmanuel Mercier, responsable syndical de la formation et de l’entrée dans le métier.
- les remplacements des jeunes profs : ils doivent être mieux organisés et planifiés. En Ile-de-France, quand les stagiaires sont partis à l’IUFM pendant une semaine avant les vacances de la Toussaint, nombre d’élèves se sont retrouvés sans professeur pendant ce laps de temps.

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