Le Cneser vote en faveur du projet de loi sur l'entrée à l'université

Laura Taillandier Publié le
Le Cneser vote en faveur du projet de loi sur l'entrée à l'université
L’instance consultative du ministère de l'Enseignement supérieur, le Cneser, a rendu un verdict positif sur le projet de loi sur l'accès à l'université, lundi 13 novembre 2017. // ©  UM - Miss Buffet froid
Un vote "historique". Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche s’est prononcé en faveur du projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants, lundi 13 novembre 2017. Un avis globalement positif sur la philosophie de la réforme, qui n'enlève rien aux inquiétudes sur sa mise en œuvre à la rentrée 2018, notamment en termes financiers.

Deuxième round pour le projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants, avec, cette fois, une issue différente. Après un avis négatif du Conseil supérieur de l'éducation, c'est un vote positif que recueille le texte lors de son examen au Cneser, lundi 13 novembre 2017. Avec 35 pour (dont CFDT, Unsa, CPU, Peep), 32 contre (dont FSU, CGT, Unef, Solidaires) et 8 abstentions (dont la Fage), l'instance consultative du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche adopte le projet de loi.

Un vote surprise

"C'est historique, c'est la première fois qu'un projet de loi est approuvé au Cneser", note Franck Loureiro, secrétaire général adjoint du Sgen-CFDT. Un avis qui a surpris une partie des représentants de l'instance. "Je m'attendais à un vote négatif... Je suis heureux de voir que beaucoup d'associations se sont rangées en faveur de la réforme", souligne François Germinet, le président de la commission formation et insertion professionnelle de la CPU (Conférence des présidents d'université). "Si tout le monde a encore des choses à dire sur tel ou tel article, la majorité est d'accord pour dire que la réforme va dans le bons sens", observe-t-il.

Pour le Snesup-FSU, opposé à la réforme, l'étonnement est également de mise. "Nous sommes surpris... Le travail a été mené pour ramener le plus de votants possible, 73 sur ce texte, contre généralement 40, voire 50 personnes..." relève Pierre Chantelot, secrétaire national du Snesup-FSU. "Ce qui a joué, c'est la méthode de la concertation choisie par le ministère. Certaines organisations qui d'habitude s'abstiennent ont, cette fois, été associées. Elles ont pu s'approprier le débat et émettre un vœu éclairé", nuance Franck Loureiro.

Reste que pour le Snesup-FSU, s'il est "difficile de mobiliser" aujourd'hui contre la réforme, "quand les textes d'application arriveront et que l'on rentrera dans la mise en œuvre concrète, les personnels déchanteront rapidement. C'est une telle usine à gaz que cela se passera mal à la rentrée 2018. Il y aura des arrêts maladie." Le syndicat craint notamment une "course" à l'analyse des dossiers dans les universités pour accepter les meilleurs bacheliers. "L'élève qui a 12 de moyenne devra prendre les places qui restent et ce ne sera pas celles près de chez lui", pronostique Pierre Chantelot.

Le budget, nerf de la guerre

Lors de l'ouverture de la séance, la ministre de l'Enseignement supérieur a insisté sur les moyens alloués à la mise en place de la réforme : un milliard d’euros sur cinq ans, comprenant les 500 millions d'euros prévus pour la création de 130.000 places supplémentaires et de "postes dès la rentrée 2018", auxquels s'ajoutent 450 millions d’euros prévus dans le grand plan d'investissement.

Une première partie des 500 millions d'euros – 20 millions – a été votée par le biais d'un amendement au PLF 2018 et devrait permettre la création de 446 postes. "Sur 2018-2019, nous pourrons compter sur une montée en charge de 90 millions d’euros au total", précise la ministre, pour qui il s'agit là d'une "première marche dans cet effort budgétaire pluriannuel".

Suffisant pour amorcer les importants changements de la réforme ? "C'est très faible... Cette somme ne paraît pas suffisante, même si elle vise la mise en œuvre des mesures opérationnelles sur un tiers d'année", juge François Germinet. "Nous ne sommes pas du tout convaincus sur ce point. Les annonces sont très ambitieuses pour la rentrée prochaine au regard des moyens, financiers et humains qui y sont dévolus", estime Stéphane Leymarie, secrétaire général de l'Unsa Sup Recherche.

Pour le Snesup, le calcul est loin d'être suffisant. "De notre côté, nous avons chiffré le coût de l'analyse des dossiers à 110 millions d'euros en tenant compte du nombre de vœux et du fait que 40 % des demandes concernent la licence. On est loin de la rallonge budgétaire de 20 millions d'euros du gouvernement", constate Pierre Chantelot.

"Même s'il aurait très clairement fallu plus, c'est une première étape. Toute la partie sur l'orientation active ne sera pas opérationnelle tout de suite. Les dispositifs d'accompagnement allant jusqu'à la fin du cycle ne vont commencer qu'en L1", pointe Franck Loureiro.

C'est du côté du ministère de l'Éducation nationale que le Sgen-CFDT attend des précisions budgétaires. "S'il ne fait pas son travail, la réforme capotera", juge le représentant du syndicat, qui illustre ce point avec la mise en place de deux semaines d'orientation au lycée. "Il n'y a pas de suspension des cours. Ce travail aura lieu le soir, ou bien le mercredi ou le samedi. Quel message envoie-t-on aux familles ?" ajoute-t-il.

Les mesures pour les étudiants, au cœur des discussions

Autre point de crispation : les mesures prévues pour les étudiants. Si la Fage dit "soutenir la réforme", l'organisation a choisi, comme en CSE, de s'abstenir sur le texte. En cause, notamment, "la suppression du droit à bourse dans le cadre de l’année de césure". "L'inscription de cette année dans la loi est une bonne chose mais on sent, depuis la présentation de la réforme par le ministère, que Bercy est passé par là..." expose Jimmy Losfeld, son président.

La Fage regrette également "des angles morts" sur les mesures liées à la vie étudiante. "La mise en place de la cotisation vie étudiante diminuera le pouvoir d’achat de certaines catégories de personnes qui étaient exonérées de la cotisation de la Sécurité sociale, comme les moins de 20 ans, ou une partie des salariés, comme les doctorants", énumère Jimmy Losfeld.

Outre les modifications déjà actées en CSE, le ministère de l'Enseignement supérieur se serait montré "sensible" en séance pour regarder, sur le plan juridique, comment prendre en compte la situation particulière de ces personnes, ainsi que revenir sur la question du versement de la bourse pendant l'année de césure. 

Quel cadrage sur les attendus ?

Les acteurs du Cneser attendent désormais des précisions, notamment sur la définition des attendus. Le Snesup craint qu'il n'y ait aucun cadrage national quand le Sgen-CFDT affirme l'inverse. "Il y aura un cadrage, même si nous ne savons pas quelle forme il prendra : un arrêté, une circulaire, un texte contractuel entre la Dgesip et l'établissement... Dans tous les cas, c'est bien ça que le ministère rentrera in fine dans le nouvel APB, c'est donc bien lui qui a la main", pointe Franck Loureiro.

"Ce que nous essayons de faire, c'est d'avoir une discussion avec les vice-présidents des commissions de la formation et de la vie universitaire et les doyens des conférences afin que chacun puisse définir ces attendus et que l'on fasse en sorte qu'ils soient les mêmes partout, avec des adaptations ensuite dans les universités", détaille François Germinet. Cette question devrait être évoquée par ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche ce jeudi 16 novembre, lors d'une rencontre avec les vice-présidents des CFVU (Commissions formation et vie étudiante).

La CPU attend également des précisions sur le fonctionnement de la nouvelle plate-forme et sur le dernier mot aux bacheliers. "Quand on dit que le dernier mot revient à l'élève, comment cela se traduira-t-il concrètement ?" interroge François Germinet. Les organisations seront également vigilantes sur les modifications qui seront apportées à l'arrêté licence. "C'est le gros enjeu", avertit Franck Loureiro. "Il faut bétonner le cadrage expérimental sur les aménagements pédagogiques et les modularités apportées à la licence", illustre Stéphane Leymarie. 

Autre étape attendue et qui devrait arriver très vite : le verdict du Conseil d'État sur le projet de loi, avant sa présentation en Conseil des ministres le 22 novembre 2017. Passé cette échéance, ce sera à l'Assemblée nationale de se pencher sur le texte. La commission des affaires culturelles a créé un groupe de travail, présidé par le rapporteur du projet de loi, le député LREM Gabriel Attal, et regroupant des membres de chaque groupe politique. Sa mission : multiplier les auditions des acteurs pour permettre un vote en première lecture avant le 22 décembre prochain. 

Une mobilisation contre le projet de loi le 16 novembre  
Dans un appel commun contre la "sélection à l’entrée de l’université", 16 organisations de jeunesse, dont le SGL, l'Unef, l'UNL, ou encore les Jeunes socialistes, enjoignent "l’ensemble des jeunes, lycéens, étudiants [...] à se mobiliser partout, à s’organiser en assemblées générales, et à participer massivement aux manifestations du 16 novembre à l’appel des organisations syndicales". Une mobilisation spécifique sur les problématiques de l'enseignement supérieur pourrait être envisagée le 22 novembre 2017.

Laura Taillandier | Publié le