Les 15 points clés du projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche

Olivier Monod et Camille Stromboni Publié le
Les 15 points clés du projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche
Lancement des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche - Genevieve Fioraso - juillet 2012 - ©C.Stromboni // © 
Le projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche a fuité mi-janvier 2013. Il ne s'agit que d'une première version, qui sera discutée et modifiée dans le mois qui vient. Panorama des mesures phares.

1- Priorité aux bacs pros et technos en BTS et DUT

"Les titulaires d'un bac professionnel bénéficient d'une priorité d'accès aux sections de techniciens supérieurs et les titulaires d'un baccalauréat technologiques d'une priorité d'accès aux IUT", prévoit le pré-projet de loi. Une volonté qui sera précisée par un décret.

"Compte tenu des flux d’étudiants concernés, cela permettrait aux IUT d’accueillir près de 50 % de bacs technos et 50 % de bacs généraux en moyenne. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir sur des baisses de niveau pré-supposées", a assuré Geneviève Fioraso lors de ses vœux le 21 janvier 2013. [voir les modifications apportées au texte lors du passage en conseil des ministres le 20 mars 2013]

2 - Les conventions avec les prépas

"Chaque lycée ayant une CPGE (classe préparatoire aux grandes écoles) conclut une convention avec un ou plusieurs EPCSCP (établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel). Cette convention prévoit les conditions dans lesquelles les enseignements sont dispensés aux élèves par chacun des deux établissements", prévoit la version du 15 janvier du projet de loi.

Il ne s'agit nullement de supprimer les prépas, a insisté la ministre lors de ses vœux, mais de rapprocher les CPGE des universités, "afin que la recherche irrigue en amont l’enseignement de nos futures élites et que les étudiants puissent bénéficier d’équivalences et de passerelles".

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3 - La spécialisation progressive en licence

Le premier cycle a désormais aussi pour finalité de "permettre la constitution d'un projet personnel et professionnel, sur la base d'une spécialisation progressive des études", indique le projet de loi. Cet ajout à l'article L.612-2 ouvre la voie à la mise en place d'une licence universitaire plus généraliste, défendue par Geneviève Fioraso.

"La loi prévoit d’introduire davantage de pluridisciplinarité dans le cursus de la licence, afin de faciliter la spécialisation progressive et les réorientations", expliquait-elle dans son discours de vœux.

4 - Une nouvelle instance : le conseil académique

C'est la fin des deux conseils centraux de l'université : le conseil scientifique et le CEVU (conseil des études et de la vie étudiante). Le projet de loi envisage la fusion de ces derniers avec la création d'une unique instance : le conseil académique, qui pourra ensuite être divisé -ou non- en sections.

Il comprend 40 à 80 membres : des représentants élus du personnels, des doctorants et des étudiants, et des composantes de l'université. Il est décisionnaire sur les règles relatives aux examens, les questions individuelles de recrutement, d'affectation et de carrière des enseignants-chercheurs et personnels assimilés. Egalement concernant les mesures sur l'orientation des étudiants, la validation des acquis, les activités culturelles ou encore les conditions de vie et de travail des étudiants. Sur la politique de recherche, son avis est consultatif.

Le conseil académique sera mis en place dans tous les EPCSCP, les écoles d'ingénieurs sont donc concernées. [voir les modifications apportées]

5 - Le pouvoir du président d'université encadré

La procédure d'impeachment, envisagée dans les propositions du rapport final des Assises, est reprise dans le projet de loi sous cette forme : "La démission des deux tiers des membres titulaires du conseil d'administration emporte la dissolution de ce dernier et la fin du mandat du président".

Le président d'université, dont le mandat passe de quatre à cinq ans, ne pourra désormais plus exercer deux mandats consécutifs dans la même université, selon le pré-projet de loi.

Enfin, sur la question sensible de la désignation des vice-présidents des conseils centraux (conseil scientifique et conseil des études et de la vie universitaire, remplacés par un conseil académique), le texte ne tranche pas et renvoie ce choix aux statuts de chacune des universités. Dans les "observations" du projet de loi, il est indiqué : "La présidence [du conseil académique] pourra être ou ne pas être le président de l'université". [voir les modifications apportées]

6 - Les personnalités extérieures participent à l'élection du président

Le conseil d'administration comprendra entre 24 et 34 membres (contre 20 à 30 jusqu'ici), dont huit personnalités extérieures (7 à 8 auparavant), nommées par le recteur, et non plus le président d'université. Elles participent désormais à l'élection du président d'université, qui peut être choisi hors du CA, selon cette première version du projet de loi.

7 - Trois modes de regroupement entre établissements : la fin dES PRES

Trois options s'ouvrent aux établissements publics d'enseignement supérieur (d'une même académie, ou inter-académies) :
- la fusion
- le rattachement à un EPCSCP d'un certain nombre d'établissements et organismes
- le mode fédéral : la "participation à une communauté d'universités", indique le projet de loi.

"Fusion, fédération, rattachement par convention à un établissement en préservant la personnalité morale de chaque établissement rattaché : chaque site académique choisira la formule la mieux adaptée à ce regroupement indispensable", estimait Geneviève Fioraso lors de ses vœux. Ces modalités de rapprochements se substitueront ainsi aux PRES (Pôles de recherche et d'enseignement supérieur), dans un délai non précisé.

"La politique territoriale de coordination est organisée par un seul établissement d'enseignement supérieur pour un territoire donné", indique le projet. Avec une exception francilienne : les académies de Créteil, Paris, et Versailles qui pourront voir plusieurs établissements en leur sein.

8 - La communauté d'universités

Troisième option de regroupement entre établissements, la communauté d'universités est un EPCSCP, ses statuts sont adoptés par l'ensemble des universités et organismes ayant décidé d'y participer, indique le pré-projet de loi. Les compétences que chaque établissement transfère à la communauté sont décidées dans les statuts. Elle a à sa tête un conseil d'administration, assisté d'un conseil académique (leur composition est précisée dans le projet à l'article 719-11-7, ainsi que le mode d'élection de leurs membres)

A compter de la promulgation de la loi, les EPCS (mentionnés à l'article 344-4 du Code de la recherche - la majorité des PRES actuels notamment) deviendraient des communautés d'universités.

9 - Les contrats de site

"L'Etat conclut un seul contrat pluriannuel avec les établissements regroupés, à la place du contrat avec chaque établissement", prévoit le projet de loi.

"Une trentaine de sites devraient à l’avenir être signataires pour leur territoire d’un contrat de site avec le ministère, a affirmé la ministre lors de ses vœux. […] Les contrats de sites inciteront à la mise en commun des fonctions supports, des services d’appui à la recherche, à la formation, à l‘insertion, au transfert et aux relations internationales. Ils seront complétés par des contrats d’objectifs avec les collectivités territoriales concernées", a affirmé la ministre lors de ses vœux.

10 - Le MESR veut coordonner l’ensemble de l’enseignement supérieur et de la recherche

Tous les établissements et les organismes doivent-ils être sous tutelles du MESR ? Le projet de loi propose que le MESR assure "la coordination" de l’enseignement supérieur et qu'il soit "associé à la tutelle et à la définition du projet pédagogique des établissements publics d’enseignement supérieur ne relevant pas de son département". Ceci devrait être un sujet de discussion lors de la présentation du texte aux autres ministères.

11 - La reconnaissance du doctorat par l’Etat

Geneviève Fioraso en parle depuis longtemps. La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche veut revaloriser le doctorat : cela passe par une reconnaissance par l’Etat de celui-ci. Dans un ajout à l’article L. 412-1, le projet de loi propose que les concours pour les corps de la fonction publique reconnaissent "les acquis de l’expérience professionnelle" des docteurs.

"Cette expérience professionnelle est prise en compte dans la carrière des fonctionnaires", précise le texte. Les détails devront être négociés avec chaque corps en fonction de leurs statuts.

12 - L’AERES remplacée, l'évaluation renouvelée

Elle générait beaucoup de critiques. "L’AERES sera remplacée par une nouvelle autorité administrative indépendante", a indiqué la ministre lors de ses vœux. Cette nouvelle agence pourrait s’appeler Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. Son président sera nommé parmi les 26 membres du conseil. Ces 26 personnes seront des chercheurs, des membres du secteur privé ou d'agences d'accréditation étrangère et des parlementaires membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Elles seront nommées par le CNU, les organismes de recherche et par les conférences de chefs d'établissements.

La nouvelle autorité chargée de l’évaluation pourra déléguer son travail. Elle n’évaluera pas forcément directement puisqu’elle sera chargée, entre autres, de "valider les procédures d’évaluation […] mises en œuvres par els organismes de recherche et les établissements d’enseignement supérieur." Elle devra également "s’assurer de la prise en compte dans l’évaluation des personnels […] de l’ensemble des missions qui leur sont assignées".

La collation des grades et des titres universitaires va changer. L’Etat ne veut plus avoir à rentrer dans le détail des formations proposées. Les établissements seront accrédités pour délivrer un diplôme rentrant dans "le cadre national des formations". L’accréditation s’effectuerait sur la capacité ou non des établissements à monter la formation qu’ils proposent. L’habilitation, elle, repose sur une étude de la maquette pédagogique. Cette accréditation s’accompagnerait de la mise en place d’un système d’auto-évaluation certifié par une autorité indépendante.

13 - Vers une stratégie nationale de la recherche

Le texte prévoit la création d’un Conseil stratégique de la recherche placé auprès du Premier ministre. Ce conseil s’inscrit dans la volonté de la ministre de mettre en place une stratégie nationale de la recherche arrêtant des priorités, visant à répondre aux défis dans l’air du temps et mis en œuvre via des contrats pluriannuels conclus avec les acteurs de la recherche. Le fonctionnement du conseil sera précisé par décret.

14 - Le numerique et le transfert technologique : des priorités

 Geneviève Fioraso en parle depuis sa prise de fonction, le projet de loi l’inscrit dans le marbre. Les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche se voient attribuer deux nouvelles missions. L'enseignement numérique et le transfert technologique doivent devenir des priorités dans tous les établissements et organismes. Sans plus de précisions pour l’instant.

15 - La fin des grands établissements ?

"La qualification de grand établissement ne peut être reconnue qu'à des établissements de fondation ancienne et présentant des spécificités liées à leur histoire", prévoit le projet de loi. Si Sciences po ou le Collège de France semble faire partie de cette catégorie, quid de l'université de Lorraine ou de Dauphine ?

Autant de points qui seront discutés lors des concertations bilatérales qui commencent mardi 22 janvier pour aboutir à une version finalisée du projet de loi pour sa présentation en conseil des ministres en mars 2013.

Lire la première version du projet de loi (en date du 15/01/13)


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